Un "score environnemental" de 76 sur 100 pour la France, contre une moyenne européenne et mondiale de 70 : 34 fonds immobiliers hexagonaux représentant 188 milliards d’euros d’actifs s’affichent au tableau d’honneur de l’étude sur l'immobilier durable de Global Real Estate Sustainability Benchmark (Gresb), présentée le 1er décembre par son partenaire français, l’observatoire de l’immobilier durable (OID).
En réduisant les panels aux seuls opérateurs cotés en bourse, l’Hexagone creuse encore plus l’écart avec 87 points, face à des moyennes européenne et mondiale de 71 : « Un grand bond en avant », commente Loïs Moulas, directeur général de l’OID.
Résonnance européenne
La consultation lancée jusqu’à la mi-décembre sur la taxonomie verte européenne donne un éclairage inédit sur l’impact de l’étude du Gresb. Les scores environnementaux de l’immobilier produits par l’organisme international basé à Amsterdam entrent en résonance avec l’outil de mesure que l’Union européenne devrait adopter en 2021 pour tracer sa trajectoire vers la neutralité carbone.
Ce contexte communautaire prolonge une tendance observée dans de nombreux pays membres : partout en Europe, les réglementations vertes de l’immobilier se durcissent, comme en témoigne en France le décret tertiaire ou la réglementation environnementale 2020. La poussée réglementaire converge avec la pression du marché : « Nos sujets intéressent de plus en plus les investisseurs. Réjouissons-nous ! », triomphe Loïs Moulas.
Hommage au droit français
Selon le directeur général de l’OID, les bons scores enregistrés par les opérateurs français s’expliquent en partie par l’évolution du cadre légal : les données environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) demandées par le Gresb correspondent aux obligations de transparence fixées notamment par la loi Pacte.
L’improbable convergence entre la culture anglo-saxonne du benchmarking et le juridisme latin s’est renforcée en 2020, avec l’affinage de la granulométrie de l’enquête menée chaque année entre avril et juillet : alors qu’il se contentait autrefois de données agrégées, le Gresb exige désormais les détails de chaque actif. Grâce à une réglementation nationale exigeante, les Français peuvent aisément s’illustrer par la disponibilité des données sur les émissions de déchets ou de gaz à effet de serre, les consommations d’eau ou d’énergie.
Investisseurs gourmands
« Au départ, l’appétit pour le Gresb est venu des investisseurs institutionnels étrangers. L’article 173 de la loi de transition énergétique (ndlr : incitation des investisseurs à s’engager pour le développement durable) amène désormais les français », constate d’ailleurs Sandrine Lafont Ceyral, responsable Asset Management chez Amundi Immobilier.
Egalement présent dans le Gresb à travers deux fonds majeurs, Swiss Life Asset Managers France applaudit ce « très bel outil" d’évaluation de sa propre politique : "ceux qui s’initient y découvriront un prêt-à-penser qui économise une longue maturation. De notre côté, nous y avons trouvé la confirmation de notre propre appréhension des ESG », récapitule Henri Rémond, son directeur ESG.
Marges de progrès
Illustrée par une croissance de 22 % des actifs analysés entre 2019 et 2020, soit 1200 entités totalisant 4 800 milliards de dollars, la position forte détenue par le Gresb, sur le front de la communication environnementale immobilière, n’interdit pas les questionnements. « Faute de questionnaires par classe d’actifs, la comparabilité avec les tiers me laisse perplexe », signale Henri Rémond avant d’interroger :
« Comment une politique de modération des loyers impacte-t-elle la notation ? Peut-on appliquer les mêmes ESG aux appartements de luxe et au logement social » ? L’esprit critique du directeur ESG de Swiss Life Asset Managers France s’exerce aussi sur les utilisations abusives de la référence au Gresb : « Certains revendiquent des pratiques vertueuses par leur seule adhésion, quels que soient leurs résultats »…
Le Gresb en questions
D’autres questions concernent l’organisme néerlandais, « filiale de l’entreprise américaine sans but lucratif Green Business Certification Inc. », selon son site : « Qui détient les data précieuses et détaillées que nous fournissons ? Quelle gouvernance et quelle indépendance encadre le Gresb ? », interroge Sandrine Lafont Ceyral.
Greenwashing ou engagements vertueux ? Les témoins convoqués par l’OID le 1er décembre ont en tout cas démontré l’exigence intellectuelle partagée par nombre d’acteurs immobiliers de la finance verte.