ZAN : comment des députés veulent « réussir la transition foncière »

La nouvelle proposition législative portée par la députée Sandrine Le Feur (Ensemble pour la République, Finistère) et co-signée par six chefs de file politique dont Constance de Pélichy (Liot, Loiret), entend consolider les ambitions initiales de la loi Climat et résilience et doter les élus d’outils adaptés, notamment sur le plan fiscal. De nouvelles mesures, aux antipodes du texte adopté en mars par le Sénat (loi dite «Trace »), mais accueillies « avec soulagement » par la Fédération nationale des Scot.

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Zéro artificialisation nette
La nouvelle proposition législative entend consolider les ambitions initiales de la loi Climat et résilience et doter les élus d’outils adaptés.

Simplifier, renforcer, accompagner sont les trois axes de la nouvelle proposition de loi « pour réussir la transition foncière ». Déposé à l’Assemblée nationale le 4 juin par Sandrine Le Feur (Ensemble pour la République, Finistère) et Constance de Pélichy (Liot, Loiret), le texte (*) est une traduction législative des conclusions des travaux de la mission d’information sur l’articulation des politiques publiques ayant un impact sur la lutte contre l’artificialisation des sols, rendues en avril.

(*) Outre Liot et EPR, cinq autres groupes politiques (Gauche démocrate et républicaine, Horizons et indépendants, Démocrates, Socialistes et apparentés et Ecologiste et social) ont cosigné cette proposition.

Son objectif est clair : « outiller et simplifier le quotidien des élus locaux dans la mise en oeuvre de l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN), en apportant des réponses concrètes aux difficultés rencontrées sur le terrain, notamment sur le plan fiscal. »

Besoin de « stabilisation »

« Depuis trois ans, les échéances ont été modifiées à deux reprises, les assouplissements se sont succédé et chaque nouvelle réforme a repoussé un peu plus la visibilité du cadre juridique », a expliqué Sandrine Le Feur lors de la présentation du texte, estimant que les élus avaient besoin de « stabilisation », visant entre autres la proposition de loi (PPL) « Trace » adoptée par le Sénat en mars.

Premier axe : simplifier la mise en œuvre du ZAN, « en adaptant à la marge » certaines dispositions de la loi Climat et résilience de 2021, mais sans pour autant revenir sur l’ambition initiale en matière de réduction de l’artificialisation des sols.

A cet effet, l’article 1er de la proposition « décale l’application du décompte de l’artificialisation au réel à 2041, mais maintient les objectifs intermédiaires » de division par deux du rythme de consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf). Une seconde décennie (1er janvier 2031-1er janvier 2041) de consommation d’Enaf est introduite à l’article 191 de la loi Climat et résilience. Des mesures qui ne collent pas avec la PPL « Trace », le texte supprimant le jalon intermédiaire de réduction de 50 % de l'artificialisation des sols en 2031 par rapport à la période 2011-2021.

Parmi les autres mesures de simplification, le texte entend mutualiser la garantie communale, modifier la composition des conférences régionales de gouvernance « pour la rendre similaire à celles des anciennes conférences régionales des Scot » et assouplir les modalités d’application du ZAN en Guyane et à Mayotte, en raison de leurs « caractéristiques territoriales particulièrement complexes ».

« Qui consomme paie, qui préserve est soutenu »

La nouveauté de cette proposition législative tient surtout au renforcement des outils fiscaux. Les articles 5 à 14 ambitionnent « non seulement de taxer les actions qui encouragent l’artificialisation, mais aussi de valoriser [celles] qui préservent les sols non artificialisés », explique l’exposé des motifs. Dit autrement, « qui consomme [de l’espace] paye, et qui préserve est soutenu », a expliqué Constance de Pélichy lors de la présentation du texte.

Entre autres mesures, citons la suppression de l’exonération temporaire de taxe foncière sur les propriétés bâties pour les constructions nouvelles ou en cas de conversion d’un bâtiment agricole en maison ou en usine, ainsi que dans les cas d’affectation de terrains à des usages commerciaux ou industriels tels que chantiers, lieux de dépôts de marchandises et autres emplacements similaires.

Le texte veut aussi faire de la taxe d’aménagement « un outil de sobriété foncière », notamment en supprimant les exonérations favorisant l’artificialisation (services publics, OIN, ZAC, entrepôts, hangars et stationnements couverts) et en augmentant la taxe sur les aménagements consommateurs d’espaces (piscines, terrasses…). Les recettes ainsi engendrées « pourront financer les actions de lutte contre l’artificialisation des sols (lutte contre l’étalement urbain, renouvellement urbain, optimisation de la densité, qualité urbaine, préservation et restauration de la biodiversité, protection des sols, renaturation) », note l’exposé des motifs.

Taxer les friches commerciales et industrielles

Est également proposée « la généralisation de l’application de la taxe sur les friches commerciales sur l’ensemble du territoire », ainsi que l’augmentation du taux maximal dans la durée, ce afin de dissuader durablement l’inactivité foncière. Sur ce modèle, le texte crée une taxe sur les friches industrielles, qui ne serait toutefois pas due si « l’absence d’exploitation est indépendante de la volonté du contribuable ».

Dans le viseur également, les entrepôts et aires de stationnement des grandes surfaces qui pourraient être assujettis à la taxe sur les surfaces commerciales. La taxe d’habitation sur les résidences secondaires et celle sur les logements vacants seraient, quant à elles, majorées. Sont ici visés les multipropriétaires, Sandrine Le Feur souhaitant décourager l’accumulation de logements sous-utilisés, favoriser leur remise sur le marché et réduire indirectement la pression sur les Enaf.

Par ailleurs, pour les communes ayant une consommation d’Enaf nulle au cours des cinq dernières années, la proposition crée, au sein de la dotation globale de fonctionnement, une nouvelle dotation « en faveur de la préservation des Enaf » attribuée chaque année et répartie selon la population communale et la superficie de leurs Enaf. Ceux d'entre eux qui seront issus d’une renaturation d’espaces urbanisés compteront triple.

Protéger les Enaf et mobiliser le foncier

Le dernier axe du texte entend donner aux élus de nouveaux outils pour protéger les Enaf et mobiliser le foncier existant. A cet effet, un nouveau droit de préemption sur les Enaf est créé, lorsque l’acquisition des terrains par la collectivité permet de « favoriser l’atteinte des objectifs de lutte contre l’artificialisation ».

En outre, l’autorité compétente en matière d’urbanisme pourra surseoir à statuer sur une demande d’autorisation de construire entraînant une consommation d’Enaf qui pourrait compromettre l’atteinte des objectifs de lutte contre l’artificialisation susceptibles d’être fixés par les documents d’urbanisme en cours d’élaboration ou de modification. Enfin, la proposition envisage d’assouplir les règles d’urbanisme pour favoriser la densification : fixation possible d’une densité minimale mais interdiction d’imposer une densité maximale, élargissement des dérogations aux PLU pour des projets de réemploi des friches et pour des constructions situées dans des communes confrontées à un fort déséquilibre de logements ou en forte croissance démographique.

« Trouver un chemin » avec le Sénat

Compte tenu de la proposition de loi « Trace », également sur le bureau de l’Assemblée, le calendrier dans lequel la nouvelle proposition législative pourra s’inscrire est pour le moment incertain. Un dialogue avec le Sénat sera sans doute inévitable pour « trouver un chemin ». A défaut, le futur projet de loi de finances pour 2026 pourrait reprendre leurs propositions fiscales. 

La Fédération nationale des Scot salue la proposition de loi


Par communiqué, les élus de la Fédération ont accueilli « avec soulagement » cette proposition législative et s’y montrent « globalement très favorables ».
« Cette nouvelle évolution législative répond enfin à la nécessité de travailler sur la fiscalité et le financement du ZAN et s’applique à faire des propositions d’amélioration de la loi Climat et résilience. Surtout, ils saluent une proposition de loi qui respecte le travail déjà réalisé dans les territoires et les compétences des élus en charge des stratégies territoriales de Scot et d’urbanisme ».

« Nous resterons vigilants vis-à-vis de certaines dispositions mais les 23 articles de la proposition de loi répondent en grande partie aux attentes des acteurs publics locaux qui ont pris la mesure, dès 2021, des enjeux liés à la mise en place d'une trajectoire de sobriété foncière. La proposition de loi précise les objectifs de la loi Climat et résilience sans en dénaturer l'ambition et prévoient de nouveaux outils financiers et fonciers pour se projeter vers le zéro artificialisation nette. C'est ce que nous attendions de la part du législateur », a déclaré Michel Heinrich, président de la Fédération.

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