Un rapport de l'Inspection générale de l'administration (IGA) et de l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD) publié en octobre dresse le bilan du dispositif réglementaire permettant au préfet de déroger aux normes, notamment dans le champ de la transition écologique. Expérimenté en 2017, puis généralisé par un décret du 8 avril 2020, ce mécanisme permet au représentant de l'Etat de prendre des décisions individuelles qui écartent les prescriptions des normes arrêtées par l'administration étatique.
Pour les rapporteurs, il constitue une « souplesse locale utile ». Mais, le préfet étant le garant de l'intérêt général, il « ne peut pas déroger à tout ». Les dérogations ne peuvent en effet intervenir « que dans un cadre contraint » prenant en compte notamment la sécurité des personnes et des biens ainsi que le nécessaire respect des lois.
Conséquence : après quatre ans d'existence pérenne, le dispositif présente un « bilan mitigé » avec 543 arrêtés recensés en février 2024. L'utilisation limitée du pouvoir de dérogation dans le champ de la transition écologique s'explique entre autres par « la complexité du droit de l'environnement qui constitue un obstacle majeur ». En outre, de nombreuses procédures relèvent du niveau législatif et/ou européen - comme celles d'autorisation environnementale - et ne permettent pas au préfet de s'en affranchir.
Impossibilité structurelle. Dans ce contexte, un usage plus massif de ce pouvoir semble alors être « voué à l'échec, non pas tant par manque de volonté que par impossibilité structurelle, pour les préfets, d'en user plus », estime la mission conjointe. Le rapport met en garde contre la « banalisation » de ce dispositif qui « jetterait le discrédit sur la norme ». Celui-ci « ne saurait être l'alpha et l'oméga d'une politique de facilitation et de simplification, dont les conditions de réussite dépendent de nombreux autres facteurs plus importants : action du législateur, degré de précision de la norme, effectifs dans les services d'instruction, etc. ».
Néanmoins, afin de poursuivre l'objectif de faciliter l'adaptation de la norme aux spécificités locales, le rapport propose plusieurs pistes, notamment celle de transformer en faculté la saisine, par le préfet, de l'administration centrale « dans une logique de responsabilisation de l'échelon départemental ». Sur ce point, le Premier ministre Michel Barnier semble avoir suivi les recommandations de la mission et même être allé au-delà puisque, dans une instruction publiée le 31 octobre visant à débloquer les projets locaux, il supprime purement et simplement les formalités d'information préalable des préfets de région et de saisine préalable de l'administration centrale, posées par la circulaire du 6 août 2020.