L'automne pointe à peine le bout de son nez que déjà le thermomètre chute de cinq degrés. Malgré ce froid inattendu, Frédéric Chareton bout :
- Alors Jean-Pierre, ce chargement de pins des Landes est-il enfin rangé ? Jean-Pierre Duranton, le responsable de la cour matériaux, grommelle : - Euh… Non, pas vraiment. - Ne me dis pas que tu es encore à la bourre et que tu n’as rien fait ? Ce n’est plus possible de continuer comme ça ! - Je n’ai pas eu le temps. En début de semaine, Philipe Dumont m’a demandé de procéder à un inventaire tournant. Il m’a semblé que c’était prioritaire. Je n’ai pas quatre bras. - Là, tu te moques vraiment du monde. Cela fait cinq jours que je t’ai demandé de mettre de l’ordre dans la cour, et tu as toujours une bonne raison pour ne pas exécuter mes consignes. Un jour, c’est un surcroît de commandes à préparer, le lendemain une demande du service marketing et aujourd’hui, inventaire. Encore une chance que tu trouves le temps de servir nos clients ! Dérouté, Duranton encaisse mal le bilan : - Vous pouvez vérifier auprès d’eux et après tout, arrangez-vous entre vous ! - Pas la peine ! je te donne 24 heures pour ranger cet arrivage de bois, pas une heure de plus, et cette fois plus d’excuses ! Furieux, Duranton sort du bureau en trombe, évitant de justesse Jacques André, le responsable des achats. - Eh bien Jean-Pierre, tu en fais une tête. Tu pourrais dire bonjour au moins. - Excusez-moi, c’est à cause de Chareton. Il me met la pression. Sous son air de bon Samaritain, il n’en est pas moins odieux. - Qu’est-ce qu’il t’a encore fait ? - Il multiplie les reproches. À moi et à mon équipe de cour. J’en ai marre. André est surpris par le mécontentement du chef de cour : - À mon avis, tu ne devrais pas laisser les choses en l’état. Et d’ailleurs je vais en toucher un mot à Chareton. Il n’est pas normal de mettre une telle pression sur les équipes. Tiens, justement, voilà notre homme. André s’avança vers Chareton et lui lance : - Alors, qu’est-ce qui t’arrive ces derniers temps à vouloir bousculer Jean-Pierre et son équipe ? Tu vas finir par tous les démotiver ! - Rien. Non rien. Je n’ai rien contre eux. Tu te méprends ! C’est à cause de la vidéo ! Depuis que le directeur commercial a fait installer la vidéosurveillance sur tous les dépôts, il contrôle tout depuis son bureau. Résultat, je l’ai en permanence au téléphone. Ça semble l’amuser. Mais moi, il m’étouffe et me met de mauvaise humeur. C’est bien beau la technique, mais tout de même !
