Les comptes des entreprises continuent à se dégrader. Partenaire des clubs Excellence organisés autour des sept bureaux régionaux du Moniteur, BTP Banque dresse un tableau morose, par la voix de son directeur alsacien Bernard Steffner : parmi les 5000 entreprises du secteur suivies dans son étude annuelle, la banque observe un doublement des pertes d’exploitation et un renforcement des besoins en fonds de roulement. « Les fournisseurs parviennent à obtenir des paiements plus rapides, alors que les délais des donneurs d’ordre s’allongent », constate Benard Steffner.
En Alsace, les conséquences les plus dramatiques concernent le Haut-Rhin, où la banque enregistre un dépôt de bilan par mois depuis le début de l’année, y compris parmi des entreprises de taille significative, comme le montre l’exemple récent de l’entreprise de plomberie Brumer, qui emploie 40 salariés pour 5 millions d’euros de chiffre d’affaires.
L’entreprise générale divise
Suggérée par BTP Banque et suivie par plusieurs PME de taille moyenne dans la foulée des majors, la piste de l’entreprise générale ne fait de loin pas l’unanimité : « Devons-nous accepter de nous laisser brouter la laine sur le dos sans broncher, comme des agneaux qui vont à l’abattoir ?», s’insurge Jean-Philippe Meyer, président de la corporation des partons ferblantiers et installateurs sanitaires du Bas-Rhin. « Faut-il reporter la problématique des gros sur les petits ?», interroge de son côté Michel Sexauer, P-DG de Scoprobat, spécialiste des finitions. Michel Heintz, président du groupe d’entreprises de TP Zénith, a recueilli l’approbation de nombre d’entrepreneurs autour d’une définition : « Gérer la sous-traitance ne définit pas une entreprise. Cette notion suppose la réunion de personnel, de matériels et de fournitures ». Aux collectivités publiques et à leurs satellites, Michel Heintz rappelle leur responsabilité dans le recours croissant à l’entreprise générale, en contradiction avec l’esprit du code des marchés publics, mais aussi dans les effets de stop and go. Et de proposer sur ce point que les conseils municipaux soient à l'avenir renouvelés par tiers, comme le sont actuellement les conseils départementaux, afin de ne pas faire pâtir la commande publique du rythme brutal des alternances politiques.
Prévention contre hyperprotection
Lancée autour d’une analyse financière, le débat s’est rapidement focalisé sur les facteurs humains, à commencer par la santé et la sécurité au travail : « Les risques professionnels coûtent 50 à 60 millions d’euros par an au BTP d’Alsace Moselle. Transporter des baignoires à dos d’homme, ce n’est pas bon pour l’économie », plaide Jacques Balzer pour la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail, relayé par Hélène Schwab pour l’Office professionnel de prévention du BTP : fidèles membres des jurys des prix Moniteur de la construction dans l’Est, tous deux démontrent régulièrement la convergence entre performance sociale et économique. « Il faut faire la chasse aux faux accidents du travail », répond Georges Lingenheld, président de l’entreprise éponyme, tandis que Michel Heintz dénonce les abus de « l’hyperprotection ».
Esprit d’équipe
L’autre facteur humain mis en lumière par le débat du club Excellence de l’Est concerne la gouvernance des entreprises : un thème soulevé par le président de Scoprobat, et illustré par Christian Vanson, P-DG de l’entreprise d’électricité vosgienne Ceeri, lauréate nationale des prix moniteur de la construction en 2013, dans la catégorie « Equipement technique du bâtiment ». Avec plus de la moitié d’actionnaires parmi ses 40 salariés, la PME de Saulxures-sur-Moselotte a cultivé l’esprit d’équipe qui lui a permis de traverser sans encombre les mutations industrielles de son territoire, au prix d’un renouvellement permanent de son savoir-faire technique et de sa clientèle.
Suggéré par BTP Banque, ce thème de la capacité collective à se remettre en cause a inspiré les interventions de Christophe Mutschler, directeur régional de KPMG, autre partenaire des prix Moniteur de la construction. « Avec son pôle de compétitivité Energivie, l’Alsace présente un terrain favorable à l’innovation dans le bâtiment, dans un environnement international porteur pour le monde de la construction », plaide-t-il. Président de la fédération du BTP du département du Haut-Rhin, Pierre Macchi abonde dans son sens : l’offre industrielle pour constructions passives, qu’il développe avec la coopérative de gros œuvre Mader, basée à Guebwiller (et lauréate nationale des prix Moniteur de la construction en 2010, dans la catégorie Gros œuvre) intéresse la Suisse, l’Afrique du sud et le Congo. « Il faut sortir des sentiers battus », résume le maçon. Message reçu cinq sur cinq au club Excellence.