Amis requérants, soyez raisonnables ! Attaquer un permis de construire sept ans après son affichage sur le terrain, cela n’est pas recevable devant un tribunal. Et ce, même si le délai de recours contentieux n’a pas encore commencé à courir. C’est en substance ce qu’a décidé la Haute juridiction administrative dans une décision du 9 novembre 2018. Avec ce nouvel arrêt, les juges consacrent l’application de la jurisprudence « Czabaj » aux contentieux des autorisations d’urbanisme.
Etait en cause dans cette affaire un permis de construire délivré en novembre 2007 pour la construction d’une maison individuelle. Le permis a été contesté par des tiers devant le tribunal administratif le 7 avril 2014.
Affichage irrégulier versus délai raisonnable
Motif invoqué : l’affichage du permis était irrégulier car il n’indiquait pas les délais et voies de recours exigés par l’article A. 424-17 du Code de l’urbanisme. Mais pour les juges du fond, malgré ce vice, le recours en annulation n’en était pas moins irrecevable, puisqu’il n’avait pas été présenté dans un délai raisonnable et que par ailleurs, l’ensemble des autres obligations visées à l’article A. 424-17 précité (notamment la continuité de l’affichage du permis sur le terrain pendant une durée de deux mois) avaient été respectées.
Le Conseil d’Etat valide ce raisonnement. Reprenant le principe de sécurité juridique posé dans son arrêt « Czabaj » (CE, ass., 13 juillet 2006, n° 387763, publié), aux termes duquel les décisions administratives individuelles ne peuvent être contestées que dans un délai raisonnable, les juges du Palais-Royal transposent donc cette jurisprudence au contentieux des autorisations d’urbanisme : « Considérant que le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contesté indéfiniment par les tiers un permis de construire, une décision de non-opposition à une déclaration préalable, un permis d'aménager ou un permis de démolir ».
Contester l’autorisation dans un délai d’un an maximum
Et le Conseil d’Etat enfonce le clou : même si les délais et voies de recours n’étaient pas indiqués sur le panneau d’affichage, cette irrégularité n’exonère pas le requérant de contester l’autorisation de construire « dans un délai raisonnable à compter du premier jour de la période continue de deux mois d'affichage sur le terrain ».
En règle générale, poursuit le Conseil, « un délai excédant un an ne peut être regardé comme raisonnable ».
Faire prévaloir le délai réglementaire
Enfin, la Haute juridiction apporte une précision quant à l’articulation de ce délai ainsi dégagé de manière prétorienne avec le délai réglementaire issu de l'article R. 600-3 du Code de l'urbanisme. Pour mémoire, ce texte s’oppose à ce qu’une autorisation d’urbanisme puisse être contestée devant le juge au-delà du délai d’un an (rédaction applicable à l’époque des faits) à compter de l’achèvement des travaux (1).
Pour les Sages, cette disposition réglementaire prévaut : « Il résulte en outre de l'article R. 600-3 du Code de l'urbanisme qu'un recours présenté postérieurement à l'expiration du délai qu'il prévoit n'est pas recevable, alors même que le délai raisonnable mentionné ci-dessus n'aurait pas encore expiré ».
CE, 9 novembre 2018, n° 409872, mentionné aux tables du Lebon
(1) Depuis l’adoption du décret n° 2018-617 du 17 juillet 2018 portant modification du Code de justice administrative et du Code de l'urbanisme, ce délai est réduit à 6 mois pour les autorisations intervenues après le 1er octobre 2018.