Décryptage

Urbanisme : un nouveau décret pour juger plus rapidement

La suppression temporaire de l’appel pour certains litiges contre les projets de construction situés en zone tendue est étendue et prolongée jusqu’au 31 décembre 2027. La mesure qui fixe au juge un délai de dix mois pour statuer sur les recours contre certains permis de construire ou d’aménager, voit également son périmètre s'élargir. Elle s’appliquera aussi aux décisions de refus.

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tribunal administratif
Un décret prolonge et étend la suppression temporaire de l'appel en matière de contentieux contre les autorisations d'urbanisme.

Accélérer encore et toujours les contentieux en matière d’urbanisme, en particulier dans les zones tendues. Tel est l’objet du décret du 24 juin 2022 portant modification du Code de justice administrative et du Code de l’urbanisme.

Le texte, qui s’inspire du rapport de la Commission Rebsamen pour la relance durable de la construction de logements de septembre 2021 modifie tout d’abord l’article R. 811-1-1 du Code de justice administrative (CJA). Rappelons que ce texte, créé en 2013, avait supprimé, à titre temporaire le double degré de juridiction pour les litiges liés aux autorisations de construire dans les zones où la tension entre l'offre et la demande de logements est particulièrement vive.

Il s’agissait déjà de réduire le délai de traitement des recours pouvant retarder la réalisation d'opérations de construction de logements. Initialement institué pour cinq ans (échéance à fin 2018), le dispositif avait été prorogé jusqu’au 31 décembre 2022 (décret n° 2018-617 du 18 juillet 2018), suivant en cela les recommandations du rapport Maugüé.

Plus récemment, la Commission Rebsamen estimait que « rien ne justifierait aujourd’hui de mettre fin à ce dispositif dont la pérennisation devrait être sérieusement envisagée ». A défaut d’être pérennisé, il sera finalement simplement prolongé de cinq ans.

Davantage de litiges concernés

Outre ce prolongement temporel, le décret étend cette dérogation au principe du double degré de juridiction à davantage de litiges. Ainsi, les tribunaux administratifs statueront en premier et dernier ressort – les pourvois en cassation devant le Conseil d’Etat resteront possibles – sur les recours contre les actes suivants :

- les permis de construire ou de démolir un bâtiment « comportant plus de deux logements » (jusqu’ici, l’article R. 811-1-1 visait les bâtiments « à usage principal d’habitation ») ; les permis d’aménager un lotissement, les décisions de non-opposition à une déclaration préalable (DP) autorisant un lotissement ou les décisions portant refus de ces autorisations ou opposition à déclaration préalable ;

- les actes de création ou de modification des ZAC ainsi que l'acte approuvant le programme des équipements publics, lorsque la ZAC à laquelle ils se rapportent porte principalement sur la réalisation de logements ;

- les décisions prises en matière environnementale (autorisation environnementale et son arrêté de prescriptions, absence d’opposition à la déclaration loi sur l’eau [Iota], dérogation espèces protégées, récépissé de la déclaration ou enregistrement ICPE, et autorisation de défrichement) lorsqu’elles sont relatives à des actions ou opérations d'aménagement situées en tout ou partie en zone tendue et réalisées dans le cadre des grandes opérations d'urbanisme (GOU) ou d'opérations d'intérêt national (OIN).

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Des jugements en un temps record

Seconde modification notable du texte : l’extension, aux décisions de refus d’autorisation d’urbanisme, du délai de dix mois imparti au juge pour se prononcer sur les recours contre les permis de construire des immeubles collectifs ou les permis d’aménager (art. R. 600-6 du Code de l’urbanisme).

Cette mesure s’inspire là encore du rapport de la Commission Rebsamen. Qui relevait que « les mesures adoptées au cours des dernières années pour accélérer le traitement des contentieux en matière de droit de l’urbanisme portent exclusivement sur les recours intentés contre les décisions positives d’autorisation, à l’exclusion des refus ainsi que des retraits d’autorisations qui avaient été accordées dans un premier temps ». Or, estiment ses auteurs, « il est souhaitable que de telles décisions – illégales quand elles s’opposent à l’utilisation de la constructibilité prévue par le PLU – puissent également être traitées rapidement ».

Ces nouvelles mesures entreront en vigueur le 1er septembre. Reste à voir quel impact elles auront en pratique. Consulté au printemps, le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel (CSTACAA) avait rendu un avis défavorable sur le projet de ce décret, en raison notamment de la surcharge de travail induite et du « risque d’éviction des autres contentieux » - y compris en matière d'urbanisme.

Décret n° 2022-929 du 24 juin 2022 portant modification du code de justice administrative et du code de l'urbanisme

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