Trois ans dans la peau d'un intérimaire du BTP

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A l'heure où les entreprises du bâtiment déplorent une pénurie chronique de main d'œuvre, où les initiatives pour séduire les jeunes se multiplient, où le management de l'égalité des chances est mis sur le devant de la scène et où la sécurité devient "l'affaire de tous", le sociologue Nicolas Jounin livre dans "Chantier interdit au public, enquête parmi les travailleurs du bâtiment*" une lecture abrupte du quotidien des chantiers.

Lire aussi l'interview de Nicolas Jounin

Le jeune chercheur au laboratoire Urmis (unité de recherches migrations et société) s'est glissé trois ans - de 2001 à 2004 - dans la peau d'un intérimaire des chantiers de gros oeuvre parisien. D'abord manœuvre puis ferrailleur, il relate un vécu âpre, une immersion parfois brutale avec un quotidien teinté de précarité, de discrimination, de cet humour raciste "assez plaisant pour être objet de rires et assez ambigu pour être porteur de sens". Les nombreux témoignages qui étayent l'analyse de l'auteur - ouvriers, chefs de chantier, conducteurs des travaux, commerciaux d'agence d'intérim, responsables de ressources humaines…- illustrent les contradictions de la profession : pénibilité du métier, pratiques illégales d'employeurs, dispositions sécuritaires sacrifiées sur l'autel du rendement... S'il n'a pas la prétention de décrire le quotidien de tous les chantiers de France (nous sommes bien dans le "gros oeuvre parisien"), l'auteur, en se plaçant au bas de l'échelle sociale et au sommet de celle de la précarité, décrypte au fil des pages les mécanismes qui conduisent à l' "ethnicisation des tâches" (correspondance entre poste et origine ethnique) et souligne les dissonances entre travail intérimaire et sécurité.

Certes, les problèmes soulevés par Nicolas Jounin ne sont pas nouveaux. Pour certains d'entre eux, comme la pénurie de main d'oeuvre, ils sont même récurrents. Et l'auteur ne prétend pas avoir de solutions clés en main qui permettrait au secteur de chasser ses vieux démons. Néanmoins, si l'on veut bien aborder cette enquête, non pas comme un énième procès des pratiques du BTP mais comme un éclairage cru de la réalité, il en ressort, et cela n'étonnera personne, que la profession ne pourra progresser sans l'implication de tous les acteurs. Et pas uniquement des entreprises.

Julien Beideler

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