Urbanisme - ZAN : ces mesures législatives qui doivent rendre les élus locaux plus zen

Garantie communale de développement, projets d'envergure nationale, sursis à statuer sur les permis de construire… Décryptage des dispositions de la loi du 20 juillet 2023.

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L'objectif national d'absence de toute artificialisation nette des sols en 2050 instauré par la loi Climat et résilience du 22 août 2021 a suscité beaucoup d'interrogations de la part des porteurs de projets ainsi qu'une forte opposition des élus locaux, inquiets d'une application centralisée et uniformisée.

Afin de régler les difficultés pratiques qu'il pose, une proposition de loi sénatoriale avait été déposée au Parlement fin 2022. La « visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux » a été promulguée le 20 juillet. La parution de deux décrets d'application de ce texte devrait être imminente, les projets ayant été soumis à la consultation du public jusqu'au 15 août.

Si cette loi de « réglage » de la loi Climat et résilience a surtout vocation à rassurer les élus locaux et à mieux concilier les objectifs du zéro artificialisation nette (ZAN) avec le développement des territoires, elle n'est cependant pas sans effet pour les porteurs de projets.

Le calendrier de modification des documents d'urbanisme encore assoupli

Rappelons que la loi Climat et résilience (art. 194) prévoyait un délai particulièrement court pour que les documents de planification intègrent les objectifs du ZAN. La loi 3DS du 21 février 2022 avait déjà allongé le délai de prise en compte de ces objectifs. Ainsi, les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) devaient se mettre en conformité au 22 février 2024, les schémas de cohérence territoriale (Scot) avaient jusqu'au 22 août 2026 et les plans locaux d'urbanisme (PLU) jusqu'au 22 août 2027.

L'article 1er de la loi fraîchement promulguée laisse neuf mois de plus (soit jusqu'en novembre 2024) aux régions pour mettre en conformité leurs Sraddet et six mois de plus aux Scot (février 2027) et aux PLU (février 2028).

Une représentation territoriale plus équilibrée

Sur le volet gouvernance, la conférence des Scot prévue par la loi Climat et résilience est supprimée. Lui succède une « conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l'artificialisation des sols » afin que la représentation des territoires soit plus équilibrée (art. 2 ; nouvel [CGCT]).

La composition de cette conférence instituée dans chaque région sera déterminée par délibération du conseil régional prise sur avis conforme de la majorité des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre compétents en matière de PLU. Cette conférence régionale comprend obligatoirement au moins un représentant de chaque département du périmètre régional, siégeant à titre consultatif.

Elle peut se réunir sur tout sujet lié à la mise en œuvre des objectifs de réduction de l'artificialisation des sols et transmettre à l'Etat des analyses et des propositions portant sur cette mise en œuvre.

Rapport et bilan. Chaque conférence régionale devra remettre au Parlement un rapport, entre le 1er janvier et le 30 juin 2027, faisant état du niveau de la consommation foncière et des résultats obtenus au regard des objectifs de réduction de l'artificialisation retenus au niveau régional.

La conférence des Scot est remplacée par une autre instance pour que la représentation des territoires soit plus équilibrée.

La conférence présentera -au plus tard le 1er janvier 2031 -un bilan de l'application de la surface minimale de consommation d'espaces naturels agricoles et forestiers (Enaf) dans le cadre de la fixation d'objectifs communaux, intercommunaux et régionaux de réduction de l'artificialisation applicables à la première période décennale, de son adéquation avec les besoins fonciers constatés durant la période et de l'artificialisation constatée durant ce laps de temps. Elle formulera des pistes de réduction de cette surface minimale pour les périodes décennales ultérieures, en vue d'atteindre l'objectif d'absence d'artificialisation nette à l'horizon 2050.

Les projets de grande ampleur décomptés de l'enveloppe des collectivités

La mesure phare du texte est le traitement réservé aux projets de grande ampleur (art. 3). Le législateur prévoit que les projets d'aménagement, d'infrastructures, d'équipements d'ampleur nationale ou européenne et présentant un intérêt général majeur ne seront pas comptabilisés dans la consommation d'Enaf des collectivités pour la première tranche de dix années (2021-2031). Il s'agit notamment :

- des travaux ou opérations déclarés d'utilité publique ;

- de certains projets industriels ;

- des lignes ferroviaires à grande vitesse ;

- des opérations de construction ou d'aménagement de postes électriques de tension supérieure ou égale à 220 kV ;

- des actions ou des opérations d'aménagement réalisées par un grand port maritime ou fluvio-maritime de l'Etat ;

- des actions ou des opérations d'aménagement de l'Etat ou de l'un de ses établissements publics réalisées pour son compte, le cas échéant par un concessionnaire, dans le périmètre d'une opération d'intérêt national.

Forfait national. Pour cette première tranche, la consommation d'espaces engendrée par ces projets sera prise en compte au niveau national, dans le cadre d'un forfait fixé à 12 500 ha pour l'ensemble du pays dont 10 000 ha seront mutualisés entre les régions couvertes par un Sraddet au prorata de leur enveloppe d'artificialisation définie pour cette période. En cas de dépassement, le surcroît de consommation ne sera pas imputé aux collectivités territoriales ou à leurs groupements. Un arrêté du ministre chargé de l'urbanisme viendra préciser cette répartition. La liste de ces projets sera rendue publique annuellement.

Le texte précise néanmoins que les aménagements, les équipements et les logements directement liés à la réalisation d'un projet d'envergure nationale ou européenne qui présente un intérêt général majeur pourront être considérés, en raison de leur importance, comme des projets d'envergure régionale, ou comme des projets d'intérêt intercommunal, auquel cas l'artificialisation des sols ou la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers qui en résulte sera prise en compte selon les modalités propres à ces projets.

Commission de conciliation. Une commission régionale de conciliation sur l'artificialisation des sols sera en outre instituée. Elle comprendra notamment, à parts égales, des représentants de l'Etat et de la région concernée. Elle pourra être saisie à la demande de la région en cas de désaccord sur la liste des projets d'envergure nationale ou européenne présentant un intérêt majeur. Sa composition et ses modalités de fonctionnement seront déterminées par décret.

La capacité de développement des communes garantie

Afin de mieux prendre en compte les spécificités des territoires, le législateur offre aux communes une surface minimale de « droit à consommer » des Enaf. Seule condition : que ces communes soient couvertes par un document d'urbanisme (PLU ou carte communale) prescrit, arrêté ou approuvé avant le 22 août 2026. Pour la première tranche de dix années, cette surface minimale est fixée à 1 ha (art. 4).

Le maire pourra choisir de mutualiser cette surface minimale à l'échelle intercommunale, après avis de la conférence des maires ou, à défaut, du bureau de l'EPCI concerné si l'ensemble des maires des communes membres en font partie.

Pour les communes nouvelles dont l'arrêté de création a été pris après le 1er janvier 2011, la loi prévoit une majoration de la surface minimale de 0,5 ha pour chaque commune déléguée. Cette majoration est plafonnée à 2 ha.

Prise en compte des spécificités des communes littorales

Dans l'optique de mieux tenir compte des spécificités des communes littorales, la loi prévoit que les surfaces artificiali-sées situées dans une zone exposée au recul du trait de côte pourront être considérées comme désartificialisées, si ces surfaces sont renaturées dans le cadre d'un projet de recomposition spatiale du territoire littoral (art. 5, nouvel ).

Si, au terme de chaque tranche de dix années, les surfaces n'ont pas fait l'objet d'une renaturation, elles seront de nouveau considérées comme artificialisées.

Les outils au service des collectivités

La loi entend également faciliter la transition des collectivités vers le ZAN en leur offrant divers outils.

Droit de préemption urbain. Ainsi, un nouveau droit de préemption est institué (art. 6). Les communes pourront délimiter dans leurs PLU, des « secteurs prioritaires » qui présentent un potentiel foncier majeur pour favoriser l'atteinte des objectifs de lutte contre l'artificialisation, à l'intérieur desquels la préemption sera possible. Il pourra s'agir :

- de terrains contribuant à la préservation ou à la restauration de la nature en ville (surfaces végétalisées ou naturelles situées au sein des espaces urbanisés) ;

- de zones présentant un fort potentiel en matière de renaturation, à l'instar des zones préférentielles pour la renaturation identifiées dans le Scot ;

- de terrains susceptibles de contribuer au renouvellement urbain, à l'optimisation de la densité des espaces urbanisés ou à la réhabilitation des friches.

Opérations d'aménagement. En outre, l'objectif ZAN sera dorénavant pris en compte dans la définition des opérations d'aménagement. Celles-ci englobent désormais des actions ou opérations d'aménagement qui ont pour objets « de permettre le recyclage foncier ou le renouvellement urbain, de sauvegarder, de restaurer ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels, de renaturer ou désartificialiser des sols notamment en recherchant l'optimisation de l'utilisation des espaces urbanisés et à urbaniser » ().

Sursis à statuer. Enfin, les communes pourront surseoir à statuer sur une demande d'autorisation d'urbanisme entraînant une consommation d'Enaf pouvant compromettre l'atteinte des objectifs fixés par le document d'urbanisme en cours d'élaboration ou de modification durant la première tranche de dix années (2021-2031). A noter que le sursis ne pourra plus être prononcé ni prolongé après l'approbation du document d'urbanisme. La décision de surseoir à statuer devra être motivée en considération soit de l'ampleur de la consommation résultant du projet faisant l'objet de la demande, soit de la faiblesse des capacités résiduelles de consommation au regard des objectifs de déduction.

En revanche, la loi précise qu'il ne pourra pas y avoir de sursis à statuer dans le cas d'une demande pour laquelle la consommation d'Enaf résultant de la réalisation du projet est compensée par la renaturation d'une surface au moins équivalente à l'emprise du projet.

A l'expiration du délai de validité du sursis à statuer, l'autorité compétente devra statuer sur la demande dans un délai de deux mois à compter de la confirmation par le pétitionnaire de cette demande. Passé ce délai, le silence de l'autorité compétente vaudra acceptation. En cas de décision de sursis à statuer, le propriétaire du terrain à qui elle a été opposée aura la possibilité de mettre en demeure la collectivité de procéder à l'acquisition de son terrain.

L'artificialisation compensée par la renaturation

Pour mémoire, afin d'atteindre l'objectif ZAN, la loi Climat et résilience a prévu que pour la première tranche de dix années (2021-2031), la consommation des Enaf observée à l'échelle nationale doit être inférieure à la moitié de la consommation réelle de ces espaces observée au cours des dix années précédentes. Etant précisé que la consommation d'Enaf est entendue comme la création ou l'extension effective d'espaces urbanisés sur le territoire concerné. La loi du 20 juillet 2023 ajoute qu'il est possible, sur ce même territoire, de déduire de cette consommation la transformation effective d'espaces urbanisés ou construits en espaces naturels, agricoles et forestiers du fait d'une renaturation (art. 7).

Bilan des effets de la loi

Enfin, le rapport relatif à l'évaluation de la politique de limitation de l'artificialisation des sols que le gouvernement doit établir tous les cinq ans devra, entre autres, examiner les incidences du régime de limitation de l'artificialisation sur la production de logements, notamment sociaux.

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