Si j’ai souhaité vous réunir aujourd’hui c’est parce que ce dont je veux parler ne peut pas s’accomplir par la seule volonté de l’Etat et par la seule action de l’administration.
Nous avons tous appris au moins une chose au cours de ces vingt dernières années, c’est qu’il ne suffisait pas de créer un Ministère de la Ville, ni de débloquer des crédits, ni de repeindre les immeubles pour que dans certains quartiers de plus en plus d’habitants ne se sentent pas laissés pour compte, abandonnés de tous, mis à l’écart de la République, de ses solidarités, de ses lois. [...]
Le malaise ne vient pas seulement de l’urbanisme et de l’architecture, il n’est pas seulement économique ou social, il est plus profond, il est aussi identitaire, il est culturel, il est moral, bref il est humain et pas seulement matériel.
Pendant 20 ans on a concentré l’essentiel des efforts et des moyens pour corriger ce que l’architecture et l’urbanisme des années 60 et 70 avaient de démoralisant et d’inhumain, pour essayer de mettre de la convivialité, de la chaleur, de la vie dans les grands ensembles qui peu à peu se transformaient en ghettos.
Pendant 20 ans on a dépensé de l’argent, de l’énergie, de l’imagination pour remettre de la qualité là où la quantité avait été jusque-là le seul critère, quand il avait fallu venir à bout des bidonvilles, quand il avait fallu faire face à la poussée des naissances de l’après-guerre et à l’immigration.
Il a fallu quand même bien longtemps pour prendre la mesure du problème que posait le cadre de vie, de la dégradation, de la solitude, de l’angoisse, de l’isolement, du mal-être qu’il générait. [...]
Je veux dire à tous les maires qui veulent rénover, qui veulent construire, qui veulent des efforts en matière d’urbanisme, en matière d’architecture, je veux leur dire que l’Etat les aidera, les soutiendra, les accompagnera.
Je veux leur dire que nous devons réinventer la ville. Je veux leur dire que c’est un enjeu formidable pour le XXIe siècle. Nous avons besoin de repenser la ville et la façon d’y vivre.
Nous avons besoin de repenser l’urbanisme, l’aménagement, l’architecture. Et le problème n’est pas de savoir si l’on doit construire des immeubles hauts ou des immeubles bas, mais de savoir si ce que l’on construit est beau, agréable à vivre, si l’homme y trouve toute sa place ou si au contraire il s’en sent exclu.
C’est un enjeu de civilisation. Je veux que l’Etat s’y engage fortement, et pas seulement sur le grand Paris mais sur tous les grands projets urbains qui contribuent à dessiner la ville du futur, la ville sans pollution et sans violence, la ville qui réunira les hommes au lieu de les diviser, qui intégrera au lieu d’exclure, la ville qui donnera à chacun les moyens de réaliser ses rêves et ses ambitions au lieu de les décourager, la ville où chacun aura le sentiment qu’il a sa place, la ville où chacun, quelles que soient ses origines, quel que soit le quartier où il habite, saura qu’il a les mêmes chances et qu’il a les mêmes droits, où nul n’aura plus de raison d’avoir peur du regard des autres.
Cette nouvelle ville nous la construirons ensemble. Cette nouvelle ville ce ne sont pas seulement les urbanistes et les architectes qui peuvent l’inventer, ce n’est pas seulement la politique qui peut la bâtir. Cette nouvelle ville c’est un projet de société et c’est l’affaire de tous. [...]
Depuis 25 ans, on proclame vouloir traiter les habitants des quartiers comme des citoyens à part entière. Pourtant on ne cesse de leur appliquer des dispositifs d’exception.
Depuis 1996, 751 quartiers prioritaires ont été classés en Zone urbaine sensible. S’y ajoutent les 2200 quartiers prioritaires couverts par la politique de la ville. Quand tout le monde est prioritaire, qui peut l’être réellement ? Aucun quartier n’est jamais sorti de ces dispositifs et zonages qui étaient censés constituer un moyen de revenir à l’égalité.
Pourquoi cet échec ? Parce que depuis que la politique de la ville existe, les habitants des quartiers n’ont eu qu’un seul ministre : celui de la ville. Les autres administrations s’en sont désintéressées et les services publics ont déserté les quartiers. Parce que la politique de la ville ne traite pas de la ville, mais de l’assistance dans laquelle, avec les meilleures intentions du monde, on a enfermé les habitants des quartiers.
Je veux une politique d’égalité des chances sur l’ensemble du territoire. Je veux une France où l’on ne parlera plus de quartiers sensibles, mais de quartiers populaires où il fait bon vivre.
Cet objectif, je m’engage à le suivre, à l’évaluer et à l’atteindre en donnant aux habitants des quartiers les mêmes services publics qu’à tous les autres.
Je demande donc, aujourd’hui, aux ministres responsables de politiques touchant la vie des habitants des quartiers de me présenter, chacun, un programme sur 3 ans de mobilisation de leurs services sur les quartiers qui sont vraiment en difficulté. Chacun devra présenter des objectifs ambitieux de réduction des écarts entre ces quartiers et l’ensemble du territoire.
Le Conseil Interministériel des Villes deviendra, sous l’autorité du Premier ministre, le lieu de décision et de suivi des résultats obtenus. Il ne sera plus un forum, mais un lieu de travail où seront examinés par les ministres des dossiers précis, quartier par quartier.
Pour que ce pilotage se traduise rapidement par des résultats sur le terrain, la chaîne des responsabilités sera clarifiée. Elle ira des Préfets de région aux représentants de l’Etat dans le quartier. Je veux que ce représentant de l’Etat sur place soit doté d’une véritable autorité sur les services de l’Etat dans le quartier pour pouvoir leur imposer la mise en œuvre des objectifs définis au plan national et pour pouvoir les obliger à travailler ensemble. Je veux qu’ils soient à temps plein et qu’il y en ait un par quartier. Leur généralisation devra être effective d’ici le 1er septembre.
Si aujourd’hui les postes de fonctionnaires restent vacants dans les quartiers, je veux qu’à l’avenir, les agents les plus expérimentés et les plus motivés se portent candidats. Et je demande au ministre chargé de la Fonction Publique de me proposer rapidement des solutions innovantes pour les y inciter. Pourquoi ne pas envisager des postes qui sortiraient des catégories de la Fonction Publique ? Pourquoi ne pas développer des aides à la mobilité professionnelle du conjoint ?
Tant de problèmes n’ont que trop duré. Je les affronterai en concentrant les efforts là où résident les besoins. Ce principe je veux qu’il soit appliqué aux contrats urbains de cohésion sociale. En 2009, lorsqu’il s’agira de les renouveler, il faudra bien se demander si les 2200 quartiers bénéficiant de ces aides exceptionnelles sont tous en difficulté.
Ce principe, je veux l’appliquer à la solidarité financière que nous devons aux communes les plus pauvres. Car s’il y a des villes avec des pauvres, il y a aussi des villes pauvres qui n’ont tout simplement pas les moyens de s’occuper de leur population. Et, il faut bien le dire, il y aussi des villes avec des quartiers en difficulté qui utilisent au bénéfice d’autres quartiers les dotations supplémentaires qui leur sont accordées.
Je souhaite un partenariat de confiance avec les collectivités. C’est pourquoi, je demande au Premier ministre et à Michelle Alliot-Marie de conduire avec les élus locaux une réflexion sur la répartition des dotations aux collectivités. Un projet de réforme devra être préparé d’ici l’été pour être traduit dans la prochaine loi de finances.
Avec les associations, je veux également engager un nouveau partenariat pour les aider à se professionnaliser dans la durée plutôt que de vivre toujours dans la fragilité. L’Etat s’engagera désormais systématiquement à leur égard sur plusieurs années. C’est un véritable dialogue sur leurs résultats que nous pourrons enfin mener. [...]
J’ai demandé à Christine Boutin de conclure avec les bailleurs sociaux un nouveau pacte social pour qu’à l’avenir la qualité du service qu’ils rendent aux habitants soit évaluée et qu’elle conditionne le maintien des avantages divers dont ils bénéficient.
Et je voudrais en finir avec ce postulat idéologique énonçant que le logement social doit être locatif, comme si on ne pouvait avoir des revenus modestes et devenir propriétaire. On ne mesure pas le coût dû en partie au fait que les habitants, notamment les plus jeunes, ne s’approprient pas leur logement. Je demande donc à Christine Boutin de me présenter, à partir de l’accord déjà conclu avec les bailleurs sociaux, un plan complet en faveur de l’accession sociale à la propriété prévoyant des règles de saine gestion des copropriétés.
Briser la logique du ghetto c’est aussi empêcher que se renouvelle ce qui est arrivé à cette femme de Montfermeil qui a dû refuser un emploi parce qu’elle n’a aucun moyen de se déplacer tôt le matin. Je veux dire qu’il est inadmissible que dans certains quartiers de la République la population soit assignée à résidence.
L’Etat va donc se réengager pour aider les collectivités à construire des voies de bus, des tramways et à les sécuriser. 500 millions d’euros mobilisés dans le cadre du Grenelle de l’environnement seront consacrés aux quartiers en difficulté.
En Ile-de-France, les besoins sont flagrants. Chacun sait qu’il est indispensable de réaliser le barreau de Gonesse pour désenclaver le quartier de la Fauconnière, le tramway T4 jusqu’à Montfermeil et Clichy, ou encore le tram-train entre Massy et Evry. Une part de l’effort financier sera donc réservée à l’Ile-de-France.
Dans les autres régions, l’Etat apportera sa contribution aux projets qui seront présentés par les autorités organisatrices de transport des nouvelles équipes municipales pour les quartiers dont l’isolement est un obstacle à l’emploi pour ses habitants et n’a que trop duré.
En attendant que les travaux lancés soient réalisés, je tiens à ce que soient créées d’urgence, dans l’année, les lignes d’autobus permettant un désenclavement rapide des quartiers particulièrement isolés. L’Etat, n’admettra plus que les citoyens soient les otages des égoïsmes territoriaux, que des lignes de tramway soient construites sans desservir, aussi, les quartiers en difficulté. Il saura en tirer les conséquences dans les aides qu’il apporte aux collectivités. [...]
J’adresse un appel aux entreprises françaises pour qu’elles redonnent un espoir à cette partie de la jeunesse qui se sent le plus abandonnée, qui se sent victime d’une discrimination inacceptable parce qu’elle habite dans certains quartiers.
Car les entreprises ont aussi leur rôle à jouer aux côtés de tous les autres acteurs pour lutter contre l’exclusion, pour aider chacun à trouver sa place dans la société.
Je veux remercier la centaine de chefs d’entreprises qui sont présents aujourd’hui et dont la présence témoigne de l’engagement qui est le leur. Je veux remercier tous ceux qui dans les jours qui viennent vont signer avec Christine Lagarde et Fadela Amara un engagement à recruter plusieurs milliers de jeunes issus des quartiers en difficulté. Je veux remercier Laurence Parisot qui a encouragé avec beaucoup de force cet engagement des entreprises.
Et cette jeunesse, dès lors qu’elle sentira qu’on lui fait confiance, qu’on lui donne sa chance, elle donnera le meilleur d’elle-même, elle deviendra pour nos entreprises, pour notre économie, un atout formidable. [...]
Je veux proposer aux jeunes un véritable contrat d’autonomie.
Ce contrat, les jeunes le signeront avec des entreprises spécialisées dans l’insertion professionnelle. Nous allons sélectionner les meilleures. Elles travailleront avec les associations, les services de l’Etat, les missions locales et l’ANPE. Elles seront rémunérées selon leur performance.
C’est un nouveau service public d’excellence qui sera mis sur pied au cœur des cités dès le mois de juin. Et si cette expérience est probante, nous pourrons la généraliser à toute la France. Avec le contrat d’autonomie, les jeunes qui en ont besoin pourront apprendre les codes nécessaires à l’insertion dans l’entreprise, sans lesquels la réussite est impossible et l’accès à un emploi difficile, et ils pourront compléter leur formation.
A l’issue de cette période de soutien intensif et personnalisé, qui pourra durer quelques semaines ou quelques mois selon les cas, tous les efforts seront faits pour que chacun puisse accéder à un emploi durable, à un contrat d’apprentissage ou à une formation vraiment qualifiante. Il continuera à être suivi pendant 6 mois.
Si les termes du contrat sont respectés, si le jeune est assidu, s’il fait des efforts, s’il travaille, il pourra bénéficier d’une bourse. [...]
Dans les quartiers aujourd’hui, un jeune sur deux veut créer son activité. Pour les aider, les professionnels de la création d’entreprise vont être, là encore, sélectionnés. Ils devront les accompagner aussi bien avant qu’après la création de l’entreprise, leur dire quelles actions de professionnalisation, quelles expertises sont nécessaires, comment avoir accès à la médiation bancaire ou à des financements privilégiés.
Cette réforme de l’aide à la création d’entreprise, je veux la commencer avec les jeunes des quartiers qui habitent là où les structures d’accompagnement à la création sont aujourd’hui les moins présentes. Au total, avec l’ensemble des outils que l’Etat va mobiliser, c’est plus de 100 000 jeunes que nous allons accompagner vers l’emploi dans les 3 prochaines années. [...]
Le premier échec c’est le décrochage scolaire, c’est la sortie de l’école, chaque année, de 150 000 jeunes sans aucune qualification. Je ne veux plus qu’on laisse les « intermittents des collèges », ces jeunes si souvent absents, disparaître à 16 ans. Lorsqu’on les retrouve quelques années plus tard, c’est parmi les chômeurs ou les délinquants. Aujourd’hui personne ne se sent responsable de ces jeunes. Je demande à l’Education Nationale, dont c’est la mission, d’identifier ces jeunes qui ne sont inscrits dans aucun établissement l’année suivante.
Je veux que tous les moyens soient mobilisés pour qu’à partir de 16 ans tout jeune sorti du système scolaire sans aucune qualification puisse être accueilli dans une école de la 2e chance. Là où elles existent, ces écoles sont un succès. Je veux qu’elles soient généralisées sur tout le territoire. [...]
Je veux que ces écoles puissent bénéficier de la taxe d’apprentissage. Je veux que l’Etat s’engage financièrement. Parce que ce qui coûte le plus cher à la société, ce qui coûte le plus cher à l’économie, c’est de laisser une partie de la jeunesse à la dérive, sans aucun repère, sans aucune formation, condamnée à la marginalité parce qu’à un moment, à 12 ans ou à 14 ans, elle a décroché de l’école.
Le développement de la deuxième chance, ce sera l’une des priorités de mon quinquennat. [...]
Le système de la capacité en droit doit être élargi à d’autres disciplines. Il faut créer des passerelles, développer des systèmes comme celui du Conservatoire National des Arts et Métiers.[...]
Je veux que les logements sociaux cessent d’être attribués par communautés et par ethnies. Et je demande à Brice Hortefeux et à Christine Boutin de poursuivre les discussions qu’ils ont déjà engagées en ce sens avec la plus grande fermeté. Je veux que l’on cesse de faire subir des exclusions de toutes sortes aux personnes dont l’immigration a été mal préparée. Je veux que l’on respecte la dignité des personnes qui sont accueillies en France Nous le ferons en fixant chaque année, comme d’autres démocraties, le nombre d’étrangers à qui la France peut offrir de réelles chances d’intégration. Une commission présidée par Pierre Mazeaud doit en examiner les principes. [...]
Ensemble, nous devons bâtir une France vivante, fière de sa diversité, capable de se regarder telle qu’elle est et de se rêver telle qu’elle peut devenir, une France qui participera au monde de demain fait de mélanges, d’ouverture et de rencontres entre toutes les cultures. [...]