Il s’appelle Diego, pour « dynamique intégrée des éoliennes génératrices offshore » et c’est l’outil numérique imaginé par le service de recherche et développement d’EDF afin de modéliser les forces qui s’appliquent aux éoliennes en mer. C’est lui qui a permis l’élaboration du parc flottant Provence Grand Largeofficiellement mis en service fin juin. Composé de trois turbines de 8,4 MW chacune situées à 17 km au large de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), ce parc, à la fois démonstrateur et installation commerciale, est le premier du genre à injecter des électrons sur le réseau français.
La stabilité avant tout
« Provence Grand Large est l’illustration parfaite de l’utilisation de Diego tout au long de la vie d’un projet », estime Elisabeth Duranteau, chargée de la coordination des activités techniques pour les projets offshore chez EDF Power Solutions – une entité qui regroupe depuis peu EDF Renouvelables et la direction internationale du groupe. « Le grand enjeu de l’éolien flottant, c’est de stabiliser une turbine sur un flotteur », explique Christophe Peyrard, ingénieur chercheur expert à la direction R&D d’EDF. L’inclinaison maximale à atteindre est de 5 degrés. Au-delà, non seulement la production baisse mais de plus, la turbine risque de se dégrader. « Il faut donc concevoir et dimensionner des flotteurs de manière à restreindre ces mouvements », conclut Christophe Peyrard.
Choisir le bon flotteur
Or, lorsqu’en 2016 l’Ademe lance l’appel d’offres qui a mené à la réalisation de Provence Grand Large, le retour d’expérience est limité : les parcs existants se comptent sur les doigts d’une main et sont constitués de prototype de taille réduite. Trois principes de stabilisation apparaissent : le spar, le semi-submersible et les lignes d’ancrage. Pour choisir, il faut comprendre le fonctionnement des grandes familles de flotteurs dans toutes les situations auxquelles elles seront exposées. C'est alors que l’énergéticien développe Diego, un outil numérique capable de modéliser la force du vent et des vagues qui s’applique à l’éolienne pour évaluer sa réaction. « L'avantage d’avoir un logiciel en interne, c’est que nous pouvons comparer tous les flotteurs avec le même vent et les mêmes vagues », souligne l’ingénieur chercheur.
Premier projet certifié
Pour son parc méditerranéen, EDF choisit un flotteur en partie immergé maintenu par un système de lignes d’ancrage fixées au plancher marin développé par SBM Offshore avec l’Ifpen, l’Institut français du pétrole et des énergies nouvelles. « Ses lignes tendues lui autorisent un mouvement de balancier mais la nacelle, elle, ne bouge pas », fait remarquer Elisabeth Duranteau. Les équipes font de nouveau appel à Diego lors de la phase de design détaillé qui permet de dimensionner le flotteur, et embarquent Bureau Veritas dans l’aventure. Ce compagnonnage permettra à Provence Grand large d’être le premier projet flottant certifié. EDF a également instrumenté ses flotteurs de façon à récupérer toutes les informations issues de ce premier parc éolien, et une thèse démarre cet été pour valider l’outil.
Approche physique

Le hall d'essai du centre de R&D d'EDF de Chatou et ses bassins à vagues permettent de compléter l'approche numérique d'une approche physique.
Pour autant, l’approche numérique permise par Diego ne suffit pas. Dans le hall d’essai de l’un des trois centres de recherche et développement d’EDF, à Chatou (Yvelines), de grands bassins à vagues fournissent une approche physique. En ce jour de juin, un bateau à l’échelle 1/70e s’agite sous l’œil de quatre caméras qui reconstituent son mouvement en 3D. Grâce à ces images, l’équipe évaluera les réactions aux vagues d’un navire d’installation d’éoliennes flottantes chargé de pales et de mâts. « Nous voulons voir s’il est possible de les mettre en place sur les flotteurs en mer au lieu de le faire à terre puis de remorquer l’ensemble au large », explique Christophe Peyrard.
Complémentarité
« Ces allers-retours entre le numérique et l’expérimental nous permettent d’une part de vérifier la justesse des modèles numériques et d’autre part d’examiner de près des phénomènes spécifiques d’interaction entre vagues et structures », précise Christophe Peyrard. Une fois leur fonctionnement analysé, ils sont implémentés dans l’outil Diego. Une complémentarité qui sera très utile à EDF pour mener à bien Méditerranée Grand Large, un projet de 250 MW attribué en 2024 qui marquera un changement d’échelle majeur dans l’éolien flottant.