Urbanisme : comment la loi EnR entend faciliter l'implantation des projets solaires

Libérer le foncier, solariser davantage de toits et de parkings, déroger aux lois Littoral et Montagne… Panorama des mesures adoptées le 10 mars 2023.

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La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) 2018-2028 prévoit, pour l'énergie solaire photovoltaïque, un objectif de 35 à 44 GW en 2028. Or, la capacité installée était d'environ 13 GW en 2021. Pour atteindre l'objectif haut, il est donc nécessaire d'installer une capacité de 4 GW par an jusqu'à 2028, indiquait l'étude d'impact du projet de loi d'accélération de la production d'énergies renouvelables (). Partant du constat que le manque de foncier constitue l'un des principaux freins au développement de l'énergie solaire photovoltaïque, cette loi dite « EnR » a prévu différentes mesures de libération dudit foncier tout en conciliant le développement des énergies renouvelables avec la limitation de l'occupation de sols.

Equiper encore plus les bâtiments et les parkings

Rappelons que la dite « Climat et résilience » a prévu une obligation de solarisation - via l'installation de panneaux photovoltaïques - ou de végétalisation des toitures pour certains bâtiments non résidentiels nouveaux ou lourdement rénovés dont l'emprise au sol est supérieure à 500 m² (). Cette mesure est applicable à compter du 1er juillet 2023.

La loi EnR a complété ce dispositif et étendu cette obligation à d'autres bâtiments non résidentiels nouveaux et aux bâtiments existants (art. 41 et 43). Ainsi, à compter du 1er janvier 2025, les nouveaux hôpitaux, équipements sportifs récréatifs et de loisirs ainsi que bâtiments ou parties de bâtiments scolaires et universitaires seront aussi assujettis à ces obligations. A compter du 1er janvier 2028, ces mêmes catégories de bâtiments mais existants y seront soumises.

Ombrières. La loi a également élargi l'obligation de solarisation aux parcs de stationnement extérieurs existants de plus de 1 500 m2 pour au moins la moitié de cette superficie (art 40). Cette obligation s'ajoute à celle introduite par l'article 101 de la loi Climat et résilience obligeant, à compter du 1er juillet 2023, les parkings extérieurs ouverts au public, nouveaux ou lourdement rénovés, de plus de 500 m2 , d'intégrer soit des dispositifs végétalisés, soit des ombrières photovoltaïques de façon à ombrager au moins la moitié de leur surface.

Les gestionnaires pourront, d'un commun accord, mutualiser l'obligation en cas de parcs de stationnement adjacents sous réserve que la superficie des ombrières réalisées corresponde à la somme des ombrières devant être installées sur chacun des parcs concernés.

En outre, dans une volonté d'accélération du déploiement de ces ombrières de parking, la loi modifie l' (C. urb. ) afin de soumettre ces installations au régime de la déclaration préalable et non à celui du permis de construire.

Exonérations. La loi EnR prévoit des exonérations qui feront l'objet de précisions par décret en Conseil d'Etat. Pour s'affranchir de son obligation, le gestionnaire du parc de stationnement devra démontrer qu'il répond à l'un des critères suivants : - des contraintes techniques, de sécurité, architecturales, patrimoniales et environnementales ou relatives aux sites et aux paysages ne permettent pas l'installation des dispositifs ; - les obligations ne peuvent être satisfaites dans des conditions économiquement acceptables ; - le parc est ombragé par des arbres sur au moins la moitié de sa superficie ; - la suppression ou la transformation totale ou partielle du parc de stationnement est prévue dans le cadre d'une action ou d'une opération d'aménagement visée à l' ou d'une autorisation d'urbanisme. A défaut d'engagement des travaux pendant la durée de validité de cette autorisation, la dérogation est caduque.

Dorénavant, les ombrières de parking seront soumises au régime de la déclaration préalable.

Le gestionnaire du parc est alors tenu de satisfaire ses obligations dans un délai de deux ans à compter de la caducité de la dérogation.

A noter toutefois que, lorsque le parc de stationnement est supprimé ou transformé en partie, les obligations s'appliquent sur la partie restante du parc.

Entrées en vigueur. Les dispositions sont applicables aux parcs de stationnement extérieurs dont la demande d'autorisation d'urbanisme a été déposée à compter du 10 mars 2023, date de promulgation de la loi. Une entrée en vigueur progressive est prévue pour les parcs de stationnement existants. Ainsi, pour les parkings gérés en concession ou en délégation de service public (DSP), l'obligation est reportée au 1er juillet 2028 au plus tard. Le législateur a prévu que l'obligation s'imposera lors du renouvellement ou de la conclusion d'un nouveau contrat de concession ou de DSP. La loi distingue deux hypothèses selon que le renouvellement ou la conclusion du contrat intervient avant le 1er juillet 2026 ou après le 1er juillet 2028 mais des zones d'ombre subsistent concernant la date de l'entrée en vigueur précise de cette obligation.

Lorsque les parkings ne sont pas gérés en concession ou en délégation de service public, l'obligation entre en vigueur : - le 1er juillet 2026 pour les parcs dont la superficie est égale ou supérieure à 10 000 m2 ; - le 1er juillet 2028 pour ceux dont la superficie est inférieure à 10 000 m2 et supérieure à 1 500 m2 .

Un délai supplémentaire d'une durée de cinq ans maximum peut encore être accordé par le préfet lorsque le gestionnaire du parc de stationnement justifie d'une impossibilité matérielle extérieure à sa volonté et lorsque la suppression ou la transformation totale ou partielle du parc est programmée dans le cadre d'une action ou d'une opération d'aménagement faisant l'objet d'un projet partenarial d'aménagement (PPA), d'une convention d'opération de revitalisation de territoire (ORT), nécessaire à la réalisation d'une opération d'intérêt national (OIN) ou encore s'inscrivant dans une orientation d'aménagement et de programmation (OAP) d'un plan local d'urbanisme (PLU) approuvé ou dont l'élaboration ou la révision est arrêtée avant le 1er juillet 2023. Ce report peut être prorogé une seule fois, pour une durée maximale de deux ans. A défaut d'engagement des travaux dans la durée de validité de l'autorisation octroyant le report, cette dernière est caduque, le gestionnaire devant alors se soumettre à ses obligations de solarisation dans les deux ans à compter de la caducité de l'autorisation de report.

Sanctions. Tout manquement à l'obligation d'implanter des ombrières photovoltaïques sur les parkings de plus de 1 500 m2 fera l'objet de sanctions pécuniaires proportionnées à la gravité du manquement dans la limite d'un plafond de 20 000 euros pour un parc d'une superficie inférieure à 10 000 m2 et de 40 000 euros pour un parc d'une superficie supérieure ou égale à 10 000 m2.

Investir les abords des axes routiers et ferroviaires

Depuis la relative au renforcement de la protection de l'environnement, dite « Barnier », l'article L. 111-6 du Code de l'urbanisme interdit, en dehors des espaces urbanisés des communes, les constructions ou installations dans une bande de 100 m de part et d'autre de l'axe des autoroutes, des routes express et des déviations, et de 75 m de part et d'autre de l'axe des autres routes classées à grande circulation. Une exception à cette interdiction était toutefois prévue « pour des motifs tenant à l'intérêt, pour la commune, de l'installation ou de la construction projetée » et avec l'accord du préfet (art. L. 111-10 C. urb.).

La loi EnR a expressément exclu de cette interdiction les infrastructures de production d'énergie solaire, étant précisé que sont ici visées les installations « photovoltaïques » ou « thermiques » (nouvel ).

En plus des axes routiers, l'article 34 de la loi EnR permet l'implantation de centrales solaires intégrées à la voie ferrée et de centrales solaires aux abords de la voie ferrée par dérogation à l'article L. 2231-4 du Code des transports. Ces procédés ne doivent toutefois pas compromettre la sécurité des circulations ferroviaires, le bon fonctionnement des ouvrages, des systèmes et des équipements de transport ainsi que leur maintenabilité.

Déroger à la loi Littoral…

Par dérogation au principe d'urbanisation en continuité posé par la , dite « Littoral » (art. L. 121-8 C. urb.), les ouvrages nécessaires à la production d'énergie solaire ou thermique pourront désormais être autorisés sur certaines friches (nouvel art.

L. 121-12-1 C. urb.). Pour mémoire, l' définit les friches comme « tout bien ou droit immobilier, bâti ou non bâti, inutilisé et dont l'état, la configuration ou l'occupation totale ou partielle ne permet pas un réemploi sans un aménagement ou des travaux préa lables ». La liste des friches éligibles sera fixée dans un décret pris après concertation avec le Conservatoire de l'espace littoral et avis des associations représentatives des collectivités territoriales concernées.

La loi encadre toutefois les conditions dans lesquelles les projets pourront être autorisés. Ainsi, le pétitionnaire devra démontrer : - que le projet n'est pas de nature à porter atteinte à l'environnement, notamment à la biodiversité ou aux paysages et à la salubrité ou à la sécurité publiques ; - qu'il est préférable, pour des motifs d'intérêt général, à un projet de renaturation, lorsque celui-ci est techniquement réalisable. Cette démonstration peut tenir compte notamment du coût d'un tel projet de renaturation, des obstacles pratiques auxquels est susceptible de se heurter sa mise en œuvre, de sa durée de réalisation ainsi que des avantages que comporte le projet.

Les ouvrages nécessaires à la production d'énergie solaire ou thermique pourront désormais être autorisés sur certaines friches.

… et à la loi Montagne

Au même titre que pour la loi Littoral, dans les communes concernées par la relative au développement et à la protection de la montagne, dite « Montagne », le principe de l'urbanisation en continuité s'applique (art. L. 122-5 C. urb.).

Il était déjà possible de déroger à ce principe sous réserve d'une étude spécifique de discontinuité pour les communes dotées d'un schéma de cohérence territoriale (Scot) ou d'un PLU. Cette étude doit démontrer qu'« en fonction des spécificités locales », le projet « est compatible avec le respect des objectifs de protection des terres agricoles, pastorales et forestières et avec la préservation des paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel » (art. L. 122-7 C. urb.).

Désormais, la loi EnR complète cet article L. 122-7 pour prévoir que les communes couvertes par une carte communale pourront adopter une étude « relative à la réalisation d'ouvrages de production d'énergie solaire photovoltaïque ou thermique installés sur le sol en discontinuité de l'urbanisation existante ». La carte communale délimite alors les secteurs où les constructions sont autorisées dans le respect des conclusions de cette étude. En toute hypothèse, cette étude doit être soumise pour avis à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS).

Alléger les procédures de mise en concurrence sur le domaine public

Pour mémoire, la délivrance par l'autorité administrative compétente - la collectivité territoriale propriétaire - d'un titre d'occupation privatif du domaine public ( [CG3P]) est subordonnée à l'organisation d'une procédure de sélection préalable des candidats présentant toutes les garanties d'impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité qui permettent aux candidats potentiels de se manifester ().

Accord de principe. L'article 36 de la loi EnR vise à adapter les procédures de mise en concurrence sur le domaine public de l'Etat et des collectivités territoriales. Il permet ainsi aux gestionnaires du domaine public de délivrer à chaque candidat qui a manifesté son intérêt un accord de principe à la délivrance du titre d'occupation. Cet accord est subordonné, d'une part, au fait que le projet d'installation soit retenu à l'issue d'une des procédures de mise en concurrence prévues par le Code de l'énergie (art. L. 311-10, L. 311-11-1, L. 314-29, L. 446-5, L. 446-14, L. 446-15, L. 446-24 ou L. 812-3) et, d'autre part, au respect d'un cahier des charges établi par l'autorité compétente de l'Etat ou le gestionnaire.

Attention toutefois, l'autorité compétente ou le gestionnaire doit procéder à des mesures de publicité préalable suffisantes pour permettre aux candidats potentiels à l'occupation du domaine public de se manifester. Ces mesures de publicité doivent alors indiquer les conditions, y compris financières, de l'occupation du domaine public, ainsi qu'un délai pour que les candidats manifestent leur intérêt.

Ce qu'il faut retenir

  • La loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables prévoit toute une palette de mesures visant à faciliter l'implantation d'installations d'énergie solaire.
  • L'obligation de solariser les nouveaux bâtiments non résidentiels et les parcs de stationnement est étendue aux bâtiments et parkings existants d'une superficie supérieure à 1 500 m2 .
  • La loi autorise la construction d'installations de production d'énergie solaire le long des axes routiers et ferroviaires.
  • Dérogeant au principe d'urbanisation en continuité posé par la loi Littoral, le texte permet l'implantation d'ouvrages nécessaires à la production d'énergie solaire sur certaines friches.
  • Des dispositions dérogatoires sont également prévues pour les communes soumises à la loi Montagne.
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