Présentée comme un texte de simplification, la proposition de loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement, portée par le député Harold Huwart (Liot, Eure-et-Loir) se complexifie au fur et à mesure de son examen au Parlement. Initialement composé de 24 articles lors de sa transmission au Sénat, il en compte désormais 37, à la faveur notamment des 53 amendements adoptés lors de l’examen en séance publique, mardi 17 juin 2025, sur des dispositions variées, allant des conventions d’utilité sociale que doivent élaborer les bailleurs sociaux, à un nouveau schéma d’aménagement pour le quartier de La Défense.
Le texte a été transmis pour une deuxième lecture à l’Assemblée nationale mais le cabinet de Valérie Létard, ministre du Logement, indique le 18 juin vouloir demander une commission mixte paritaire qui pourrait être organisée au début du mois de juillet. Pour l’heure, la ministre s’est « réjoui[e] », sur X (ex-Twitter), de l’adoption de ce texte qui porte des « avancées très concrètes », selon elle.
Le report du calendrier du NPNRU devra encore attendre
Le gouvernement avait déposé, en vue de l’examen du texte en séance publique, un amendement instaurant le report du calendrier du NPNRU annoncé par la ministre du Logement le 20 mai dernier. Mais l’amendement a été jugé irrecevable car constituant un cavalier législatif. Le cabinet de Valérie Létard dit chercher un nouveau véhicule pour faire voter cette disposition.
Permis multi-sites
Le gouvernement est lui-même auteur de huit amendements adoptés lors de cette séance. Notamment, sur le volet urbanisme, l’amendement n° 138rétablit la rédaction initiale du permis multi-sites, telle que déposée à l’Assemblée nationale le 1er avril 2025. Celle-ci « permet, par dérogation, de demander un permis d’aménager portant sur un lotissement sur des unités foncières non contiguës » s’il est porté par un demandeur unique. L’amendement n° 19 rect. des sénateurs LR précise qu’un tel permis « peut également comprendre une ou plusieurs unités foncières ou parties de sites destinées à être renaturées ou réaffectées à des fonctions écologiques ou paysagères, même en l’absence de travaux d’aménagement, dès lors que ces unités participent à la cohérence globale du projet ».
Un second amendement du gouvernement (n° 132) élargit les missions des SPLA-IN à toute intervention foncière ou immobilière relevant des établissements publics d’aménagement ou des établissements publics fonciers et d’aménagement (qui peuvent, avec l’État et les collectivités territoriales, être à l’origine de leur création). Il permet également aux établissements publics fonciers de l’État (EPF) et aux grands ports maritimes ou grands ports fluvio-maritimes de participer au capital des SPLA-IN et de « renforcer leurs capacités d’action en leur octroyant une nouvelle compétence complémentaire au bon exercice de leurs missions ».
Toujours concernant les EPF, les sénateurs remettent sur le métier la question de l’adhésion des communes à un établissement public foncier local (EPFL) - déjà longuement débattue en commission et à l’Assemblée -, en précisant le régime applicable à la situation dans laquelle un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre adhérerait à un EPFL auquel l’une de ses communes membres serait déjà adhérente (amendement n° 213). Ils ont également voté le rallongement de trois à dix ans du délai de rétrocession auquel sont soumis les EPF pour permettre aux particuliers acquérant un logement construit sur le terrain en question une exonération sur l’impôt sur le revenu des plus-values (amendement n° 214 rect.).
Loi Montagne
Deux amendements viennent également préciser les règles en vigueur permettant d’apprécier l’urbanisation en zone de montagne, telle que prévue par la loi Montagne de 2016 : l’urbanisation ne peut y être jugée discontinue « au seul motif qu’elle est séparée des zones urbanisées […] par un espace intercalaire » (une voirie, par exemple), « lorsque l’extension de l’urbanisation est située à proximité immédiate de ces zones » (amendement n° 159 rect.), ou au motif que « le nombre de constructions implantées est insuffisant dès lors que l’ensemble de constructions compte au moins trois constructions » (amendement n° 158 rect. bis).
Nouveau schéma pour La Défense
Ils instaurent, par ailleurs, un nouveau schéma cadre d’aménagement et de planification de l’urbanisme pour le quartier francilien de La Défense afin de déterminer, sur le périmètre de l’opération d’intérêt national (OIN), « les orientations et les objectifs de l’État en matière d’aménagement, d’urbanisme, de logement, de commerce, de transports et de déplacements, de développement économique et culturel, d’équipements et de réseaux d’intérêt collectif, d’espaces publics, de préservation des paysages, du patrimoine et de l’environnement, de transition écologique et énergétique » (amendement n° 221).
Documents d’urbanisme
Lors de cette séance publique, les sénateurs sont également à nouveau intervenus sur le contenu des documents d’urbanisme. Les amendements n° 75 rect. et n° 97 rendent ainsi facultative la déclaration préalable pour changements de sous-destinations du PLU en confiant aux collectivités la décision d’instaurer un tel dispositif.
Pour « favoriser la mutabilité des lotissements jardins », l’amendement n° 223 rend, quant à lui, applicables les dispositions relatives à la modification des documents du lotissement aux terrains lotis en vue de la création de jardins. Le Sénat supprime également le recours à une étude sur l’optimisation de la densité pour tout projet d’aménagement soumis à évaluation environnementale, comme le prévoit la loi Climat et résilience (amendement n° 15 rect. et n° 26 rect.) et permet la prorogation du permis de construire à caractère précaire, par simple décision de l’autorité compétente en matière d’urbanisme et pour une durée déterminée, « dès lors que les conditions ayant justifié la précarité du permis demeurent inchangées » (amendement n° 70 rect.).
Dérogations au PLU
Enfin, les sénateurs reviennent sur différentes dispositions adoptées en commission : ils élargissent la possibilité pour l’autorité compétente en matière d’urbanisme de déroger au PLU pour autoriser la surélévation ou la transformation d’une construction régulièrement édifiée en dépit de sa non-conformité aux règles du PLU (amendement n° 218) ; ils ouvrent la transformation des résidences hôtelières à vocation sociale à tous types de logements plutôt qu’en logements familiaux exclusivement (amendement n° 216) ; ils étendent la dérogation aux règles du PLU dont bénéficient les opérations de création de logements à travers les surélévations à l’ensemble des règles du PLU (amendement n° 22) ; ils limitent les dérogations aux règles d’urbanisme pour la réalisation de logements dédiés aux étudiants aux seules zones urbaines et à urbaniser (amendement n° 169 rect.).
Conventions d’utilité sociale
Concernant le volet logement du texte, les sénateurs modifient le contenu des conventions d’utilité sociale (CUS) « dans un objectif de simplification et d’efficacité » et pour les « recentrer sur l’essentiel ». Dans le détail, l’amendement n° 174 du gouvernement (modifié par le sous-amendement n° 224) prévoit notamment « que les CUS comportent des engagements quantifiés et annualisés portant sur les logements sociaux produits ou rénovés sur la base du plan stratégique de patrimoine » des bailleurs sociaux et qu’ils intègrent « des objectifs en matière de qualité du service aux locataires, de maîtrise des coûts de gestion et de politique sociale et environnementale ».
À la demande de l’USH, ils ont également explicité, dans le Code de la construction et de l’habitation, la faculté pour les sociétés civiles de construction-vente qui réunissent des acteurs privés et des organismes HLM d’inclure également des locaux commerciaux dans leurs projets immobiliers (amendement n° 128).
À la demande du gouvernement, cette fois, le Sénat a adopté des mesures visant « à simplifier les échanges d’informations entre les bailleurs sociaux, le groupement d’intérêt public pour le système national d’enregistrement de la demande de logement social (GIP-SNE) et l’administration fiscale » en permettant des échanges d’informations directs entre le GIP et l’État et entre le GIP et l’Agence nationale de contrôle du logement social pour des informations auxquelles cette dernière a déjà accès au titre de la loi « mais qu’elle doit demander à chaque bailleur social », selon l’amendement n° 136 rect. Celui-ci supprime également le comité d’orientation placé auprès du GIP-SNE, « qui occasionne une charge administrative inutile pour les bailleurs sociaux », selon le gouvernement.
Résidences à vocation d’emploi
Ils créent également un cadre juridique spécifique pour les résidences à vocation d’emploi, conçues pour accueillir temporairement des actifs en mobilité professionnelle, des étudiants, des apprentis, des stagiaires ou des volontaires en service civique, en définissant les publics éligibles à ces résidences, en encadrant la durée des baux mobilité nécessaires entre une semaine et dix-huit mois ou encore en imposant des conditions de ressources et de loyers encadrés pour 80 % des logements (amendement n° 8 rect. bis).
Les places de stationnement au cœur d’un long débat
Comme en commission, les sénateurs se sont longuement penchés sur la question des obligations de création de places de stationnement. Pour « lever un des principaux freins à la réhabilitation en centre-ville », ils permettent aux collectivités compétentes en matière d’urbanisme de déroger à l’obligation de création de places de stationnement prévue par le règlement du plan local d’urbanisme par une délibération motivée (amendement n° 49 rect. bis).
Sur la base d’amendements proposés par l’USH (amendement n° 112) et par CDC habitat (amendement n° 127), ils élargissent aux logements créés en bail réel solidaire et en logements foyers l’exonération de créer des places de stationnement ou la limitation à une place de stationnement par logement. Les amendements n° 32 rect. n° 219 précisent ainsi l’article 2 quinquies, adopté en commission, qui supprime le plafond du nombre de places de stationnement pour les logements locatifs intermédiaires (LLI), renvoient la possibilité de déterminer le nombre de places de stationnement nécessaires dans les PLU ou PLUi, et suppriment donc l’article 2 sexies B sur la règle pour les LLI de disposer de 0,5 aire de stationnement par logement (amendements n° 125, n° 188 et n° 220).
Vefa inversée
Par ailleurs, l’amendement n° 79 rect.supprime l’autorisation préalable du représentant de l’État pour une « Vefa inversée » afin de « faciliter la mise en œuvre de ce dispositif ». Deux amendements identiques des rapporteurs et du gouvernement (n° 46 rect. et 135) introduisent dans la loi le référentiel national des bâtiments pour identifier chaque bâtiment.
Biens sans maître
Pour faciliter l’acquisition des biens sans maître, les amendements n° 131 rect. et n° 195 abaissent à quinze ans le délai de droit commun pour ces opérations tandis que l’amendement n° 157 rect. bis propose d’autoriser la transmission encadrée d’informations sur ces biens par l’administration fiscale aux communes ou EPCI.
Contentieux
Enfin, sur le volet contentieux de la proposition de loi, les sénateurs proposent d’instaurer une présomption d’urgence lorsqu’un référé-suspension est engagé contre un refus d’autorisation d’urbanisme (amendement n° 82 rect. ter).