Sécheresse : les dommages provoqués par le retrait-gonflement des argiles sur les maisons préoccupent le Parlement

La députée écologiste Sandrine Rousseau et plusieurs de ses collègues ont déposé, le 21 février, une proposition de loi visant à "mieux indemniser les dégâts sur les biens immobiliers causés par le retrait‑gonflement de l’argile". Un phénomène qui revêt une acuité particulière avec la sécheresse inédite de cet hiver en France. Le texte vise notamment à modifier les critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle au titre du phénomène de retrait‑gonflement des argiles. Une semaine plus tôt, les sénateurs s’étaient penchés sur les risques liés au RGA.

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Mécanisme du retrait-gonflement

Preuve du caractère inédit de la sécheresse actuelle, le ministre de la Transition écologique a appelé, lundi 27 février 2023, les préfets coordinateurs de bassin à prendre des arrêtés de restriction d’eau "dès maintenant". Or "les prévisions des scientifiques sont formelles […], la France sera exposée à des sécheresses et des inondations d’ampleur grandissante et de plus en plus fréquentes", lit-on dans l’exposé des motifs de la proposition de loi déposée le 21 février par la députée Sandrine Rousseau (Écologiste-Nupes, Paris) et plusieurs de ses collègues, comme Delphine Batho, Julien, Bayou, Lisa Belluco, Éva Sas ou encore Aurélien Taché, visant à "mieux indemniser les dégâts sur les biens immobiliers causés par le retrait‑gonflement de l’argile".

Citant le Cerema, l’exposé des motifs rappelle que près de la moitié des sols du pays est concernée par des retraits et des gonflements d’argiles d’intensité moyenne et forte. Ce qui correspond à dix millions de maisons individuelles "très exposées". Certes, ce type de sinistre, appelé à se multiplier dans le sillage des épisodes de sécheresse, est pris en charge par la garantie relative aux catastrophes naturelles. Mais "encore faut‑il qu’un arrêté interministériel de catastrophe naturelle soit rendu sur la commune concernée", objectent Sandrine Rousseau et ses collègues. Et qu’il soit "prouvé que le retrait-gonflement des argiles soit reconnu comme la cause déterminante du dommage", ajoutent-ils, regrettant que ces deux conditions soient "trop rarement réunies". Conséquence, les propriétaires sans recours "se multiplient, certains ont perdu le fruit de leurs économies dans un bien qu’ils ne peuvent plus habiter ni revendre", s’inquiètent les députés.

Faciliter l’indemnisation des victimes du RGA

L’objectif de leur proposition de loi est donc de "faciliter" l’indemnisation des victimes du retrait-gonflement des argiles. Son article 1er vise à modifier les critères de reconnaissance de l’état de catastrophe, afin d’augmenter le nombre de communes reconnues en état de catastrophe naturelle au titre du phénomène de retrait‑gonflement des argiles. Pour cela, les députés proposent de fonder cette reconnaissance également sur des mesures d’humidité des sols. Des mesures qu’ils jugent "indispensables" pour appréhender la partie "gonflement des sols", laquelle "n’est actuellement pas prise en compte dans les mesures de Météo France".

Ils suggèrent aussi de comparer les épisodes de sécheresse à l’échelle d’une année et non plus mois à mois. Cela afin de "mieux prendre en considération la longueur qui peut caractériser les épisodes de sécheresse, et de tenir compte de l’effet différé de la survenance des dommages causés par le retrait‑gonflement des argiles". Cet article introduit en outre une disposition permettant de considérer que si une année fait partie des dix plus sèches des 50 dernières, alors, elle fait automatiquement l’objet d’une déclaration de catastrophe naturelle de sécheresse.

L’ordonnance n° 2023-78 du 8 février 2023 publiée le lendemain au "Journal officiel", prise dans le cadre de l’habilitation ouverte par la loi 3DS, prévoit toutefois un "nouveau mécanisme" qui permettra la reconnaissance "CatNat" de communes ayant subi une "succession anormale de sécheresses d’ampleur significative", mais dont l’intensité mesurée année par année ne remplit pas les critères actuels.

"Une maison fissurée n’a plus aucune valeur de marché"

L’article 2 de la proposition de loi vise à rendre la procédure d’expertise "plus efficace et impartiale", et à "rééquilibrer" les rapports entre l’assurance et l’assuré. D’abord, il prévoit que, lorsqu’un état de catastrophe naturelle lié à la sécheresse est déclaré, alors il est présumé que la cause déterminante du dommage est le retrait‑gonflement de l’argile. Une disposition qui "facilite" la reconnaissance du lien de causalité permettant d’obtenir une indemnisation au titre d’une catastrophe naturelle de sécheresse. Cette disposition prévoit par ailleurs que lorsqu’il cherche à déterminer les causes des dommages, l’assureur doit "obligatoirement" mener une analyse des sols prenant "spécifiquement" en compte le risque de retrait‑gonflement des argiles. Enfin, l’article 2 permet de considérer que l’aggravation de la fissure d’une construction constitue un élément nouveau de dégât, pouvant entrer dans les préjudices indemnisés en cas de catastrophe naturelle de sécheresse.

Une semaine avant le dépôt de sa proposition par Sandrine Rousseau, les sénateurs s’étaient penchés sur les risques liés au retrait-gonflement des argiles. La commission des finances du Sénat avait examiné le 15 février la communication de Christine Lavarde (LR, Hauts-de-Seine), à la suite de son contrôle budgétaire sur le financement du risque de retrait-gonflement des argiles et de ses conséquences sur le bâti. La sénatrice estime que l’ordonnance du 8 février "n’est pas de nature à résoudre les insuffisances de la prise en charge du risque RGA". Elle pointe notamment du doigt une indemnisation concentrée sur les sinistres "susceptibles" d’affecter la solidité ou d’entraver l’utilisation normale du bâtiment endommagé.

À l’image du Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE), opposé à cette instauration d’un seuil de gravité, Christine Lavarde juge que l’ordonnance "exclut certains assurés, car elle ne prend pas en compte la perte de valeur du bien. […] Une maison fissurée n’a plus aucune valeur de marché, alors qu’elle constitue souvent le patrimoine de toute une vie".

Le bâti existant, "angle mort" de la prévention du RGA

Plus largement, pour la rapporteure spéciale de la mission "Écologie, développement et mobilité durables" du budget général, les mesures portant sur le bâti existant demeurent le "véritable angle mort" de la politique de prévention et d’indemnisation du risque RGA. De fait, la loi Elan oblige, depuis le 1er octobre 2020, la mise en œuvre de prescriptions constructives visant à prévenir le RGA lors de la construction des maisons individuelles dans les zones les plus exposées à ce phénomène. Aussi, pour les maisons nouvelles, qui répondent aux normes de la loi Elan, "la sinistralité devrait être quasiment nulle", selon la sénatrice.

Pour les maisons individuelles construites avant l’imposition de ces nouvelles règles, elle souligne l’existence de techniques de prévention. En particulier celles dites "horizontales", comme l’installation d’écrans anti-racinaires ou de systèmes de drainage. Des techniques "moins invasives et bien moins coûteuses" que les reprises de fondation, avec une moyenne de 10 000 euros, contre 21 000 à 76 000 euros pour les procédés portant sur la structure du bâtiment. Mais l’efficacité de ces mesures horizontales doit encore faire l’objet d’évaluations, nuance Christine Lavarde. Qui suggère l’utilisation du fonds Barnier ou du quatrième PIA pour financer ces évaluations.

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