La relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite « loi 3DS », a concrétisé l'engagement d'Emmanuel Macron « d'ouvrir un nouvel acte de décentralisation adapté à chaque territoire ». Elle doit permettre de « simplifier l'action locale, différencier les solutions, rapprocher l'Etat du terrain, lever les freins inutiles et faciliter le quotidien des collectivités et de leurs élus ».
Long de 271 articles (le projet de loi originel n'en comportait que 84), ce texte un peu fourre-tout couvre de multiples domaines, comme en témoignent les neuf titres qui le composent. En ce qui concerne l'urbanisme (titre III), les modifications touchent aussi bien aux documents d'urbanisme qu'au droit de préemption et à la revitalisation des territoires. La plupart de ses mesures sont entrées en vigueur le 23 février 2022.
Des retouches liées à la consommation foncière
Dans le cadre de l'élaboration de leur plan local d'urbanisme (PLU-PLUi), les communes et intercommunalités compétentes doivent réaliser un diagnostic de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers et des projections de consommation future. Cette analyse est d'autant plus importante que la loi Climat et résilience du 22 août 2021 a fixé un objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN) d'ici à 2050, avec une réduction de moitié du rythme d'artificialisation d'ici à 2030.
Prise de position formelle. Des insuffisances dans l'analyse de la consommation passée ou dans la définition d'objectifs chiffrés de modération de celle-ci peuvent conduire à des annulations de PLUi (1). C'est pourquoi l'article 113 de la loi 3DS a créé un article L. 153-16-1 dans le Code de l'urbanisme. Il permet aux collectivités de sécuriser leurs études de consommation d'espaces en demandant au préfet, lorsqu'il rend son avis sur le projet de PLU/PLUi arrêté, de prendre formellement position sur : - la sincérité de l'analyse de la consommation d'espaces réalisée au titre du diagnostic du rapport de présentation ; - la cohérence, avec le diagnostic précité, des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain contenus dans le projet d'aménagement et de développement durables. Il en va de même en cas de procédure de modification du PLU.
Allongement des délais de mise en compatibilité des documents d'urbanisme. Afin de faciliter la déclinaison des objectifs ZAN, la loi Climat et résilience prévoyait l'organisation de conférences réunissant l'ensemble des établissements publics en charge des schémas de cohérence territoriale (Scot) d'un même ressort régional dans les six mois suivant sa promulgation, soit au 22 février 2022. Chaque conférence doit transmettre des propositions relatives à la fixation d'un objectif régional et, le cas échéant, à sa déclinaison en objectifs infrarégionaux. La loi 3DS (art. 114) supprime la date limite de réunion des conférences et repousse de six mois, soit au 22 octobre 2022, l'échéance initialement prévue pour formuler ces propositions. Par ailleurs, la loi allonge d'autant le délai imparti aux régions pour intégrer les objectifs de réduction de la consommation d'espaces dans leurs documents de planification. Il passe ainsi de vingt-quatre à trente mois. En revanche, les délais pour décliner les objectifs régionaux dans les documents d'urbanisme - cinq ans pour les Scot, six ans pour les PLU et cartes communales - sont maintenus.
Reprise de la compétence en matière de droit de préemption et d'autorisations de construire
On retiendra surtout de la loi 3DS qu'elle pérennise et adapte le dispositif de l' qui impose à certaines communes de disposer de 25 % ou 20 % de logements sociaux dans leur parc de résidences principales. Mais il convient de noter qu'elle complète également l' en permettant au préfet de département, titulaire du droit de préemption urbain (DPU) au sein des communes carencées, d'autoriser, par arrêté motivé et pour un bien précisément identifié, la reprise du droit de préemption par la collectivité initialement compétente ainsi que l'exercice de la compétence en matière de délivrance des autorisations d'urbanisme (art. 71).
Extension du champ des opérations de revitalisation de territoire
Créées par la loi Elan du 23 novembre 2018 ( - CCH), les opérations de revitalisation de territoire (ORT) ont vocation à permettre la mise en œuvre, par une intercommunalité, d'un projet global de territoire intégrant des actions dans des domaines variés (habitat, commerce, économie, social) et ayant pour finalité de lutter contre la dévitalisation des centres-villes.
Il est toutefois apparu qu'un certain nombre de communes se trouvaient exclues du dispositif, notamment parce qu'elles sont en situation de discontinuité territoriale vis-à-vis de la ville principale du territoire. Doit en effet nécessairement figurer, dans le périmètre d'intervention, le centre-ville de la ville principale du territoire de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre signataire. La loi 3DS modifie ce dispositif et permet, par dérogation accordée par le préfet de département, de conclure une ORT dans une ou plusieurs communes d'un EPCI sans intégrer la ville principale de cet EPCI, sous réserve de présenter une situation de discontinuité territoriale ou d'éloignement par rapport à la ville-centre et d'identifier en son sein une ou des villes présentant des caractéristiques de centralité ().
Dérogations au PLU. La loi 3DS ajoute un nouvel article L. 152-6-4 au Code de l'urbanisme permettant, dans les ORT, que des dérogations au règlement du PLU soient accordées afin de « contribuer à la revitalisation du territoire, faciliter le recyclage et la transformation des zones déjà urbanisées et lutter contre la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers ». L'autorité compétente en matière d'autorisation d'urbanisme peut ainsi, par décision motivée, déroger aux règles de retrait, de gabarit, de densité ou de stationnement. En outre, elle peut autoriser une destination non autorisée par le PLU, « dès lors qu'elle contribue à la diversification des fonctions urbaines du secteur concerné » (art. 96).
Aménagement commercial. Enfin, la loi met en place sur les territoires ayant signé une convention ORT, une procédure expérimentale de délivrance des autorisations d'exploitation commerciale (AEC) pour une durée de six ans (art. 97). Celle-ci sera instruite par l'autorité compétente pour délivrer les autorisations d'urbanisme sans que soit saisie la commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) ; l'autorisation d'urbanisme tiendra alors lieu d'AEC. Pour pouvoir participer à l'expérimentation, les EPCI devront répondre à un certain nombre de conditions s'agissant de leurs documents d'urbanisme. Le dispositif doit encore être complété par un décret qui précisera notamment les délais d'instruction des demandes.