TVA sur marge : l'étonnante obstination de Bercy

Marchands de biens -

L'exigence d'une condition supplémentaire à celle prévue par la loi est maintenue malgré l'opposition de certaines juridictions.

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Depuis quelques années, le ministère de l'Economie et des Finances tente de restreindre l'accès des marchands de biens immobiliers à la TVA sur marge. Malgré de cuisantes déconvenues jurisprudentielles, l'administration fiscale persiste… et signe une nouvelle réponse ministérielle.

Dans sa réponse du 24 septembre 2019 au député Olivier Falorni (1), le gouvernement réitère ainsi sa position déjà exprimée en 2018 (2). Selon Bercy, la TVA sur marge s'applique aux opérations d'achat-revente portant sur un bien dont l'identité juridique n'a pas changé entre l'achat et la revente. En d'autres termes, un terrain bâti acquis en vue de la démolition de son immeuble puis de sa revente en tant que « terrain à bâtir » ne peut pas bénéficier de la TVA sur marge, alors même que l'acquisition du terrain bâti n'aurait pas été réalisée en TVA immobilière et n'aurait donc pas ouvert droit à déduction chez l'acheteur-revendeur.

Pour rappel, la TVA est en principe assise sur la valeur totale des livraisons réalisées par les professionnels de l'immobilier. Par exception, le régime de la TVA sur marge leur permet d'asseoir la taxe sur une assiette restreinte égale à la différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition du bien.

Ce régime concerne particulièrement les marchands de biens. Il s'applique exclusivement aux cessions de terrains à bâtir et d'immeubles achevés depuis plus de cinq ans, en cas d'option pour l'assujettissement de la cession à la TVA dans ce dernier cas. Le cédant peut appliquer la TVA sur la seule marge qu'il réalise (et non sur le prix de cession), l'unique condition exigée par la loi étant que l'acquisition du bien n'ait pas ouvert droit à déduction de la TVA ().

En 2016, à l'occasion de plusieurs réponses ministérielles, Bercy avait restreint l'accès au régime en ajoutant deux autres conditions : le bien revendu devait être identique au bien acquis quant à sa qualification juridique et quant à ses caractéristiques physiques. Cette dernière exigence avait conduit à des situations ubuesques : l'administration fiscale refusait, par exemple, qu'un terrain acquis pour être divisé et revendu par lots puisse bénéficier de la TVA sur marge, sauf si la division était antérieure à l'acquisition ou si un document d'arpentage identifiant les lots était établi préalablement à l'achat par le marchand de biens.

Maintien de la condition d'identité juridique. Les tribunaux saisis de la question ont fermement condamné cette doctrine, en considérant que seule la condition légale tenant à l'absence d'ouverture du droit à déduction lors de l'acquisition du bien devait être satisfaite ( ; ). Face à cette fronde des juridictions, le critère de l'identité des caractéristiques physiques du bien a finalement été abandonné par l'administration fiscale en 2018 par la réponse ministérielle précitée. Toutefois, le critère d'identité juridique du bien demeure.

Les juridictions d'appel saisies de la question ont toutes débouté les services fiscaux. Dernière en date, une décision rendue en août () a statué sur le cas d'un marchand de biens qui avait acquis un chalet aussitôt démoli et en partie reconstruit ; le chalet avait été revendu en cours de reconstruction l'année suivant celle de son achat sous le régime de la TVA sur marge. L'administration estimait qu'après sa démolition, l'ancien chalet était devenu un terrain à bâtir et n'avait donc plus la même qualification juridique que lors de son acquisition. Cet argument a été écarté par la cour : « La circonstance que les caractéristiques physiques et la qualification juridique du bien acheté ont été modifiées avant la cession ne saurait par elle-même faire obstacle à l'application du régime de TVA sur la marge. »

A ce jour, la condition relative à l'identité de qualification juridique, toujours exigée par l'administration fiscale, reste un obstacle majeur à certaines opérations immobilières. Malgré la position unanime des juges exprimée contre elle, l'administration maintient cette condition. Mais la loi est la loi ; têtue, elle aussi.

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