Le Royaume-Uni s’est fixé de grands objectifs de lutte contre le réchauffement climatique, et prévoit de réduire de 60 % ses émissions de CO2 d’ici 2050. Entré en vigueur en 2007, le Code for Sustainable Homes TM s’applique aux nouveaux logements, et cherche à minimiser tous les impacts environnementaux, dont les émissions de CO2, la consommation d’eau, la production de déchets et les quantités de matériaux de construction. La performance environnementale est certifiée d’une à six étoiles, le niveau six correspondant à un bâtiment zéro carbone. Cette neutralité est calculée en additionnant les émissions de CO2 de toutes les énergies consommées, du chauffage à l’électroménager, et en déduisant les énergies renouvelables produites sur site, comme l’électricité photovoltaïque ou la biomasse. A noter que, contrairement à l’usage français, les calories produites par les pompes à chaleur ne sont pas considérées comme renouvelables.
En Grande-Bretagne 70 % du tissu urbain présente une densité faible, proche de 50 logements/ha. Le parc immobilier devrait croître d’un tiers d’ici 2050 pour répondre aux évolutions démographiques. Bill Dunster et ZEDfactory ont développé le système RuralZED, pensé comme la première maison zéro carbone viable commercialement.
Maison prototype
Il s’agit d’un kit industrialisé, dont la version de base est certifiée 3 étoiles, et qui, par la combinaison d’options, permet d’atteindre le niveau 6. C’est cette dernière version zéro carbone qui est construite à Grande-Synthe. Le kit et ses options sont vendus entre 1000 et 1500 euros/m2 habitables, selon le niveau de performance et la taille du logement. Sont à ajouter en fonction des capacités et des besoins du client les honoraires de l’architecte et la main-d’œuvre pour le montage. Environ huit semaines et 300 journées de travail sont nécessaires pour construire une maison.
Cette rapidité découle de l’assemblage à sec de tous les composants et de la simplicité du kit. Il se compose d’une ossature primaire poteaux poutres en lamellé-collé, avec une combinatoire d’éléments de remplissage de la grille spatiale. A Grande-Synthe les planchers sont ainsi réalisés en magnifiques voûtains de céramique crème posés entre solives, et certaines parois intérieures en panneaux de béton à base d’agrégats recyclés. Une masse considérable – 21 t – est ainsi apportée au bâtiment, assurant une réelle inertie thermique et un bon confort acoustique. La combinatoire se poursuit en façade, avec diverses possibilités de bardages, en bois, acier laqué ou terre cuite. Enfin la stratégie énergétique s’élabore en ajoutant progressivement à une version de base surisolée (30 cm de laine minérale), étanche à l’air (0.99 vol sous 50 Pa à Grande-Synthe, soit entre les niveaux BBC et passif) et avec inertie thermique, d’abord une ventilation naturelle double flux, puis des panneaux solaires thermiques et photovoltaïques ou encore une serre au sud. Ces dispositifs s’expriment architecturalement, avec une stricte orientation par rapport au soleil. Au sud, la façade est entièrement vitrée, et le versant de la toiture couvert de panneaux solaires. Le faîtage animé par le mouvement perpétuel de girouette des wind cowls, qui sont la partie visible du système de ventilation. Ces capuchons, pivotant doucement au gré du vent, fonctionnent depuis dix ans à BedZED et seront monitorées afin de vérifier leurs performances dans une atmosphère marine et industrielle. Le système de ventilation, comme les panneaux solaires, sont fabriqués par ZEDfabric. La plupart des autres composants, des fenêtres aux mitigeurs, sont fournis par des industriels associés. Ainsi, dans la maison de Grande-Synthe ne sont français que le système électrique et la plomberie.
Cette maison est un prototype, présenté au salon Ecobuid 2008, puis acquis par la ville de Grande-Synthe et remonté sur site de septembre à novembre 2008. Elle s’insère facilement dans une ville de densité équivalente à celle des tissus urbains anglais pour lesquels Bill Dunster a conçu RuralZED. La neutralité carbone répond bien aux objectifs énergétiques de la ville, fixés pour répondre aux enjeux écologiques mais également sociaux, le maire Damien Carême étant particulièrement attentif au potentiel de réduction des charges énergétiques dans une ville comptant plus de 65 % de logements sociaux.
Si les architectes locaux se sont émus du choix d’un architecte anglais pour le bâtiment préfigurant l’écoquartier, et si les riverains ont observé avec perplexité le chantier et les rotations des wind-cowls, l’écomaison est désormais une attraction. Plus de 1200 visiteurs, scolaires, maîtres d’œuvre, particuliers ou bailleurs sociaux, s’y sont succédé, et des réservations sont enregistrées jusqu’en septembre prochain. L’objectif de la mairie de promouvoir un habitat à basse consommation d’énergie et des gestes écologiques au quotidien semble donc déjà rempli. Plus largement la maison RuralZED impose des mutations : révision du PLU de Grande-Synthe afin de permettre de généraliser les dispositifs durables, prise en compte par le bureau de contrôle de techniques très innovantes, demande d’agrément des wind-cowls par le CSTB. On peut penser aussi que cette maison, véritable pierre anglaise dans le jardin français, provoquera une émulation, notamment pour la construction de l’écoquartier du Basroch.
La maison RuralZED est en effet le laboratoire et la vitrine d’un projet d’écoquartier ambitieux. Sur 11 hectares seront construits d’ici 2012-2014 plus de 400 logements à très haute performance énergétique (moins de 40 kWh/m2.an et neutralité carbone). L’appel d’offres promoteur-concepteur-constructeur permettra des approches différenciées, et il n’est clairement pas souhaité ici de réaliser un autre BedZED, même si le système RuralZED, qui peut être combiné en maison en bandes ou petits collectifs et largement adapté au site, permettrait de réaliser l’ensemble du quartier. Le niveau d’exigence de l’écoquartier paraît sensiblement au-delà des exemples français. Il est ainsi prévu un réseau de chaleur alimenté en cogénération par une centrale de biométhanisation, la fourniture en base dans les logements de l’ensemble du gros électroménager classe A ou le renforcement des corridors biologiques le long des watergangs. La gestion alternative des eaux de pluies est ici fondamentale dans un site de polder, où l’eau affleure partout. Des parcelles seront réservées à l’habitat coopératif. Enfin le quartier sera sans voitures, le stationnement étant concentré dans deux parkings silos en limite de quartier et le réseau de transports en commun étant adapté et renforcé. Le maillage des trames vertes et bleues ou des transports s’étendra au reste de la ville, l’écoquartier étant le ferment d’une mutation urbaine de Grande-Synthe, voir de la communauté urbaine de Dunkerque.
Apparaît ici de manière frappante une articulation parfaite des enjeux du développement durable à toutes les échelles et au niveau d’exigence le plus élevé, du composant industriel à l’agglomération en passant par le bâtiment et le quartier. Loin de se résumer à un système particulièrement ingénieux, et potentiellement proliférant, RuralZED, par la cohérence de ses ambitions environnementales, peut ainsi servir à la fois de vitrine, de laboratoire, de référence à égaler, voir à dépasser. Une dynamique de cercle vertueux qui pourrait bien faire, dans les prochaines années, de l’écoquartier de Grande-Synthe le théâtre d’une émulation stimulante et bénéfique.
www.ruralZED.com
consommation : Nous considérons pour les données ci-dessous : quatre personnes vivant dans la maison.
performances energetiques : 27 kWh/m2/an
production electrique : Environ 3 000 kWh/an
depense estimee pour la biomasse (chauffage et eau chaude sanitaire) : granules de bois : 300 € /an
surface de la maison : 105 m2
cout des materiaux : 150 000 € (incluant matériaux, fondations sur sol « normal », sanitaires, cuisine, électroménager, poêle à granules, tous les équipements énergétiques…)
cout de la construction plomberie et electricite : 60 000 € .
cout total : 210 000 € ne comprenant pas la viabilisation, certification de la maison, transport. entreprises : AEST sarl - plomberie ; Mouton Leroy électricité; Vuylsteker et fils, gros œuvre.






