Jurisprudence

Urbanisme - Extension d'une construction : doubler n'est pas jouer

L'agrandissement d'un bâtiment existant doit nécessairement être inférieur à celui-ci, vient de juger le Conseil d'Etat.

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Urbanisme
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2023/11/09N°469300
Conseil d'Etat (CE)Décision du 1993/04/28N°97775
Conseil d'Etat (CE)Décision du 1994/02/07N°99382
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2019/05/29N°419921
Conseil d'Etat (CE)Décision du 1994/06/08N°136081

Par un arrêt du 9 novembre 2023, le Conseil d'Etat a apporté une clarification bienvenue à la notion d'extension de construction existante. Selon la Haute juridiction, dans le silence des règles locales d'urbanisme, l'extension doit en principe s'entendre comme « un agrandissement de la construction existante présentant, outre un lien physique et fonctionnel avec elle, des dimensions inférieures à celle-ci » (, mentionné aux tables du recueil Lebon).

La distinction entre la notion de construction nouvelle et celle d'extension d'une construction existante est fondamentale, dès lors que l'application des règles d'urbanisme qui en découle est susceptible de différer et que le régime applicable aux extensions est souvent plus favorable aux porteurs de projets.

A titre d'exemple, en l'absence de règles locales d'urbanisme, les articles L. 111-3 et L. 111-4 du Code de l'urbanisme (C. urb. ) limitent la constructibilité aux espaces urbanisés à l'exception des extensions de constructions existantes. Les plans locaux d'urbanisme (PLU) prévoient parfois pour celles-ci l'application différenciée de certaines règles. Et s'ils peuvent définir la notion d'extension d'une construction existante, les documents d'urbanisme sont le plus souvent muets sur ce point. Jusqu'à présent, elle faisait l'objet d'une jurisprudence casuistique et peu lisible.

Deux critères. La définition générale de l'extension donnée par le Conseil d'Etat dans l'arrêt du 9 novembre était donc attendue des praticiens. Deux critères sont posés par les juges du Palais-Royal. Le premier réside dans la présence d'un lien « physique et fonctionnel » avec la construction existante. Ce critère était repris de manière constante par la jurisprudence antérieure. Ainsi, un projet situé à plusieurs mètres d'une construction préexistante ne s'analyse pas comme une extension (), de même que la simple juxtaposition d'un nouveau bâtiment à un ancien ().

Le second critère porte sur la proportionnalité nécessaire de l'extension qui doit présenter « des dimensions inférieures » à la construction existante. Cette exigence de proportionnalité était régulièrement observée en jurisprudence. Le Conseil d'Etat avait lui-même déjà rappelé qu'un projet d'extension était caractérisé non seulement eu égard à l'implantation du projet par rapport aux constructions existantes, mais également eu égard à l'ampleur limitée par rapport à ces constructions (, mentionné aux Tables).

A titre d'exemple, des travaux portant de 20 à 146 m² la surface de plancher hors œuvre brute d'un bâtiment ont été exclus de la notion d'extension par le juge administratif (). A l'inverse, l'extension de 63,60 m² à 135,60 m² d'un bâtiment à vocation agricole en vue de le transformer en maison d'habitation a, elle, été admise ().

Seuil de proportionnalité. Aucun « seuil » de proportionnalité n'était toutefois fixé et certains juges du fond faisaient d'ailleurs fi de tout critère de proportionnalité. Tel était le cas dans l'affaire du 9 novembre 2023 où la cour administrative d'appel (CAA) de Versailles avait écarté toute appréciation de proportionnalité au motif que celle-ci ne pouvait être encadrée « que par des dispositions législatives ou réglementaires spécialement applicables à ces travaux, en particulier les règles locales d'urbanisme ». En l'espèce, aucune règle locale ne limitait la surface des extensions susceptibles d'être autorisées. La CAA avait alors considéré que les travaux envisagés, qui avaient pour effet d'adjoindre 297 m² de surface de plancher supplémentaires à un bâtiment existant de 63 m² portant la surface de plancher totale à 329 m² après démolition, pouvaient être regardés comme des travaux d'extension. Cette interprétation a donc été censurée par le Conseil d'Etat.

La clarification ainsi opérée n'épuise toutefois pas toute difficulté d'interprétation sur la notion d'extension, notamment au regard de l'exigence tirée du lien physique et fonctionnel faisant toujours l'objet d'une jurisprudence nourrie.

Ce qu'il faut retenir

  • La distinction entre la notion de construction nouvelle et celle d'extension de construction existante est fondamentale dès lors que l'application des règles d'urbanisme qui en découle est susceptible de différer et que le régime applicable aux extensions est souvent plus favorable pour les porteurs de projets.
  • Par un arrêt du 9 novembre 2023, le Conseil d'Etat a clarifié la notion d'extension de construction existante. Il a ainsi considéré que, dans le silence des règles locales d'urbanisme, l'extension doit s'entendre comme un agrandissement du bâtiment existant qui présente, « outre un lien physique et fonctionnel » avec lui, « des dimensions inférieures » à celui-ci.
  • Jusqu'à présent, l'exigence de proportionnalité était régulièrement observée en jurisprudence mais aucun seuil n'était fixé et certains juges du fond faisaient d'ailleurs fi de tout critère de proportionnalité, rendant la jurisprudence peu lisible.
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