Un marché en recul continu, des segments à développer
Avec un recul d’activité de près de 10 % en deux ans, le négoce de bois et dérivés subit de plein fouet la crise du bâtiment. Si aucun marché n’est épargné, les difficultés se concentrent sur la construction neuve, notamment pour les bois de charpente. Le bois conserve malgré tout une certaine dynamique sur le marché. La dernière enquête nationale de la construction bois met en avant une hausse de part de marché de la maison individuelle bois, qui représente aujourd’hui 12 % du parc neuf avec des pointes à 19,6 % dans le Grand Est et 18,5 % en Rhône-Alpes, et une large prédominance de l’ossature bois (73 %). Le bois construction est notamment très bien placé pour les extensions et rénovations, un segment où sa part de marché nationale atteint 18 %. L’émergence du bois construction n’est cependant pas sans poser quelques questions au négoce. Les bois utilisés viennent à 36 % des réseaux de distribution, le reste se dispatchant entre les scieries françaises (39 %) et les scieries étrangères en direct (25 %). Un autre marché prometteur concerne la rénovation thermique et particulièrement l’ITE (voir encadré). « Les produits d’isolation et de bardage ont bien fonctionné en 2013, indique Philippe Rullier, adhérent Nebopan. On constate notamment l’émergence des systèmes réunissant l’ensemble des produits nécessaires à un chantier. » L’association Le Commerce du Bois organise en 2014 deux campagnes sur le thème de la performance énergétique, la première plus axée sur les travaux d’extérieur (ITE, bardages, surélévation) et la seconde sur les travaux d’intérieur (aménagement des combles, isolation) afin d’aider les 250 points de vente Experts Relais Bois dans leur argumentaire commercial et technique. Les industriels cherchent de leur côté à structurer les poseurs, comme Metsä Wood avec son réseau Ceticombles, ou Gascogne avec son tout nouveau club Hylor sur l’aménagement extérieur (bardage, ITE et terrasse).
Des clients sous forte tension
A-t-on atteint un point bas ? Pour la plupart des négociants interrogés, les carnets de commandes de la clientèle n’excèdent pas six à huit semaines. Après cinq années de crise, les trésoreries souffrent et les professionnels du bois n’échappent pas à la hausse des défaillances d’entreprises constatées dans le bâtiment (+ 2 % en 2013, tous corps d’état confondus). La situation est particulièrement difficile pour les menuisiers, avec une augmentation de 10 % des dépôts de bilan l’an dernier, selon la dernière étude du cabinet Altares. Mais les défaillances ne sont pas les seuls effets de la crise. En mal d’activité, de plus en plus d’entreprises générales s’attaquent à des chantiers jusque-là trustés par des artisans spécialistes, particulièrement en agencement et en menuiserie. « On voit des clients se spécialiser uniquement dans la pose, ce qui nous impose un accompagnement commercial spécifique et une offre de produits de plus en plus finis », résume Claude Penel, responsable de l’enseigne Gedibois. Cette tendance semble valider la direction prise par le négoce ces dernières années, consistant à s’équiper massivement en capacités d’usinage pour retrouver de la valeur ajoutée et offrir du service aux artisans face aux contraintes réglementaires croissantes (marquage CE, normes d’hygiène et de sécurité). Mais outre les coûts engendrés, la généralisation des ateliers en point de vente bute parfois sur les intérêts des entreprises spécialistes les plus structurées. « En période de développement, il peut être intéressant de s’appuyer sur un service d’usinage. Mais aujourd’hui, la priorité est d’optimiser nos propres équipements ainsi que le temps de travail de nos équipes, via le travail en atelier », pointe Jean-Marc Desmedt, président de l’union Charpente Menuiserie Agencement de la Capeb (voir aussi page 42).
Une filière qui cherche à se réinventer
Annoncée pour cet été, la conclusion d’un plan « Industries du bois » dans le cadre de la Nouvelle France industrielle vise à répondre à plusieurs objectifs : faciliter l’accès à la ressource forestière, replacer la valeur ajoutée en France et élargir le champ de la construction bois. L’une des priorités est de stopper l’hémorragie de grumes exportées, transformées à l’étranger et réintroduites sur le marché français. A elle seule, la Chine a acheté 350 000 mètres cubes de feuillus en 2013 ainsi que 200 000 mètres cubes de résineux - un chiffre qui a doublé par rapport à 2012 (source FNB). Ces exportations tirent la hausse des prix du bois, estimée à 15 % en 2013 par l’interprofessionnelle France Bois Forêt. Le plan « Industries du bois » devrait inclure un Fonds bois, soutenu par la Banque publique d’investissement et dédié aux industries de première et deuxième transformation, ainsi que la création de clusters autour des acteurs performants afin de mieux répondre à la demande croissante de produits techniques (contrecollés, lamellés-collés, bois composites…). En aval, l’objectif est de trouver de nouveaux débouchés pour la construction bois. L’une des pistes est la construction en hauteur : jusqu’à treize étages pour les bâtiments tertiaires, dix étages pour les immeubles d’habitation. Les promoteurs du plan « Industries du bois » annoncent une phase de test dans les deux années à venir afin de définir les systèmes constructifs performants, dans une logique d’industrialisation et de standardisation de l’offre, avant l’arrivée des premières réalisations d’ici à 2017. Reste à voir quelle place la distribution spécialisée pourrait prendre dans ces projets.


