Une commune qui renonce à préempter peut engager sa responsabilité sans faute

Le droit à indemnisation du vendeur dépendra des circonstances et de l'évaluation du préjudice subi, souligne une réponse ministérielle.

Jurisprudence
Le propriétaire concerné par la préemption de son bien par une commune et l'acheteur initial ne peuvent pas, sans préjudice avéré, demander une indemnisation à la commune qui s'est désistée.

Quelle est la responsabilité d'une commune qui a exercé son droit de préemption sur un immeuble puis a renoncé à poursuivre la procédure ?, interroge Jean-Louis Masson, sénateur (Moselle - NI), lors des questions au gouvernement. Le propriétaire du bien préempté et l'acheteur initial peuvent-ils alors demander une indemnisation à la commune pour le préjudice subi ?

Les délais de renonciation

Tant que les deux parties, le propriétaire et la commune, ne se sont pas accordées sur le prix du bien préempté, elles peuvent se désister en vertu de l'article L.213-7 du Code de l'urbanisme, rappelle en réponse le ministère chargé de la Ville et du Logement. Le propriétaire retire son offre de vente, ou la commune renonce à la procédure. Si le prix est fixé judiciairement, les parties ont deux mois "après que la décision juridictionnelle est devenue définitive [pour] accepter le prix fixé par la juridiction ou renoncer à la mutation".

L'exécutif met l'accent sur les deux étapes pendant lesquelles la collectivité peut ainsi renoncer à l'achat d'un bien : dans le délai de deux mois à compter de la réception de la déclaration d'intention d'aliéner (DIA) du vendeur, puis (comme énoncé ci-dessus) dans le délai de deux mois après que la décision juridictionnelle est devenue définitive.

Evaluation du préjudice du vendeur... et de l'acquéreur initial

Cependant, le ministère indique que le Conseil d'Etat vient de reconnaitre, dans une décision récente, "la responsabilité sans faute d'une commune ayant renoncé à préempter après que le juge de l'expropriation a rendu sa décision (CE, 13 juin 2022, n° 437160, "Société Immotour")". En effet "après analyse des circonstances et du cas d'espèce, le juge a estimé que le vendeur avait subi du fait du revirement de la collectivité, un « préjudice grave, qui doit être regardé comme excédant les aléas ou sujétions que doivent normalement supporter des vendeurs de terrains en zone urbaine »".

Ainsi, en fonction des circonstances et de l'évaluation du préjudice subi, un vendeur pourrait donc intenter une action en responsabilité sans faute de la collectivité qui pourrait donner lieu à une indemnisation.

Mais dans le cas rapporté par le sénateur, et au vu des seules informations connues, l'acquéreur initial peut poursuivre l'acquisition du bien à l'issue de la renonciation de la collectivité. Sans préjudice avéré, il n'aura donc pas droit à indemnisation.

QE n° 02876 de Jean-Louis Masson (Moselle - NI), JO Sénat du 6 avril 2023

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