Les Français consomment trop de terre. Le constat, partagé par le gouvernement comme par la Convention citoyenne pour le climat (CCC), ne se conteste plus aujourd’hui : 3,5 millions d’hectares artificialisés en France et une augmentation du phénomène quatre fois plus importante que l'accroissement de la population. « De 20 à 30 000 hectares sont consommés chaque année sur la nature et les terrains agricoles », selon Michèle Phelep, chargée de mission animation transversale et territoriale au ministère de la Transition écologique. Face à cette gourmandise qui menace tant la biodiversité et l’environnement que les équilibres sociaux et économiques, le gouvernement a adopté un slogan « zéro artificialisation nette pour 2050 ».
La mise en œuvre d’un tel projet découle du Plan biodiversité adopté en 2018. Le sujet a fait l’objet d’une conférence dédiée pendant le Salon des maires et des collectivités territoriales (SMCL), le 24 novembre 2020, qui a réuni Loranne Bailly, directrice générale, Etablissement public foncier (EPF) Nord-Pas de Calais, Jean-Baptiste Butlen, sous-directeur à l'aménagement durable à la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) au ministère de la Transition écologique et Jean-Luc Pérat, maire d'Anor (Nord). Des pistes d’action ont été tracées.
Modèle et accompagnement
« Réduire l’artificialisation des sols de 50 % d’ici dix ans par rapport aux références des dix dernières années ». Pour atteindre l’objectif tiré des conclusions d’un groupe de travail partenarial qui a planché sous l’égide du ministère de la Transition écologique entre juillet 2019 et juillet 2020, « trois axes de réforme sont envisagés », indique Jean-Baptiste Butlen. Le premier, en partie traité dans le projet de loi de finances pour 2021 - en discussion au Sénat - et à reprendre dans le programme d’investissement d’avenir, concerne la définition et la promotion de nouveaux modèles d’aménagement durable, la mise en place d’un observatoire de l’artificialisation et la valorisation de ce qui est déjà entrepris par les collectivités. Le deuxième axe vise à mieux accompagner ces dernières par un renforcement des modalités de contrat avec l’Etat (opération de revitalisation de territoire et projet partenarial d’aménagement) et de l’ingénierie, notamment dans le cadre des établissements publics fonciers (EPF).
Documents d’urbanisme
Le dernier axe entend agir sur la norme. Le cadre des codes de l’environnement et de l’urbanisme est bien fourni mais il est tout de même envisagé de traduire quatre mesures énoncées par la CCC - parmi treize recommandations pour la sobriété foncière - dans un projet de loi à déposer au premier trimestre 2021 : la définition de l’artificialisation et de la trajectoire de sobriété foncière, l’urbanisme commercial et les réversibilités des bâtiments. Pour le reste, il s’agir de fixer la trajectoire du ZAN dans les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) et de la décliner dans les schémas de cohérence territoriale (Scot) et les plans locaux d'urbanisme (PLU), le cas échéant intercommunaux (PLUi).
Points de vigilance
Sur le papier, ces louables intentions dessinent un futur plus désirable. La nature en ville serait valorisée, l’ouverture de terrains à l’urbanisation conditionnée à la mobilisation de gisements existants (friches, logements vacants, bâtis sous-utilisés), les zones commerciales périphériques stoppées avant d’être mieux encadrées et le recyclage de la ville sur la ville, encouragé. Mais dans la vraie vie, le retour d’expérience du maire Jean-Luc Pérat, confronté à six friches dans sa commune en 1990, alerte. L’élu insiste sur la double nécessité d’avoir en mains un diagnostic éclairant – en l’espèce, une étude « Cadre de vie » avec des projections à 5, 10, 15 ans – et de définir un projet en priorisant les actions et en mobilisant les acteurs locaux et notamment la population. Ses « 30 ans de reconquête des friches » ont été possibles, insiste-t-il encore, grâce « aux partenariats avec l’EPF et les bailleurs sociaux », ajoutant l’intérêt « d’élargir le projet à l’intercommunalité ».
La relance à la rescousse
« Les EPF sont là sur le temps long pour fournir les outils opérationnels aux collectivités », a rappelé Loranne Bailly, soulignant leur aide pour « porter le foncier, apporter des compétences et résoudre l’équation économique de projets complexes ». Car les moyens financiers sont leur nœud gordien. Ainsi, dans le plan de relance du gouvernement 2021-2022, la sobriété foncière est-elle dotée de 350 millions d’euros pour la construction durable – constructions sobres au-delà d’un seuil de densité fixé par commune au niveau national – et 300 millions pour le traitement des friches et le recyclage foncier – revitalisation des cœurs de ville et périphérie urbaine et projets de requalification à vocation productive notamment.