Ljubljana, la capitale du plus riche des pays d’ex-Yougoslavie (PIB/hbt : 17 000 euros bruts en 2013), est un modèle en matière d’écologie. Nommée "Capitale verte de l’Europe" pour 2016, elle s’était hissée en 2009 à la 5ème place du classement Forbes des "Villes européennes les plus idylliques". Enfin, sa fréquentation touristique a progressé de 9% entre 2012 et 2013. Malgré ces atouts, les projets constructifs à Ljubljana peinent à sortir de terre. La Slovénie a plongé dans la récession en 2012 et a vu en 2013 son ratio dette publique/PIB s'élever à 71%. Il n’était que de 54,4% en 2012. La Slovénie a alors échappé de peu à un plan d’aide international pour recapitaliser ses banques, plombées par de mauvaises créances. L’année 2014 s’annonce toutefois mieux : le pays table sur une croissance de 0,5% et devrait se doter à l’automne un nouveau gouvernement de centre-gauche, soutenu par une large majorité parlementaire.
Le BTP entre crise et reprise
De cette mauvaise passe, le BTP en sort en piteux état. Le secteur devrait encore baisser de 5,2% en 2014, après des chutes de 4,7% en 2013 (à 971 millions d’euros), 16,1% en 2012 et même 22% en 2011, selon la GZS, la Chambre de commerce et de l'industrie slovène. Entre avril 2013 et avril 2014, la production a toutefois enregistré un niveau de progression record (+48,8%), selon Eurostat. Un chiffre qui n’est pas forcément signe de reprise, mais qui serait plutôt lié à une intensification momentanée des chantiers avant l’expiration de la validité des fonds européens pour la période 2007-2013. Quoi qu'il en soit, les entreprises du BTP slovènes se sont beaucoup endettées durant cette période, plusieurs faisant même faillite. Le phénomène est tel que le pays a dû faciliter l’accès de son marché aux entreprises de BTP étrangères. L’autrichien Strabag fait d’ailleurs partie des trois plus importants constructeurs sur le marché slovène aux côtés des locaux CGP et SGP Pomgrad. À l’ensemble de ces facteurs vient s’ajouter une baisse des prix de l’immobilier (-12% entre 2007 et 2012, selon l’OCDE). "Il est aujourd’hui impossible de prédire si l’immobilier va poursuivre sa chute ou remonter durablement", analyse Tomaž Verbnik, directeur du certificateur français Bureau Veritas en Slovénie."De ce fait, personne n'ose se lancer et les investissements privés sont quasi inexistants".
À Ljubljana, où se concentre 13,7% de la population nationale, le phénomène s’illustre dans le cœur historique de la ville. Pourtant, les projets existent, même s’ils ne démarrent pas ou demeurent à l’état de chantier.
Slovenska cesta, une avenue en mutation

La principale avenue du centre-ville, la Slovenska cesta, fait ainsi l’objet d’un grand projet de réorganisation et de revitalisation qui s’inscrit dans le Plan de mobilité municipal. Rénovation des façades, aménagements paysagers, modernisation de l’éclairage, fermeture de certains tronçons aux voitures, élargissement des espaces dédiés aux piétons, aux cyclistes et aux bus. La ville veut se doter d’une "avenue vitrine" à haut potentiel attractif. Le long de cette artère, plusieurs projets constructifs privés de grande ampleur ont d’ailleurs été envisagés. Bien que les permis de construire aient été obtenus, la construction des bâtiments n’a pas commencé.
La "City Tower", un défi à relever

À l’extrémité nord de l’artère par exemple, non loin de la gare ferroviaire, c’est une tour de 78 mètres de haut qui se fait attendre. Appelé "City Tower", ce projet du groupe autrichien Erste Immorent, accueillera des bureaux dans ses étages et des commerces au rez-de-chaussée. Dessiné par l’architecte Boris Podrecca, basé à Vienne, et son associée Sandi Pirs, le programme consiste en une tour de 22 niveaux dotée d’une double peau en verre et conçue selon les standards énergétiques autrichiens.
Sa construction était censée démarrer en 2013. Mais tel n’a pas été le cas, faute de locataires. "Tant que la moitié des bureaux n’est pas louée, nous ne pouvons pas commencer le chantier", explique Damijan Kodelja, project manager chez Erste Group Immorent Ljubljana. Un premier appel d’offres travaux pour sélectionner les entreprises avait été lancé après l’obtention du permis de construire. "Mais les choses ont traîné, et les entreprises sélectionnées, depuis, ont fait faillite ou ne sont plus en mesure de répondre à la commande, poursuit Damijan Kodelja. Nous lancerons un second appel d’offres et restons ouverts à toute proposition d’investissement ou de rachat."
Sans qu’aucune date ne soit avancée, Immorent affirme que la "City Tower" se fera, et ce, selon les plans initiaux.
Le "Centre Šumi" se fait désirer
Un kilomètre plus au sud, face au théâtre national d’art dramatique, un grand chantier marque l’avenue. Sur ce site doit être construit le nouveau "Centre Šumi", en lieu et place d’une ancienne usine de confiserie bâtie en 1876 et détruite en 2006. Le projet a plusieurs fois changé de visages. Sur le site internet qui lui est dédié, KD Kvart, le gestionnaire de biens immobiliers de l’investisseur KD Group, le décrit comme un bâtiment de très haut standing de plus de 45 000 m2 à usage résidentiel (89 logements) et commercial. Il indique également qu’il sera réalisé pour 2016, ce qui est très peu probable.
Aux dernières nouvelles, la société immobilière serait entrée en négociations avec un grand investisseur étranger – dont l’identité n’a pas été révélée – pour finaliser le projet.
"Tobacna City", bientôt une ville dans la ville ?

Plus à l’écart du centre-ville, les dents creuses et les chantiers suspendus existent aussi. C’est le cas de "Toba?na City", un projet établi sur le site d’une ancienne usine de tabac datant des années 1870, à l’ouest de Ljubljana, non loin du parc Tivoli. Construire une ville dans la ville : telle est l’ambition du groupe slovène Imos sur cette friche de 65 000 m2. L’investissement total est estimé à 300 millions d’euros. Certains bâtiments industriels, inoccupés depuis 2004, seront conservés et rénovés, et dix nouveaux immeubles (de 14 à 20 étages) à usage résidentiel et commercial seront construits. En 2010, la première phase du chantier a été lancée. Elle devait aboutir à la construction d’un parking souterrain de quatre niveaux et de trois immeubles. Mais les travaux se sont arrêtés rapidement et le parking n’a jamais été achevé. Imos n’a pas réussi à emprunter auprès des banques slovènes et cherche toujours des partenaires financiers.
Des projets municipaux portés par l’UE
Du côté de la construction publique, la municipalité de Ljubljana ne sera plus dans les prochaines années le bâtisseur hyperactif qu’elle a été. "Nous construirons ce qui est nécessaire", explique Ivan Stani?, le directeur du Bureau des affaires générales du Département d’urbanisme de Ljubljana. "La municipalité se portera moins volontiers investisseur que par le passé." Parmi les réalisations les plus emblématiques de ces dernières années figurent la rénovation des berges de la rivière Ljubljanica, (un programme de 20 millions d’euros, récompensé par le Prix européen de l’espace public en 2012, qui se poursuit aujourd’hui), le complexe sportif de Stožice (un PPP de 114 millions) qui a notamment accueilli le mondial de basket en 2013, ou encore le pont Fabiani, un ouvrage à deux niveaux pour les voitures et les piétons (17 millions).

Néanmoins, les projets publics ne sont pas à l’arrêt. Grâce aux fonds européens, d’ambitieux chantiers ont débuté cette année à Ljubljana. Sur le campus dédié aux sciences naturelles par exemple, deux nouvelles facultés sont en construction. Le programme dispose d’un budget de 81,6 millions d’euros, dont 46,4 apportés par le Feder. Côté équipements techniques, la construction d’un centre de tri des déchets ("Rcero") vient de débuter. Sa réalisation a été confiée à Strabag pour un coût estimé à 143,9 millions d’euros. L’Union européenne, dans le cadre de la politique de cohésion 2007-2013, devrait y contribuer à hauteur de 77,5 millions.
Durant le prochain cadre financier (2014-2020), de nouveaux projets seront proposés, notamment le terminal logistique ILT, mais les autorités restent encore discrètes sur le sujet.
Plus d’information avec le BEM, la lettre de la construction à l’international