C'est en septembre prochain, à l'issue de l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires de Vinci, qu'Antoine Zacharias saura si l'OPE lancée sur Groupe GTM a réussi. Et, partant, s'il présidera aux destinées du nouvel ensemble, baptisé Vinci-GTM. Celui-ci affiche - pro-forma dans son nouveau périmètre et pour l'an 2000 - un chiffre d'affaires global de 16,4 milliards d'euros et un résultat net de 400 millions d'euros pour un effectif de 115 000 salariés, présents à travers une centaine de pays (voir chiffres clés et cartes).
Le nouveau Vinci-GTM détiendra des positions de leader européen voire mondial, dans ses quatre métiers principaux : les concessions, les travaux routiers, le BTP et « l'équipement » (en clair, les travaux, services et maintenance dans l'énergie et le thermique). Sans oublier les 320 millions d'euros d'activité liées à l'ingénierie (Ingérop) et l'immobilier (Elige et Elige Participations), héritées de Groupe GTM.
Toutefois Gérard Mestrallet, le président du directoire de Suez Lyonnaise des eaux, a tenu à sortir du périmètre de l'opération le pôle « travaux électriques et industriels » de groupe GTM, c'est-à-dire les 220 millions d'euros (14,5 milliards de francs et 207 millions de bénéfices) réalisés en 1999 par GTMH et EI (travaux électriques) ainsi qu'Entrepose et Delattre-Levivier (travaux industriels). De quoi constituer au sein de Suez-Lyonnaise, avec Elyo, Tractebel et Fabricom, un pôle « énergie » de premier plan.
QUATRE POINTS FORTS
Les concessions. Le domaine des concessions sera le fer de lance affiché du nouveau groupe. Antoine Zacharias table sur un accroissement considérable du secteur et sur une capacité d'autofinancement importante, gage de pérennité, assurée par un bon équilibre entre les nouvelles et les anciennes concessions. Le secteur ne représente que 8 % du chiffre d'affaires global du nouveau groupe, mais sa participation dans le résultat d'exploitation dépasse largement les 50 %. Vinci-GTM contrôle un portefeuille de concessions de ponts, de parkings et surtout d'aéroports qui sont amenées à connaître un essor croissant.
Les routes. Le rapprochement d'Eurovia (Vinci) et d'Entreprise Jean Lefebvre (GTM) devrait donner naissance au no 1 en Europe dans les routes (voir carte).
Mais le groupe entend bien accélérer son développement en Europe et sur le continent américain. Il souhaite aussi renforcer sa présence à l'amont et à l'aval de la filière routière (Eurovia a acquis l'année dernière le no1 français du secteur de la démolition, Cardem, et EJL, la carrière de la Meilleraie en Vendée, augmentant ainsi sa capacité de production de granulats de 10 %).
La construction. Ce n'est pas encore cette fois-ci qu'un grand groupe de BTP mettra en avant son coeur de métier. Prenant la parole, Bernard Huvelin, administrateur-directeur général de Vinci, déclare « renoncer à la course au volume » et Antoine Zacharias de surenchérir : « Il faut que les gens du BTP comprennent qu'ils sont là pour gagner de l'argent », montrant du doigt les filiales de GTM, moins rentables selon lui que celles de Vinci. Pourtant le pôle construction de Vinci-GTM a de quoi faire pâlir ses rares concurrents : avec un chiffre d'affaires de 6,5 milliards d'euros prévus pour l'an 2000, Campenon Bernard, Freyssinet, Sogea, Norwest Holst (Vinci), Dumez-GTM, GTM Construction et leurs nombreuses filiales sont partout dans le monde et dans tous les métiers de la construction. Les partenariats sont les bienvenus pour s'associer aux grands projets, mais aussi et surtout pour améliorer les résultats.
Electricité-thermique-mécanique. Le pôle industriel de GTM n'entrera pas dans le nouveau groupe. De ce fait, GTIE constituera quasiment à lui tout seul le 4e domaine d'activités de Vinci-GTM. Avec ses 700 entreprises, les domaines de compétences de GTIE s'étendent à l'ingénierie électrique et aux nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC). Aux côtés des Sophiane, Nickel et G + H Montage, il est aussi présent dans le pôle thermique et mécanique. La stratégie de Vinci est d'étendre à l'échelle de l'Europe le parcours réussi par GTIE en France : 30 % du chiffre d'affaires est déjà réalisé à l'international dans des pays comme la Grande-Bretagne, la Suède, les Pays-Bas et l'Allemagne.
LES RESTRUCTURATIONS
Les problèmes de restructurations ne relèvent pas de l'urgence dans les domaines du BTP et de la route, « du moins pas avant deux ou trois ans», car la conjoncture est porteuse et «n'incite pas à mettre du sang sur les murs», a déclaré le futur directeur général, Jérôme Tolot. Antoine Zacharias précise tout de même que « les agents devront tourner la page du passé »... On peut donc s'attendre à des restructurations à terme.
D'autant que l'examen des situations de position dominante par Bruxelles va se poser pour la route et les concessions de parkings en France. « Dans la route, la situation sera examinée, région par région. Dans les parkings, des cessions marginales sont à envisager dans certaines villes », reconnaît-on. Enfin, pour la présidence des filiales, d'inévitables questions d'hommes vont se poser.
Dans les premiers mois, la priorité sera donnée aux synergies et aux partenariats, les affinités pouvant se trouver au niveau des zones géographiques, dans la recherche et le développement, dans les achats ou dans la mise en commun des moyens industriels (en particulier pour la route).
Sur le plan international, les choses devraient aller plus vite : pas tant pour les filiales étrangères qui sont dispersées et ont des activités bien souvent complémentaires dans un même pays, mais plutôt pour les activités internationales des sociétés françaises.
LES QUESTIONS EN SUSPENS
Ce rapprochement ne va pas, malgré tout, sans susciter certaines interrogations.
Actionnariat. Premier actionnaire de Vinci-GTM, avec 24 % du capital, Gérard Mestrallet ne détient pas la minorité de blocage et donc la capacité d'infléchir la stratégie du groupe. Certains analystes estiment que 24 %, c'est « trop ou pas assez ».
Concurrence. Le pôle « travaux à l'énergie » de Suez Lyonnaise des eaux sera directement concurrent du pôle similaire de Vinci-GTM, organisé autour de GTIE et de SDEL. Où sont les synergies ? Par ailleurs, le pôle « équipement » de Vinci-GTM sera-t-il assez puissant, face à la concurrence des Alstom, EDF et Tractebel, pour rester contrôlé à 100 % par Vinci-GTM ? Ou bien devra-t-il nouer des alliances, y compris capitalistiques ?
Cofiroute. A propos de Cofiroute (et de ses 174 millions d'euros de bénéfices en 1999), comment évolueront les relations entre actionnaires, sachant que Vinci-GTM est majoritaire avec 66 % et que Colas et Eiffage conservent chacun 16 % ? Antoine Zacharias a tenu à rassurer : « Ma conviction est que le fonctionnement actuel de Cofiroute est idéal et qu'il n'évoluera pas à l'avenir. »
Tableaux :
Majors français en 1999*
Source : rapports d'activités 1999
ORGANIGRAMMES :
1) FRANCE : Filiales consolidées dans les comptes des 2 sociétés VINCI et GTM
répartition géographique (National, Nord-ouest, Nord-est, Ile de France, Sud-Ouest, Rhône Alpes Auvergne, Outre-Mer, Méditérrannée) et par secteurs d'activités (Concessions, travaux routiers, BTP) de Vinci et GTM
Concessions : CA 2000 = 1,14 milliards d'euros
Résultats d'exploitation = 550 millions d'euros
Travaux routiers : CA 2000 = 5 milliards d'euros
Résultats d'exploitation 130 = millions d'euros
BTP : CA 2000 = 1,14 milliards d'euros
Résultats d'exploitation = 550 millions d'euros
Energie et technologies de l'information : CA 2000 = 1,14 milliards d'euros
Résultats d'exploitation : 550 millions d'euros
2) INTERNATIONAL : des complémentarités évidentes
répartition par pays (Grande-Bretagne, Belgique, Pays-Bas, Canada, Pologne, Allemagne, Etats-Unis, Gabon, République Tchèque, Cambodge, Mexique, Portugal, Australie, Espagne, Hongrie, Grèce) et par secteurs d'activités (Concessions, travaux routiers, BTP)
GRAPHIQUE :
Chiffre d'affaires 2000 Vinci + GTM : 16,4 milliards d'euros