URBANISME Expropriation Une déclaration d'utilité publique mieux motivée

-Le juge est de plus en plus attentif aux motifs de la déclaration d'utilité publique (DUP). -Elle doit à la fois répondre à un réel besoin de la collectivité et ne pas comporter trop d'inconvénients pour les administrés.

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Afin de rapprocher l'Etat du citoyen, le Premier ministre, Lionel Jospin, a réclamé, dans sa déclaration de politique générale, une réforme de la procédure d'utilité publique et de l'enquête publique. Cette procédure, qui permet à la puissance publique de se rendre maître des terrains par voie d'expropriation, est contestée. Les administrés estiment que les expropriations sont souvent abusives et que l'on donne toujours raison à l'administration même lorsque l'opération projetée présente peu d'intérêt pour la collectivité. Pourtant, la jurisprudence est loin d'être toujours favorable à la puissance publique.

« Depuis quelques années le juge examine très attentivement tous les motifs fournis », explique Patrick Hocreitère, chargé des affaires juridiques à la direction de l'aménagement foncier et de l'urbanisme (DAFU) du ministère de l'Equipement. Le juge regarde si la puissance publique a vraiment besoin de l'opération engagée. Un arrêt du 29 juin 1992, Commune de Bussière-Poitevine, est à cet égard significatif. Une commune avait engagé une procédure d'expropriation sur un terrain d'un peu plus d'un hectare. La moitié permettrait la réalisation d'un lotissement communal. Le surplus devait constituer une réserve foncière. Le propriétaire du terrain en cause avait attaqué l'arrêté préfectoral déclarant l'opération d'utilité publique. Le Conseil d'Etat lui a donné raison en expliquant que la population de la commune avait sensiblement diminué entre les deux derniers recensements, ce qui privait de portée l'idée qu'une pression démographique aurait exigé la création de terrains constructibles. Il n'y avait pas de besoins particuliers en logements et la commune avait déjà acquis la propriété d'un peu plus de 3 ha de réserves foncières.

Le juge s'assure aussi que l'opération ne comporte pas plus d'inconvénients que d'avantages. Dans un arrêt du 25 novembre 1988, Epoux Perez, une commune rurale de moins de 300 habitants souhaitait réaliser une place publique plantée et possédait déjà un terrain. Le conseil municipal souhaitait l'agrandir en y adjoignant la majeure partie du jardin d'un habitant. A la demande de la ville, le préfet a déclaré d'utilité publique l'acquisition du terrain. Les propriétaires ont attaqué l'arrêté et le Conseil d'Etat leur a donné raison. Il a estimé que l'opération ne représentait qu'un intérêt limité ne justifiant pas l'atteinte causée aux propriétaires requérants.

La jurisprudence arrêt « Ville nouvelle Est » (Conseil d'Etat le 28 mai 1971) dite du bilan coût-avantage de l'opération est donc toujours d'actualité. Selon cet arrêt, une opération ne peut être déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.

A l'inverse, en 1995 (arrêt Locuty et Faux, du 1er mars 1995, voir « Le Moniteur » du 28 avril 1995, p. 67), un golf a été déclaré d'utilité publique par le Conseil d'Etat. Cet équipement s'inscrivait dans le cadre des orientations du schéma directeur de Nancy en générant des activités diverses, et les inconvénients n'étaient pas tels, pour l'agriculture locale, que la DUP soit illégale.

La construction de lignes électriques peut, elle aussi, être d'utilité publique. Dans un arrêt du 9 février 1994, association Unimate (« Le Moniteur » du 27 mai 1994, p. 50), le Conseil d'Etat a confirmé le caractère d'utilité publique de l'interconnexion des réseaux électriques entre la France et l'Espagne. Il remarque que, si l'implantation des pylônes de grande dimension nuit à l'environnement, cela n'enlève pas au projet son caractère d'utilité publique. Cette ligne était destinée à améliorer l'exportation de l'électricité de la France vers l'Espagne et le Conseil d'Etat a estimé que l'utilité publique d'une opération ne s'arrêtait pas aux frontières de l'Hexagone.

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