Seule la transformation effective de l’occupation du sol peut être regardée comme une consommation d’espaces naturels. C’est ce qu’il faut retenir de la décision du Conseil d’Etat du 24 juillet 2025 qui pourrait bien impacter le bilan de consommation foncière des collectivités. Saisie par la commune de Cambrai (Nord), la Haute juridiction valide un fascicule publié en décembre 2023 par la Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN) du ministère de la Transition écologique dans le cadre de la mise en œuvre de la réforme du ZAN.
La commune estimait que ce document, intitulé « Définir et observer la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers, et l'artificialisation des sols », méconnaissait le sens et la portée de la loi Climat et résilience. En particulier, elle lui reprochait d’inclure dans le périmètre des Enaf « certaines parcelles aujourd'hui situées en zones urbaines » et de conditionner la consommation de ces Enaf au démarrage effectif de travaux et non à la délivrance d’une autorisation d’urbanisme.
Création ou extension effective d’espaces urbanisés
Pour mémoire, l’article 194 III 5° de la loi Climat et résilience, modifiée par la loi du 20 juillet 2023, dispose que « la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers est entendue comme la création ou l'extension effective d'espaces urbanisés sur le territoire concerné. »
Le Conseil d’Etat confirme tout d’abord - en réponse à la fin de non-recevoir opposée par le ministère -, que ce fascicule peut être déféré devant le juge dès lors qu’il emporte des effets notables sur la situation des collectivités chargées de mettre en œuvre le ZAN. Précisément, il ne se limite pas « à un rappel indicatif ou à une présentation pédagogique » des dispositions législatives définissant la consommation d’Enaf, mais expose « de manière impérative l'interprétation de celles-ci retenue par l'administration ».
Consommation indépendante du zonage réglementaire
Puis, se référant à l’article 194 de la loi, il énonce que les Enaf ne doivent être regardés comme consommés « que lorsqu'ils perdent dans les faits leur usage naturel, agricole ou forestier au profit d'un usage urbain et sont, dès lors, effectivement transformés en espaces urbanisés ».
Autrement dit, le fait qu'une parcelle soit située dans une zone urbaine d'un document d'urbanisme ne suffit pas à exclure sa qualification d’Enaf. « Dès lors, en indiquant que la mesure de la consommation effective d'[Enaf] est indépendante du zonage réglementaire des plans locaux d'urbanisme intercommunaux ou des cartes communales », les dispositions du fascicule contesté n’ont méconnu ni le sens, ni la portée de la loi.
Par ailleurs, compte tenu du critère d’effectivité prévu par le législateur, « seule la transformation concrète de l'occupation du sol, telle qu'elle est constatée dans les zones concernées, peut être regardée comme une consommation d'[Enaf] au sens du III de l'article 194 de la loi [Climat et résilience] », ajoute la Haute juridiction. Le fascicule pouvait dès lors légitimement prévoir qu’un Enaf « doit être considéré comme effectivement consommé à compter du démarrage effectif des travaux de construction et d'aménagement, et non à compter de la seule délivrance d'une autorisation d'urbanisme ».
Cette décision constitue le second revers de la commune de Cambrai concernant la définition de la consommation d’Enaf. Un an auparavant jour pour jour, le Conseil d’Etat avait refusé de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution des dispositions de la première phrase du 5° du III de l'article 194 de la loi Climat et résilience.
CE, 24 juillet 2025, n° 492005, mentionné aux tables du recueil Lebon