Le BTP paye-t-il bien ses ouvriers ? La question taraude les entreprises soucieuses de garder leurs bons éléments et d’en attirer de nouveaux. Pour Franck Serra, secrétaire fédéral de la Fédération générale BTP FO, le constat est clair : « Le niveau des salaires et la pénibilité du travail expliquent les difficultés d’embauche des entreprises. » Un avis globalement partagé par les autres syndicats du BTP que contestent évidemment les fédérations patronales du secteur. « En Bretagne, explique Yvan Gégaden, secrétaire général de la fédération régionale du bâtiment (FRB) de Bretagne, nous avons effectué une comparaison du salaire net horaire ouvrier bâtiment avec celui des autres principaux employeurs de la région. La moyenne se situe à 8,3 euros ; nous sommes dans le bâtiment à 8,6 euros net de l’heure ; en un an, nous avons accueilli 2 800 salariés de plus », complète-t-il pour bien montrer que le bâtiment recrute.
Hisser les minimabâtiment au-dessus du Smic. De fait, le BTP est aujourd’hui le principal secteur créateur net d’emplois en France. Les entreprises ont à cœur de se montrer sous leurs meilleurs atours, arguant que « leurs salaires n’ont rien à envier aux autres secteurs ». Ce que conteste Eric Aubin, secrétaire général de la fédération CGT des salariés de la construction : « Quand les entreprises du BTP communiquent sur les salaires, elles intègrent les primes de panier et de déplacement. Sinon, les salaires BTP sont inférieurs aux autres secteurs industriels », affirme-t-il.
Si les salaires réels relèvent de chaque entreprise, le niveau des salaires minima des ouvriers est de la responsabilité des partenaires sociaux. Les fédérations patronales ont pris conscience de l’effet négatif en terme d’image d’une grille de salaires dont les premiers niveaux sont dépassés par le Smic. Dans le bâtiment, rares sont les régions dont le premier niveau atteint le Smic (voir sur le tableau le coefficient 150). A leur décharge, le Smic a fortement progressé ces dernières années et submergé les grilles de nombreux secteurs. « Il ne doit plus y avoir de minima en dessous du Smic, affirme Marc Westrelin, vice président de la Capeb. » Ce mot d’ordre est également celui des syndicats. De fait, bon nombre de régions décident en cette fin d’année de caler le coefficient 150 sur le Smic. C’est le cas en Picardie ou dans les Pays de la Loire. D’autres régions devraient suivre. « Attention toutefois à ne pas tasser la grille », préviennent les négociateurs régionaux qui, au-delà de ce premier niveau, apportent un soin particulier au coefficient 185 sur lequel sont accueillis les jeunes titulaires d’un CAP ou d’un BEP. « Ce coefficient est important vis-à-vis des jeunes qui entrent dans la profession, illustre Michel Baloche, secrétaire régional de la FRB Picardie, qui vient de signer un accord applicable au 1er octobre 2005. Nous sommes vigilants à ne pas tasser notre grille. Entre les coefficients 150 et 270 (qui correspond à celui de chef d’équipe confirmé), l’écart est de 33,6 %, nous préférerions plus mais ce ne sont que des minima. Les entreprises peuvent agir sur les réels. » Selon un document de la FFB, « les salaires réels sont en moyenne supérieurs de 8 % aux minima. » René Clouet, de la fédération BTP CFDT, est sceptique : « La majorité des PME du bâtiment paye leurs ouvriers au niveau de la grille. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que les salaires de départ soient attractifs, qu’ils décollent du Smic pour un jeune qui a son CAP et qu’ils progressent ensuite pour les ouvriers qualifiés (coefficients 210/230). Or, malgré la bonne conjoncture, les salaires ne sont pas mirobolants. » « Notre souci, répond un négociateur patronal, est d’attirer les jeunes sans couler les entreprises. » Selon la FFB, les salaires ont progressé depuis 2000 de 5,8 % en moyenne par an (heures supplémentaires comprises).
Minima TP : le problèmedu 13e mois. Dans les travaux publics, la problématique est radicalement différente. Depuis 2002, le secteur s’est doté de salaires minima annuels pour toutes les catégories, y compris les ouvriers. Une vraie révolution ; les partenaires sociaux en ont profité pour repenser le niveau des minima, de sorte qu’aucune région dans les TP ne voit son premier niveau rattrapé par le Smic. Autre apport, chaque automne, les partenaires sociaux calculent pour trois niveaux (voir tableau) des valeurs moyennes qui servent de référence aux négociateurs régionaux. Ceux-ci ne peuvent pas s’en écarter de plus ou moins 3 %. L’objectif était de resserrer les écarts d’une région à l’autre. Pari réussi si l’on en croit la FNTP (voir entretien ci-dessous). Les syndicats de salariés attirent toutefois l’attention de la FNTP sur les autres niveaux de la grille pour lesquels il n’existe pas de valeur moyenne de référence. Là, les écarts régionaux demeurent ; ils demandent l’établissement de valeurs moyennes pour tous les autres niveaux de la grille.
Mais le principal problème est ailleurs : quelle est l’assiette exacte du salaire annuel. Selon l’accord de 2002, en font partie tous les éléments permanents du salaire, congés payés et prime de vacances compris. Dans les entreprises qui payent sur 12 mois (le 13e mois n’est pas conventionnellement obligatoire dans le BTP), il convient de diviser par 12,3 pour obtenir un salaire mensuel. Le problème se pose dans les entreprises qui versent un 13e mois. Celles-ci l’incluent dans la rémunération annuelle. Une pratique que combattent les syndicats.
