Jurisprudence

Urbanisme : une demande de pièces complémentaires illégale ne fait plus obstacle à la naissance d’un permis tacite !

Dans un important arrêt du 9 décembre 2022, le Conseil d’Etat opère un revirement de jurisprudence en matière d’instruction des autorisations d’urbanisme qui ravira les promoteurs.

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Pièces complémentaires - PC
Une demande de pièces complémentaires illégale ne fait plus obstacle à la naissance d'un permis tacite.
Urbanisme
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2015/12/09N°390273
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2022/12/09N°454521

La décision rendue par la Haute juridiction administrative ce 9 décembre devrait signer la fin des manœuvres dilatoires auxquelles se livrent parfois les services instructeurs.

Le Code de l'urbanisme, rien que le Code de l'urbanisme

Pour mémoire, le délai d’instruction (voir encadré ci-dessous) d’une autorisation d’urbanisme court à compter de la réception du dossier complet en mairie (art. R. 423-19 du Code de l’urbanisme). Etant précisé que la complétude du dossier est établie au regard des pièces limitativement exigibles par le Code de l’urbanisme et qu' « aucune autre information ou pièce ne peut être exigée par l'autorité compétente ». (art. R. 431-4 du Code de l’urbanisme). A défaut de décision expresse dans le délai d’instruction prévu, une décision tacite d’acceptation intervient.

Les délais d'instruction de droit commun sont de :
- un mois pour les déclarations préalables,
- deux mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle,
- trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d'aménager (art. R. 423-23 du Code de l'urbanisme).

Toutefois, le service instructeur se voit offrir, dans le délai d’un mois à compter de la réception de la demande, la possibilité de formuler une demande de pièces complémentaires auprès du pétitionnaire (art. R. 423-38 du Code de l’urbanisme). Ce dernier dispose alors d’un délai de trois mois pour compléter son dossier, à défaut de quoi la demande fait l’objet d’une décision de rejet en cas de permis ou d’opposition en cas de déclaration préalable. Le délai d’instruction ne commence alors à courir qu’à compter de la réception des pièces manquantes par la mairie (art. R. 423-39 du Code de l’urbanisme).

Pièces complémentaires demandées à des fins dilatoires

Dans la pratique, la demande de pièces complémentaires infondées, car non exigées par le Code de l'urbanisme, est parfois utilisée à des fins dilatoires par l’administration pour rallonger artificiellement le délai d’instruction. C’est cette pratique que vient sanctionner le Conseil d’Etat le 9 décembre 2022 à l’occasion d’un contentieux lié à une déclaration préalable de travaux portant sur l'implantation d'une antenne-relais de téléphonie mobile et la pose d'une clôture.

Jusqu’alors, la Haute juridiction avait toujours considéré « que si l’illégalité d’une demande tendant à la production d’une pièce qui ne peut être requise est de nature à entacher d’illégalité la décision tacite d’opposition prise en application de l’article R. 423-39 du Code de l’urbanisme, elle ne saurait avoir pour effet de rendre le pétitionnaire titulaire d’une décision implicite » de permis de construire ou de décision de non-opposition à déclaration préalable (CE, 9 décembre 2015, n° 390273, mentionné aux tables du recueil Lebon). En d’autres termes, le pétitionnaire n’était pas en mesure de se prévaloir d’une autorisation d’urbanisme tacite en invoquant l’illégalité de la demande de pièces complémentaires puisque cette dernière prorogeait le délai d’instruction.

Dans son arrêt du 9 décembre, le Conseil d’Etat a au contraire considéré que « le délai d'instruction n'est ni interrompu, ni modifié par une demande, illégale, tendant à compléter le dossier par une pièce qui n'est pas exigée en application du livre IV de la partie réglementaire du Code de l'urbanisme. Dans ce cas, une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite naît à l'expiration du délai d'instruction, sans qu'une telle demande puisse y faire obstacle. »

Des changements attendus dans l’appréhension des dossiers

En pratique, cette décision devrait apporter des changements dans l’appréhension des dossiers  : d'une part, les services instructeurs ne seront plus en mesure de formuler des demandes de pièces complémentaires ne répondant pas strictement aux exigences du Code de l’urbanisme en raison du risque de voir naître une autorisation d’urbanisme tacite. D'autre part, les pétitionnaires devront analyser avec attention les demandes de pièces complémentaires et en déterminer la portée, notamment afin de constater s’ils sont ou non titulaires d’une autorisation d’urbanisme tacite.

CE, 9 décembre 2022, n° 454521, publié au recueil Lebon

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