Une filière dans le sillage du Grenelle

Hors norme la "douce France" et sa forêt ? "Riche d'une grande biodiversité [128 essences différentes], c'est le premier domaine feuillus d'Europe et le seul pays de l'Union à disposer d'un patrimoine résineux aussi varié (épicéa, douglas, pin maritime et sylvestre, sapin...), rappelle Michel Perrin, directeur du CNDB. C'est aussi une forêt durable".

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Le challenge de demain pour la Mob ? Se positionner sur l’entrée de gamme et pénétrer le segment du collectif.

Tous les ans, la production biologique y tutoie les 103 millions de m3 ; l'équivalent de... 50 000 terrains de football ! Alors que les surfaces boisées occupaient 11 millions d'hectares dans les années 1950, aujourd'hui, le domaine s'étend sur plus de 16 millions d'hectares.

Seul couac : la forêt hexagonale souffre de son trop grand morcellement. « La pléiade de propriétaires privés - environ 3,5 millions se partageant 11 millions d'hectares, quand l'ONF n'en gère que 1,8 million - nuit à la mobilisation de la ressource. À l'inverse des pays scandinaves* où la filière s'est structurée autour de gros propriétaires et exploitants forestiers adossés à des groupes industriels », peste Bernard Rey, directeur de l'interprofession France Bois Forêt. Du coup, en 2006, selon l'Inventaire forestier national, 36 millions de m3 n'ont pas été prélevés. Un volume qui vient renforcer le stock de bois sur pied et qu'il faudra pourtant valoriser. Du moins en partie. C'est d'ailleurs l'un des enjeux du Grenelle de l'environnement. En 2012, la sylviculture française devrait récolter 12 millions de m3 supplémentaires. Et 20 millions d'ici à 2020. Présentant, fin mars, son plan stratégique 2008-2011, le FCBA en a fait un mot d'ordre : « Récolter plus pour mieux valoriser une ressource qui stocke du CO² », selon la formule de Jacques Sturm, l'un des deux Dg de l'institut technologique. Solutions avancées pour booster la compétitivité de la filière ? Créer des coopératives regroupant les lots autour de petits propriétaires, mais aussi faire intervenir les exploitants forestiers eux-mêmes. En débloquant 100 M€ sur cinq ans, le fonds unique de mobilisation vise à accroître les volumes et... favoriser le bois énergie. « Sans déstabiliser toute la filière », met en garde le CNDB.

...mais une matière grise en ébullition

Il y a eu l'OSB, la poutre en I, le BMR. « Aujourd'hui, ce matériau challenger explore de nouvelles voies avec l'essor de la lamellation, la reconstitution de profils composites. Tout comme l'acier en son temps, il devient un produit industrialisé », constate Serge Le Nevé, à la tête du Ciat au FCBA. Politique d'innovations, R & D renforcée, dimensions bio-process, biomatériaux ou bio-ressources : ce sont là quelques-unes des neuf priorités fixées par l'institut pour répondre aux défis du développement durable. Sur les rails depuis trois ans, la plate-forme technologique européenne, Forêt Bois Papier, a mis en évidence l'utilisation du feuillus pour les éléments structurels de grand format. Une alternative aux dalles béton préfabriquées ? Des chercheurs allemands ont même présenté une méthode innovante pour améliorer résistance, dureté de surface et durabilité du hêtre en usage extérieur. Déjà exploité dans le secteur textile, le procédé permet à cette essence de passer de la classe de résistance V, la plus mauvaise, à la classe I ou II. Le panneau de process, lui, intègre du papier recyclé et réduit sensiblement les émissions de COV des liants. Alors que dans leur rapport 2008, les experts du Sessi pointent le boum des importations en produits sciés et profilés (+ 58 % entre 2000 et 2006), la R & D fait feu de tout bois. Jusqu'au projet Above (collage des bois verts) sur lequel se penche, dans le cadre d'un pôle de compétitivité, le landais FP Bois avec d'autres industriels et universitaires. Moyen de « positionner le pin maritime sur le segment du bois construction », espère Éric Plantier, son président.

Effervescence chez les industriels

Traçabilité, marquage CE, Eurocode 5, révision des DTU, processus Flegt... Sous les coups de butoir de la réglementation, « les mouvements de consolidation amont et aval s'intensifient pour répondre aux impératifs d'investissements lourds », note Luc Charmasson, à la tête de la Fibc. Alors que l'offre en bois séché n'était que de 6 % en 2006, le secteur de la première transformation (scieries) s'est lancé dans un mouvement massif d'investissements pour s'équiper en séchoirs.

Illustration chez l'un des plus gros scieurs hexagonaux. Dans son usine nivernaise, à Sougy-sur-Loire, Monnet-Sève s'est doté d'un outil nouvelle génération à basse température et fonctionnant en continu, une unité d'aboutage, une ligne de triage pour assurer le classement structurel des bois, mais aussi une chaîne de contrecollé et lamellé-collé. Un budget significatif de 23 M€ ! Et la volonté de « sécuriser au maximum les produits pour lever d'éventuels freins et se diversifier vers la seconde transformation pour accompagner l'intérêt croissant en bois reconstitués, pour la terrasse bois et la Mob », argumente Stéphane Vives, le Dg.

Isoroy mise d'ailleurs beaucoup sur ce segment. En trois ans, son propriétaire, le portugais Sonæ Industria, a injecté 150 M€ pour relancer le numéro un français des panneaux. À Châtellerault (Vienne), une seule plate-forme regroupe maintenant l'offre du concept Agepan ; des solutions polyvalentes pour la Mob, extensions ou rénovations bois. Avec une logistique orientée négoce. Même stratégie pour la filiale du finlandais Metsäliitto. En rachetant, fin 2007, les produits d'ingénierie i-Level, « Finnforest France accentue son portefeuille de solutions constructives, notamment en résidentiel, et conforte sa stratégie clairement identifiée d'être leader sur le marché du bois construction », admet Sébastien Lévenez, directeur du pôle Construction.

De son côté, tout en orientant ses concessions africaines vers une gestion durable (près de 2 % du CA investis), Rougier a doublé son parc local de scieries pour valoriser les grumes. Une logique de produits semi-transformés (68 % du CA en 2007 contre 62 % trois ans plus tôt) qui ouvre d'autres portes. « Pourquoi ne pas intégrer, à moyen terme, une offre de produits finis en nouant des partenariats industriels en Europe ? », interroge Marc-Antoine Mallet, directeur exécutif. En Afrique, l'exploitant forestier produit déjà des carrelets trois plis...

(*) La forêt scandinave demeure pauvre en termes de biodiversité

Paru dans Négoce n° 301 du 15/09/2008

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