Le gouvernement veut simplifier le droit de la commande publique, à travers le projet de loi de simplification de la vie économique (SVE), adopté fin octobre par le Sénat et examiné par l’Assemblée nationale à partir du 16 décembre, et un projet de décret qui devrait être publié d’ici la fin de l’année. Des textes qui laissent sur leur faim les acheteurs publics venus témoigner lors d’une table ronde réunie en ouverture de la Folle semaine des marchés publics (organisée par achatpublic.com). A l’image d’Arnaud Latrèche, adjoint au directeur des finances et de la commande publique au département de la Côte d’Or et vice-président de l’Association des acheteurs publics (AAP) : « Je n’ai pas l’impression que les mesures aient été pensées à destination des acheteurs ».
« L’objectif annoncé est avant tout de rendre accessible la commande publique aux PME, constate Yannick Tissier-Ferrer, directeur de la commande publique à la Ville d’Antony (Hauts-de-Seine) et membre du conseil d’administration de l’AAP. On modifie en premier lieu les règles qui concernent la réponse aux marchés publics et non celles qui portent sur le travail des acheteurs ». Et de s’agacer : « Ce sont toujours les trois mêmes leviers qui sont utilisés : prévoir des exceptions, empiler les seuils, et transférer la complexité sur les acheteurs. Mais ça ne fonctionne pas ». Il plaide alors pour une inversion de la méthode. « Il faut d'abord simplifier les pratiques des acheteurs, et par ricochet le travail des entreprises sera lui aussi facilité ».
Les pistes de simplification de l’Association des acheteurs publics (AAP)
Les acheteurs s’organisent pour ne plus être spectateurs des changements de réglementation. A l’instar de l’AAP qui planche actuellement sur un plan de simplification. Premier objectif, alléger et uniformiser la déclaration de candidature. Autre proposition : la création d’un « passeport commande publique » pour les entreprises. L’AAP entend ainsi transférer le contrôle des interdictions de soumissionner à l’Etat, chargé de délivrer le passeport.
S’agissant des données essentielles que les acheteurs doivent déclarer, l’AAP souhaite que soit mis en place un canal unique pour simplifier les tâches de saisie. L’association œuvre aussi pour alléger et revoir la mise en page des avis de publicité. Enfin, l’AAP plaide pour une harmonisation des différents seuils applicables en matière de commande publique.
L’association entamera début 2025 une consultation auprès de tous les acheteurs publics, avant de présenter ses propositions à la Direction des affaires juridiques de Bercy.
Se saisir du code
Les acheteurs s'accordent pour considérer que le droit de la commande publique et son code ne sont pas un frein, à condition de savoir le manier. « Le Code de la commande publique (CCP) peut être un élément de performance », relève ainsi Asli Sahin, consultante en achat public chez KLB Group et enseignante au sein des universités Lyon 3 et Lyon 2. « Il est intéressant du fait de toutes les marges de manœuvre qu’il offre », confirme Franck Barrailler, directeur de la commande et de l’achat public au conseil départemental de Seine-Saint-Denis.
Charge alors aux acheteurs de s'en emparer pleinement. Ce qui ne serait pas toujours le cas, estime Arnaud Latrèche. « Nous ne saisissons pas de toute la latitude permise par le droit de la commande publique, regrette-t-il. Nous pouvons, à droit constant, avoir de l’audace et être innovant sans prendre de risque juridique. A condition ne pas s’interdire des pratiques que le CCP n’interdit pas ».
Sortir du code
Le CCP ne doit pas non plus être l’alpha et l’omega de l’achat public. « Il intervient sur un prisme minimal, essentiellement la passation, constate Arnaud Latrèche. Or pour être efficace il faut aussi s’intéresser aux autres phases et dépasser le cadre du code ». Franck Barrailler partage cette approche. « L’attractivité passe aussi par des pratiques qui ne sont pas prévues par le CCP, comme la publication de sa programmation des achats. Les entreprises peuvent alors anticiper, préparer des stratégies de réponses ou encore constituer des groupements plus facilement ».
Autre illustration par Arnaud Latrèche : « Nous relayons nos besoins de travaux aux fédérations locales et constatons depuis des taux de réponse très importants. La concurrence joue pleinement et ça se ressent sur les montants des marchés. De plus nous arrivons à attirer des entreprises qui ne répondaient pas habituellement, en particulier des PME ou des artisans ».