Avec l'Eurocode 5, la France fait un bond en avant en bénéficiant de l'ingénierie du bois d'autres pays européens. Né dans le secteur offshore et déjà employé depuis vingt ans pour d'autres matériaux, le concept d'état limite préside d'ailleurs déjà depuis quelques années les techniques de construction du bois aux Etats-Unis, au Canada, en Australie et en Scandinavie.
L'Eurocode 5 a été élaboré à partir du code de calcul du CIB (Conseil international du bâtiment), datant de 1983. Il se compose de trois parties : règles générales et règles pour la construction, règles incendie, ponts. Il fait appel à de nombreuses normes européennes, dites de support, qui fixent les méthodes d'essai et les valeurs de résistance des matériaux. L'Eurocode 1, par exemple, détaille les principes de base des calculs et les types d'actions sur les structures.
Globalement, la règle d'or de l'Eurocode 5 est la simplicité afin de développer à un échelon international l'utilisation du bois. Le calcul des assemblages est la partie la plus complexe : les règles de calcul et celles d'exécution (épaisseurs minimales des éléments, espacement entre assembleurs, distances aux bords) sont traitées simultanément.
Un atout à l'export
Compte tenu des délais, certains pays comme l'Allemagne par exemple, transforment leurs règles en les adaptant aux états limites. En France, attendre l'entrée en vigueur de l'Eurocode 5 paraît plus simple. Mais d'ici là, une révision légère des règles CB 71 s'impose. « Elles font notamment référence à des catégories de bois dont les valeurs caractéristiques ont été établies en 1946, alors que la nouvelle version de la norme NF B 52-001 de classement visuel des bois pour un emploi de structure est sortie en 1998 », rappelle Frédéric Rouger responsable études et recherches du pôle construction du CTBA (Centre technique du bois et de l'ameublement) qui anime le groupe de travail sur l'Eurocode 5.
Comme les autres Eurocode, celui consacré au calcul des structures en bois a actuellement le statut de norme expérimentale et n'a donc pas d'usage obligatoire. Cette technique de calcul a pourtant déjà été employée pour la construction du centre Jean-Marie-Tjibaou en Nouvelle-Calédonie et du pavillon français de l'exposition universelle de Lisbonne.
Un affinement de la structure
A l'export, l'emploi de l'Eurocode 5 se généralise car il permet aux bureaux d'étude de différents pays de parler le même langage. Mais, pour l'instant, il augmente la durée de la phase de conception car il nécessite un certain temps d'apprentissage. La publication d'abaques de dimensionnement établis sur la base de ces nouvelles règles facilitera leur emploi, ainsi que des logiciels d'accompagnement.
Signe des temps, les étudiants en génie civil sont actuellement formés à l'Eurocode 5 et son emploi est déjà recommandé au niveau des marchés publics.
Comme pour toute construction, les principes de la mécanique et de la résistance des matériaux guident le dimensionnement d'une structure bois. Le calcul tient compte des actions constantes des matériaux (poids propre, couverture), des actions variables (vent, neige, occupation), des actions accidentelles (chocs, séismes, feu) et extrêmes. « Avec la technique de calcul aux contraintes admissibles, sur laquelle reposent les règles CB 71, tous les aléas comme les charges d'exploitation, la neige, le vent, les propriétés des matériaux sont regroupés en un seul coefficient de sécurité.
L'Eurocode 5 introduit une notion nouvelle : les états limites. Il en existe de deux sortes : les états limites ultimes associés à la ruine totale ou partielle du bâtiment, et mettant en cause la sécurité des personnes ; et les états limites de service qui correspondent à des gênes par rapport à l'aspect ou à l'utilisation, associées à des déformations excessives.
Les calculs de structures s'effectuent à partir des grandeurs caractéristiques des propriétés mécaniques du matériau et non plus, comme avant, avec des valeurs admissibles. Avec les états limites, un coefficient partiel est donc affecté à chaque aléa. Ainsi le design peut s'affiner car les structures sont un peu moins surdimensionnées », explique Frédéric Rouger.
PHOTO : Pour Frédéric Rouger du CTBA, animateur du groupe de travail sur l'Eurocode 5 : « Quelqu'un de formé au concept et à la démarche Eurocode pourra se mettre plus facilement au bois qui devient un matériau de construction à part entière, au même titre que l'acier ou le béton. »