Comment faire baisser la quittance (loyer + charges) des locataires d'HLM? « Comment faire en sorte que la quittance nette (loyer + charges - aides personnelles) soit le mieux adaptée aux ressources des locataires et aux efforts qu'ils peuvent consentir ? » corrige Jacques Berké, président de la Fédération nationale des SA d'HLM. Vu les ordres de grandeur (3,5 millions de logements existants contre 50 000 nouveaux PLA en 1998), « la question porte plus sur le stock que sur le flux », note-t-il avant d'expliquer que la marge de manoeuvre des organismes est étroite, comme le montrent les grandes masses financières : les annuités de remboursement représentaient en 1996 - derniers chiffres - 52 % des loyers, la taxe foncière pour les propriétés bâties (TFPB) 7 %, la maintenance 16 %, les coûts de fonctionnement 18 %, l'autofinancement - pour les investissements futurs - 6 % et les impayés définitifs, moins de 1 %.
« La maîtrise de l'équation loyer + charges est une opération dont les paramètres dépendent pour une part de notre responsabilité et pour une part de facteurs exogènes », remarque Paul-Louis Marty, directeur général de l'Opac du Val-de-Marne. C'est le cas de la TFPB, mais l'on pourrait également citer l'évolution du taux du livret A, commandée par des considérations politiques alors qu'elle peut avoir de grandes conséquences sur le compte d'exploitation des organismes et l'équilibre des opérations : la Caisse des dépôts estime ainsi à 1,2 milliard de francs en 2000 l'économie entraînée par la dernière baisse de 0,5 point. Elle permettrait un recul de 1,7 % des loyers si elle était intégralement répercutée sur l'ensemble du parc. Ciblée, elle aurait un impact bien plus fort.
Comme le remarque Paul-Louis Marty, « l'organisme qui a la capacité de réduire ses loyers à long terme est celui qui ne construit pas : quand j'encaisse 1 franc de loyer, je paie 50 centimes de dettes. Si j'arrête de construire pendant dix ans, je tombe à 35 centimes. Ca améliore le cosinus de l'angle. Le malheur, c'est que je continue de construire. Et je plombe mon compte d'exploitation », explique-t-il.
Charges : un faisceau d'actions convergentes
« L'évolution des loyers est longue et comporte de très grandes incertitudes », ajoute-t-il. Ainsi, « fondamentalement, il y a un problème essentiel, mais que je ne peux financièrement quantifier : quels seront le devenir et la valeur d'une partie significative de notre patrimoine de grands ensembles situés dans les quartiers sensibles ? Continuera-t-il d'être habité ou non ? Dans ce cas-là, sa valeur au bilan est nulle voire négative. La question dépasse le strict problème de la démolition. Si elle reste à dose homéopathique, je sais ce que devient mon compte d'exploitation. Mais, s'il faut que je détruise en Ile-de-France 20 000, 100 000 ou 150 000 logements, ce n'est pas la même chose ».
Dans l'immédiat, la question des loyers dans le parc existant agite le monde HLM. C'est Louis Besson qui l'a posée, suscitant un certain émoi lorsqu'il a évoqué une modulation en fonction des revenus des locataires. Depuis, les choses se sont précisées, et il ne s'agit plus que de traiter le cas des locataires modestes dont la quittance n'est pas totalement couverte par les aides au logement, soit environ 400 000 ménages. Des discussions très délicates se sont engagées entre le secrétariat d'Etat et l'Union des HLM. Interrompues par le décès de Roger Quilliot, elles reprendront après la rentrée, sachant que les sociétés anonymes et les offices ne sont pas sur la même longueur d'onde.
Reste que, comme le résume Paul-Louis Marty, « dans les zones où le marché n'est pas tendu, les loyers ont vocation à évoluer vers la baisse en francs constants. Sinon, compte tenu des impératifs sociaux, nous devons limiter de manière drastique nos hausses de loyers ».
Une autre question est sur la table : celle des charges, incomplètement prises en charge par les aides au logement. En forte baisse pendant les années 80, elles se sont ensuite stabilisées. Pierre Quercy, directeur général de l'Union des HLM, les évalue à 650 francs en moyenne par mois dans un logement type (voire plus, en cas de chauffage collectif), pris en charge pour moitié par l'APL. Le chauffage, l'eau chaude sanitaire et l'ascenseur sont les trois postes les plus importants. Ils ont diminué d'un quart en dix ans. Mais, pendant la même période, l'eau a augmenté de 47 % en francs constants.
Même s'ils sont moins directement concernés par le problème des charges que par celui des loyers, les organismes y sont de plus en plus sensibles. Le secrétariat d'Etat au Logement les y pousse : il a fait en sorte que le produit de la baisse de la TVA sur la réhabilitation, inscrite dans le budget 1998, soit utilisé pour des travaux engendrant des économies de charges. Un accord sur trois ans a été conclu avec les associations de locataires, et les premiers travaux devraient débuter en 1999 dans les organismes. Mais les sommes en jeu sont assez modestes (1 milliard au maximum). Certains sont déjà actifs : le président de 3 F, Michel Ceyrac, a fixé un objectif de baisse pour son groupe dès l'an prochain, sans le quantifier toutefois, la lutte contre les charges élevées résultant d'un faisceau d'actions convergentes.
D'ailleurs, le problème de l'eau, celui de la collecte des déchets ou le chauffage devraient combiner, dans l'idéal, solutions techniques et renégociations avec les grands groupes concessionnaires. Le délégué général de l'Union estime de son côté qu'il faut investir pour réduire le coût des fluides (eau+électricité+téléphone). Paul-Louis Marty plaide pour « une clarification des rôles dans un certain nombre de domaines comme l'eau ou les espaces verts », et surtout pour une responsabilisation des habitants, allant jusqu'à un pouvoir accru dans les décisions qui les concernent.
Comment construire moins cher
Reste, enfin, le prix du neuf. Tout le monde s'accorde à reconnaître au moins une dérive des prix de production, les plus féroces mettant en cause le PLA, jugé obsolète. Il est en tout cas structurellement déséquilibré sur le plan financier : il y a un écart de 15 à 20 % entre le loyer d'équilibre et le loyer maximal permis par la réglementation, sachant que celui-ci est inférieur d'environ 10 % au loyer plafond de l'APL, selon Pierre Quercy. L'Union a d'ailleurs fixé un objectif de baisse aux organismes, de l'ordre de 5 %.
Les prix de production varient en fonction de la localisation et du type d'habitat (individuel et collectif). Selon les tout derniers chiffres de la DGUHC, le coût du bâtiment a augmenté en 1996 de 1,5 % - après plusieurs années de stabilité - dans le collectif en agglomérations de plus de 100 000 habitants, hors région parisienne (zone 2) (voir encadré). Dans toutes les autres petites villes et dans l'individuel, les prix sont stables. Encore faut-il bien préciser que ces prix s'entendent hors effet de structure, c'est-à-dire qu'ils n'intègrent pas l'évolution des caractéristiques physiques de l'opération et hors garage.
Aussi critiquée a-t-elle été, la démarche LQCM a eu le mérite de mettre les choses sur la table et de lier la question du coût avec celle de la qualité. Louis Besson n'est pas avare en mises en garde sur cette question (voir pp. 42 et 43), et Michel Mouillart, professeur à Paris-X Nanterre, va au moins aussi loin lorsqu'il estime que « la qualité, ou l'accès à la qualité pour tous, est un projet de société ». En outre, souligne-t-il, « ce sera un service rendu à nos enfants et petits enfants ».
Maîtriser les coûts sur toute la chaîne de production
Le premier réflexe des organismes a été de réduire la surface des logements et celle des parties annexes dans le collectif. Un mouvement que l'on sent très bien à la lecture des statistiques de la DGUHC (- 3 m2 en moyenne sur la surface habitable et - 1,1 m2 sur les surfaces annexes). Mais la question de la surface des logements est sensible au sein du monde HLM. L'attitude d'un groupe comme 3 F qui, depuis plusieurs années, a réduit la surface pour baisser la quittance, a souvent été critiquée : « Nous n'avons jamais sacrifié la cuisine, mais les chambres sont petites, et nous essayons de limiter les surfaces de circulation », explique Michel Ceyrac, qui estime à 10 % environ la différence entre son produit actuel et le logement moyen HLM en Ile-de-France. L'effet est immédiat : « Nous collons aux loyers plafonds APL jusqu'au trois-pièces », assure-t-il.
Mais la vraie question est de mieux maîtriser toute la chaîne de production : la conception du produit, la tenue des chantiers, le respect des délais de fabrication, une mise en location rapide... C'est toute une façon de travailler qu'il faut aussi maîtriser inlassablement. D'autant que la reprise du bâtiment induit - ou induira assurément tôt ou tard - une remontée des prix des entreprises, qui ont atteint un point bas ces dernières années.
De son côté, le gouvernement a fait un pas en avant en réinjectant de l'aide à la pierre dans le PLALM pour abaisser les prix de sortie. Sans grand succès, les organismes se montrant particulièrement réticents à construire, comme le déplore Louis Besson. PHOTO : François Melonio, P-DG du bureau d'études Projetud :
«Le logement social offre un beau terrain d'exercice à l'ingénierie et à sa capacité d'apporter de la valeur ajoutée.»