Vous avez été élu « à l'unanimité ». Ne s'agit-il pas plutôt d'une cooptation ?
Absolument ! C'est traditionnellement de cette façon que les choses se passent, et la cooptation est un gage de continuité.
Quelles sont vos priorités en arrivant à la présidence du syndicat ?
Je m'assurerai que les liens internes ne seront pas distendus, sans pour autant modifier des structures que j'estime adaptées à leur usage. Je suis par ailleurs favorable à la coordination avec les autres organisations professionnelles, quand cela est nécessaire. J'entretiens, par exemple, d'excellentes relations avec le président de la FNB, Alain Sionneau. Je me glisse donc dans les pantoufles de mon prédécesseur, dans un état d'esprit d'ouverture et d'écoute.
Reprenez-vous à votre compte les slogans de Philippe Levaux ?
Bien sûr ! Un pays qui ne s'équipe plus est mort ! Or, nous avons la fâcheuse habitude, en France, de nous croire les meilleurs, et les mieux équipés. La réalité, c'est que nous avons le plus beau réseau de chemins vicinaux du monde ! Je ne comprends pas, par exemple, pourquoi l'autoroute du Nord ne passe pas à deux fois cinq voies.
En Europe, pourtant, nous ne sommes pas les plus mal lotis ?
Nous sommes loins d'être les meilleurs. En réalité, nous devrions nous inspirer des Américains, qui, eux, disposent d'infrastructures développées. Le monde moderne nous oblige à être beaucoup plus international aujourd'hui.
Comptez-vous jouer un rôle de conseil aux entreprises, pour l'adoption de l'euro ?
L'introduction de la monnaie unique ne modifie pas grand chose pour nous. Les entreprises seront rémunérées en euros au lieu des francs, ce n'est pas très compliqué ! Si l'euro permettra de travailler plus loin, et plus aisément, j'attends aussi de l'Europe qu'elle rende les Français plus modestes, comme elle pourrait rendre les Italiens plus rigoureux, ou les Allemands plus fantaisistes.
Que pensez-vous des orientations du gouvernement de Lionel Jospin ?
Je ne suis pas inquiet, dans la mesure où les décisions sont prises par des politiques, dont le pouvoir est soumis au suffrage universel. Tout peut changer très vite. Je vais cependant faire surveiller la liste des 10 000 projets publiée l'an passé, car je crois que nous devons développer une politique de l'offre, c'est-à-dire débusquer les besoins là où ils sont. Les projets doivent être structurés et non mis en concurrence. Ainsi, le rail n'est pas systématiquement l'ennemi de la route !
Approuvez-vous les grandes lignes de la réforme du financement des infrastructures qui se dessine ?
Je pense qu'on peut faire appel à l'usager autant qu'au contribuable, et qu'il faut surtout éviter le monopole de tel ou tel. Je m'oppose à la confiscation de l'intérêt public par un unique intérêt privé, mais je relève que sans notre système de péage, notre réseau ne serait pas ce qu'il est. L'important est de ne pas détourner de leur usage les fonds versés par l'usager, et donc laisser à chaque secteur sa galette, en vérifiant qu'elle est convenablement utilisée. D'une manière générale, je prône des solutions simples, car derrière les décisions politiques il y a des individus.
Quelle est justement votre position sur le projet de loi sur les 35 heures ?
Le sujet est abordé de manière trop émotionnelle. Il convient d'abord d'indiquer ce que l'on entend par « 35 heures » : s'agit-il d'heures de présence sur son lieu de travail, du temps qui s'écoule hors de son domicile, du temps effectivement consacré au travail ? L'un des problèmes de la réforme est qu'elle ne traite pas le problème des heures supplémentaires, et leur coût trop élevé fait exploser l'intérim. Tout le monde sait que 35 heures payées 39 revient à augmenter de 11,4 % les salaires.
Quelles solutions voyez-vous pour les travaux publics ?
Nous avons besoin d'un système de travail annuel, en raison notamment de la saisonnalité de nos métiers. Je crois aussi qu'il faut permettre à des gens qui ont travaillé durement sur les chantiers de partir plus tôt à la retraite, et la profession peut y aider, comme elle l'a fait en son temps par les systèmes d'aide au retour pour les immigrés.
Le syndicat a-t-il un rôle à jouer pour la formation permanente ?
Voilà un sujet qui me préoccupe. Grâce à l'annualisation du temps de travail précisément, la question du salaire et des charges du salarié en formation sont résolues ipso facto, car les plages de congés supplémentaires dégagées peuvent être valorisées, à salaire constant. A charge aux entreprises de proposer des « menus » de formations permanentes. Il faut donc travailler mieux, et cesser d'identifier travail et présence dans l'entreprise.
Les jeunes doivent-ils faire l'objet d'un traitement spécial ?
Un entrepreneur embauche quand il a du travail. Ce qui l'intéresse, c'est d'optimiser la tâche et la compétence, quel que soit l'âge du candidat. Je me méfie par conséquent des incantations en matière d'emploi des jeunes, bien que j'y sois sensible ; et je connais bien le problème, à travers mes responsabilités à l'Ecole d'application d'Egletons, et dans plusieurs IUT et écoles d'ingénieurs.
DANIEL TARDY
Un homme du sérail
« La réalité, c'est que nous avons le plus beau réseau de chemins vicinaux du monde ! »
« Nous avons besoin d'un système de travail annuel, en raison notamment de la saisonnalité de nos métiers. »