Interview

« Tous nos métiers sont en progression », René Simon, président du directoire de Demathieu Bard

Construction -

Le président de Demathieu Bard se félicite des diversifications, toujours en cours, du groupe lorrain fondé il y a 160 ans.

 

Réservé aux abonnés
Image d'illustration de l'article
René Simon, président du directoire de Demathieu Bard

Comment avez-vous traversé les crises successives depuis un an et demi ?

L'année 2020 a révélé notre capacité à résister malgré la crise. Le repli a été brutal, mais le redémarrage a été tout aussi dynamique. Nous nous sommes projetés dans la reprise du travail au bout de quelques jours ! Notre groupe fête cette année ses 160 ans, il est résilient. Nous avons sécurisé notre situation financière : pour parer à toute éventualité, toutes les lignes à notre disposition ont été mobilisées. Nous avons fait appel à un prêt garanti par l'Etat (PGE) dont nous avons d'ores et déjà remboursé 90 % ; nous gardons à dessein 10 % afin d'accompagner sereinement la reprise d'activité.

Au premier semestre 2021, le groupe affiche une nette croissance par rapport à 2019, et la perspective de chiffre d'affaires pour l'ensemble de l'année s'établit entre 1,7 et 1,8 milliard d'euros, contre 1,6 milliard il y a deux ans.

Nous sommes en progression sur tous nos métiers : bâtiment, génie civil, immobilier… En particulier, nous avons renforcé notre positionnement dans les travaux souterrains et l'énergie.

La hausse du prix des matières premières assombrit-elle vos perspectives ?

Nous abordons la pénurie de certains matériaux avec sérénité car nos activités se situent sur un horizon de dix-huit à trente-six mois. Cela conforte notre approche d'une vision sur un temps long, refusant de suivre un mouvement court-termiste. En revanche, n'oublions pas d'autres événements : les élections municipales, puis départementales et régionales. Leur impact a été sensible sur la diminution du nombre de permis de construire délivrés, dans les grandes métropoles en particulier. Cela n'y empêche pas un dynamisme, mais recalibré. Nous constatons cependant que le problème ne se pose pas dans les villes moyennes, où nous sommes présents. Nous tirons les fruits de notre développement sur ces marchés. Nous y avons mené des opérations comme la requalification du centre de Dieppe (Seine-Maritime), « Dauphine » à Dijon (Côte-d'Or) ou un programme au centre d'Arcachon (Gironde).

Quel est le sens de votre remontée dans la chaîne de construction, qui s'est traduite notamment par l'importance croissante de la branche immobilier ?

Elle nous donne une certaine indépendance vis-à-vis de clients extérieurs. Ainsi, la majorité des opérations de Demathieu Bard Immobilier est confiée à la branche construction. L'immobilier confirme son statut de fer de lance dans notre croissance. La filiale produit désormais quelque 1 500 logements chaque année, dont 60 % pour les investisseurs, l'appétit pour ce type de produits restant très fort. Suite à sa prise de participation récente dans la société de promotion nantaise Aethica, le périmètre d'activité de Demathieu Bard Immobilier approche les 400 M€, dont 40 M€ au Luxembourg. Il devrait vraisemblablement dépasser les 500 M€ d'ici à 2025.

L'évolution récente du marché immobilier constitue-t-elle un motif d'inquiétude ?

Pas vraiment. D'une part, le tertiaire n'est pas notre marché majeur en immobilier. En résidentiel, les habitudes changent très vite mais nous avons les moyens d'y répondre. Le concept Evoluvie que nous avons acquis il y a quelques années s'est avéré être du « pain bénit » pour le télétravail : il consiste à détacher une pièce sans requérir de grands travaux, pour recomposer par exemple un T4 en un T3 et un T1.

La conception-réalisation-exploitation-maintenance monte en puissance dans votre groupe. Comment vous positionnez-vous sur les deux derniers termes du concept, plus nouveaux pour vous ?

L'exploitation-maintenance, dans sa dimension des lots techniques et de la performance énergétique, nous intéresse très fortement et elle prend son envol. Elle représentait 0 euro il y a trois ans, elle se situe désormais à 20 M€ et emploie quelque 150 collaborateurs. Nous assurons la maintenance de 40 000 logements. La direction de l'innovation créée il y a deux ans se dédie en particulier à ce thème que nous avions déjà commencé à investir sur de gros chantiers au Luxembourg. Nous le déployons progressivement en France, par exemple dans un data center à La Courneuve (Seine-Saint-Denis), ou encore désormais dans le logement social. Il s'agit d'aller bien au-delà de la maintenance classique. L'enjeu est de faire en sorte qu'une fois installée, une offre respecte la performance énergétique annoncée. Nous incluons ce service de performance dans nos réponses aux consultations.

Comptez-vous progresser dans cette activité par de la croissance externe ?

Oui, nous entamons des discussions avec un certain nombre d'acteurs. Ce qui nous intéresse, ce sont les métiers de corps d'état techniques intégrant cette dimension « performantielle ».

« L'enjeu est de faire en sorte qu'une fois installée, une offre respecte la performance énergétique annoncée. »

Votre culture est très orientée vers le béton. Comment abordez-vous la prochaine entrée en vigueur de la RE 2020 ?

Je ne crois pas à la réponse du tout béton, tout acier ou tout bois. Les solutions seront mixtes. Je dresse volontiers le parallèle avec l'industrie automobile : elle ne peut pas passer du tout thermique au tout électrique.

Dans la construction, la réponse repose sur des partenariats. Le bois, c'est un autre métier ; nous avons donc noué de très bons accords avec des acteurs importants. Il fait beaucoup parler de lui, mais rien ne dit que le monde de l'acier ne sera pas en mesure de trouver des solutions bas carbone susceptibles de percer significativement. Nous mettons par ailleurs en application d'autres matériaux biosourcés avec des prestataires, comme le béton de chanvre dans un collège à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) ou l'isolation en laine de chanvre dans une résidence de 350 chambres à Lyon (Rhône).

Mais vous ne délaissez pas le béton…

… et nous sommes pleinement impliqués dans sa quête du bas carbone. Nous revendiquons d'ailleurs une longueur d'avance, par l'appui en particulier de nos usines de préfabrication en Champagne-Ardenne - les filiales Capremib et Cibetec - qui constituent des références. Nous y avons par exemple développé des écrans antibruit bas carbone, qui sont une exclusivité. Et nous avons conclu un partenariat avec Hoffmann pour le ciment bas carbone.

Quelles sont vos clés pour attirer des talents et les conserver ?

Nous favorisons l'émergence de l'actionnariat des salariés, au moyen notamment de deux fonds communs de placement dédiés, si bien que le personnel détient 5 % du capital, le reste se répartissant entre les managers (35 %), les fonds d'investissement ayant une vision de long terme (20 %) et les actionnaires historiques (40 %). Associer nos collaborateurs à notre développement assure notre indépendance et notre pérennité. Ensuite, nous avons consacré un accord d'entreprise à la qualité de vie au travail. Ce texte, signé en 2019, intègre l'égalité entre les hommes et les femmes.

Ces dernières représentent près de 20 % de nos 3 900 salariés et elles gagnent en responsabilité. Par ailleurs, le budget formation mobilise chaque année 3 à 4 % de la masse salariale. Tout cela crée une atmosphère de travail favorable et, à partir de là, nous pouvons tabler sur une forte attractivité et une fidélité certaine. Nos enquêtes internes montrent un taux d'attachement à l'entreprise de 85 % et un taux de recommandation identique. Notre modèle, où le risque est maîtrisé et où l'engagement et la responsabilité sont collégiaux, fonctionne : nous ne confions pas les clés du camion au nouvel arrivé, mais nous l'accompagnons à toutes les étapes dans sa prise de responsabilité au sein de l'entreprise.

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !