Urbanisme et securité

Le monde de la construction et du cadre de vie se mobilise. Quelles sont les solutions qu'ils proposent ?

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Augmentation de la criminalité, sentiment d'insécurité, le poison s'immisce depuis plusieurs années dans les esprits. Et les promoteurs de profiter de la situation pour se lancer sur un nouveau créneau. Les résidences sécurisées, développées à partir du modèle américain de « gated communities », ont fait leur apparition en France. Avec succès. Monné-Decroix, par exemple, a déjà lancé une quarantaine de programmes autour de Toulouse et commence à essaimer dans le reste de la France. « Il y a même des listes d'attente », selon Valérie Betmale, responsable de la communication du promoteur. Elle confirme que les acheteurs ou locataires potentiels sont attirés non seulement par la qualité des résidences mais aussi par l'aspect sécuritaire de l'offre. Habitat cossu, parc paysager, piscine privée, domaine entièrement clôturé, avec gardien et vidéosurveillance du hall et des parkings vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Un concept qui remonte pour le groupe au début des années 90.

Les résidences sécurisées ne règlent bien sûr en rien les problèmes de sécurité urbaine qui pourrissent la vie des cités et du centre de certaines grandes villes. Depuis quelques années, on applique bien certaines méthodes simples : éclairage des lieux publics, élimination des impasses et des angles morts, association des flux automobiles et piétons, de manière à renforcer la mixité des usages. Mais au-delà de ces techniques de base, faut-il privatiser, fermer ou requalifier les espaces ? C'est une des questions que se pose l'Iaurif, l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région Ile-de-France. Ceci dans l'attente d'une méthodologie européenne en cours d'élaboration. Et devant l'inefficacité des politiques successives, on se penche sur toutes les recettes qui pourraient être utilisées.

Théories anglo-saxonnes d'urbanisme sécuritaire

La loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, dite Lops, établit une relation entre formes urbaines et délinquance. Elle s'inspire directement des méthodes de prévention situationnelle définies notamment par l'Anglaise Alice Coleman. Elles consistent à refermer les entités bâties avec des grilles par exemple et à instaurer discrètement un urbanisme propice à la co-surveillance. Une autre théorie retient l'attention. Celle du « defendable space » soutenue par l'Américain Oscar Newman et qui repose sur la prévention de la délinquance par un traitement approprié du contexte architectural et spatial. En clair, un espace défendable doit donc être à la fois dégagé et protégé. Ceci afin de mettre en échec l'agresseur éventuel et de faciliter son arrestation.

Mais pour l'architecte Paul Landauer, on peut s'inspirer de certaines méthodes, mais il faut les adapter au terrain. Car quelques aménagements ponctuels de bon sens conviennent parfois davantage qu'une conversion complète de l'espace urbain aux principes de la prévention situationnelle. «On sait très bien que pour qu'un espace soit squatté par l'économie souterraine, il faut pouvoir y voir sans être vu et pouvoir s'en échapper dans plusieurs directions. A partir de cette constatation, pourquoi vouloir éliminer les espaces publics qui ne correspondent pas à cette définition, y compris ceux qui contribuent au contraire à une certaine cohésion sociale.» Pour Paul Landauer, l'un des rares Français à avoir étudié ce concept, il faut avant tout s'adapter aux différentes situations ainsi qu'aux pratiques sociales des habitants. Il souligne ainsi l'importance du diagnostic. Pour lui «sécurité veut aussi dire rendre accessible, favoriser l'espace public». Et de rappeler que « la vision sécuritaire d'Haussmann était aussi une vision républicaine» - même si les grandes avenues rectilignes avaient également pour objectif de permettre aux forces de l'ordre de tirer en cas d'émeutes...

Les contrats locaux de sécurité

En ce début de millénaire, les problèmes de sécurité ont envahi tous les champs de notre société. Et les maires se retrouvent aujourd'hui en première ligne. Le RPR désire accentuer leur pouvoir et les mettre «au coeur de la politique de lutte contre la délinquance» . Quant au PS, il estime que «des polices de quartiers, placées sous la responsabilité des chefs de circonscription» devraient être mises en place.

Le ministère du Logement vient, quant à lui, d'organiser un colloque réunissant tous les acteurs concernés par le fléau de l'insécurité dans le logement social rongé par les problèmes de délinquance.

Au coeur du dispositif de lutte contre ce phénomène se trouvent les contrats locaux de sécurité (CLS) qui regroupent, élus, forces de l'ordre, justice et associations... Ils se sont développés aux quatre coins de France, encouragés par le gouvernement.

Le marché de la sécurité

Alexandre Colombani est chargé de mission auprès du Forum français pour la sécurité urbaine, une association dirigée par des maires et dont l'objectif prioritaire est la mise en commun d'expériences destinées à juguler les problèmes de violence. Pour lui, « la clé du succès réside dans le partenariat. La répression ne suffit pas. Il faut aussi de la prévention et de la solidarité. Il faut donc agir sur le court, moyen et long terme ».

Télésurveillance, vidéosurveillance, détection anti-intrusion, contrôle d'accès... Les professionnels de la sécurité se sont également mis au diapason comme le confirme le CSTB. Le marché de la sécurité se développe rapidement grâce à l'arrivée de nouvelles technologies et surtout à la baisse des prix. Mais là encore il s'agit d'un domaine extrêmement complexe, comme le précise Jean-Paul Turquin, président-directeur général de la société Trouvin/Séréquip. « Une porte doit être ouverte pour la sécurité au feu et fermée pour la sûreté du matériel ou des personnes. Les caméras installées dans les cités doivent contribuer à désamorcer les potentiels de violence et non pas être perçues comme une forme de provocation. En fait les systèmes les plus sophistiqués restent inefficaces quand ils ne s'intègrent pas dans un ensemble complet de prévention-dissuasion ».

«La prise de conscience du phénomène de l'insécurité est récente. Je comprends les difficultés au regard de la question des moyens de l'Etat, mais il ne faudrait pas que ces difficultés entraînent un glissement des responsabilités. Nous souhaitons que l'éradication du crime et des grands trafics fasse l'objet d'une priorité absolue car les trafics localisés ne sont que la face apparente d'une délinquance plus lourde et plus grave.»

Michel Delebarre, maire de Dunkerque et président de l'Union des HLM

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