« On lui reproche d’être trop riche, mal géré et pas efficace ». La présidente de la commission des affaires économiques du Sénat a ouvert l’audition de Bruno Arcadipane, président d’Action Logement, en relayant les principales critiques formulées par les détracteurs du groupe paritaire. Mais sans les prendre à son compte. « Nous sommes hostiles à la liquidation d’un patrimoine commun, a-t-elle prévenu. Dans l’industrie, Action Logement serait considéré comme un fleuron de l’économie, et Bruno Le Maire le défendrait. »
Le groupe Action Logement est en effet sous le coup de nombreuses critiques, tellement nombreuses que le gouvernement veut engager sa réforme. Et surtout, revoir l’utilisation de sa principale ressource : la participation des employeurs à l’effort de construction (Peec), assise sur la masse salariale annuelle (0,45%) des entreprises de plus de 50 salariés. « Le groupe Action Logement entre dans le dur des négociations avec le gouvernement, notamment sur sa ressource. Ces négociations doivent déboucher sur une loi. Nous regardons le calendrier législatif avec quelques interrogations », alerte Sophie Primas.
La Peec doit financer le Logement
Les inquiétudes des sénateurs étaient nombreuses sur la préservation de la Peec. Valérie Létard s’est par exemple interrogée sur la volonté du Medef de « revenir à l’ADN d’Action Logement », selon les termes utilisés par le patron des patrons Geoffroy Roux de Bézieux. « S’agit-il d’affecter les ressources de la Peec vers les politiques publiques ? ». Marie-Noëlle Linemann s’est également interrogée sur « la détermination du groupe [face] au vieux combat de Bercy de fiscaliser ce mécanisme ». Si Bercy y parvenait, Action Logement risquerait de ne plus être le collecteur de la Peec. Et cette Participation ne serait plus destinée au financement exclusif des politiques du logement…
« Il n’y a pas de souhaite du Medef de démanteler le groupe, a indiqué Bruno Arcadipane. A ce niveau de discussion, nous souhaitons que la Peec soit sanctuarisée. Nous savons qu’elle va baisser en 2021, 2022 et 2023 du fait de la crise sanitaire, ce n’est pas le moment de tout mélanger. La ressource d’Action Logement est unique et singulière, et nous sommes tous d’accord pour la protéger et continuer à la flécher sur le logement. »
La solidité du modèle passée au grill
Autre inquiétude relayée par les sénateurs : la solidité du modèle économique du groupe, au regard des nombreuses sollicitations de Bercy. Action Logement est par exemple engagé à hauteur de 9 Mds € dans le cadre du Plan d’investissement volontaire pour le logement, de 1,4 Md € dans le cadre de la rallonge du budget de l’Anru (de 2 Mds €), et près de 1,2 Md € pour aider les bailleurs sociaux à lancer la construction de 250 000 HLM d’ici deux ans. « Le modèle a déjà un peu changé lorsque nous avons lancé le PIV, qui visait à mobiliser les réserves du groupes et d’avoir recours à l’emprunt à hauteur de 6 Mds €, concède Nadia Bouyer, directrice générale d’Action Logement. Entre la non compensation de la baisse de la Peec (lire plus bas, NDLR) et la baisse à venir des volumes collectés liés à la crise économique, nous aurons recours au marché à hauteur de 11 Mds €. »
Bercy réfléchirait à faire financer une partie des politique publiques, autre que le logement, par la Peec… Et plus le groupe Action Logement est sollicité, plus la bonne santé économique de la filiale Action Logement Service, qui délivre les aides financières, est regardée de près. « Comme les sociétés de financement, elle est soumise au ratio de solvabilité. Nous souhaitons qu’il se situe au niveau de 20%, dans les banques il oscille autour de 14,5% et parfois même 18,5% pour les banques spécialisées. » Le ratio de solvabilité mesure le volume des fonds propres par rapport à l’ensemble des ressources.
Selon les rumeurs, Bercy voudrait challenger Action Logement sur ce ratio, pour permettre au groupe d’augmenter son niveau de dépenses, en mobilisant plus fortement ses fonds propres. « Or, si le ratio baisse trop fortement, il sera plus difficile pour nous de lever des emprunts », prévient Nadia Bouyer. Et donc, de financer les programmes qu’elle a déjà engagés.