Evénement

ROYAUME-UNI Succès inégal au paradis du financement privé

Les Britanniques se sont engagés largement, depuis l'ère Thatcher, dans un processus de privatisation et de délégation au secteur privé de services publics. Dernier instrument en date : la PFI (Private Finance Initiative), politique de financement privé des infrastructures de transports ou sociales (hôpitaux, écoles, prisons, informatisation des services), lancée par les conservateurs en 1992.

Mais la PFI a été lente à démarrer, frustrant le BTP britannique. Bilan après cinq ans : 80 contrats PFI d'une valeur de 75 milliards de francs (dont 30 milliards, en prix 1995, pour le seul projet du Channel Tunnel Rail Link qui vient d'être réattribué au privé, moyennant une hausse des subventions). Pas plus d'une douzaine de projets (transports et défense) ont été effectivement livrés. Dans l'eau et l'électricité, secteurs pionniers, le bilan est discutable : bradage du secteur électrique aux compagnies américaines, tandis que dans l'eau, l'intérêt des consommateurs semble être passé au second plan au profit des dividendes versés aux actionnaires. Le régulateur a dû intervenir pour maîtriser les tarifs.

Les travaillistes, dès leur arrivée, ont allégé la PFI, instauré un système de priorité et créé un groupe d'intervention sur la PFI (Taskforce), émanant du ministère des Finances, qui tranchera sur les projets. Sans enterrer la PFI, le gouvernement Blair, penche davantage vers des formules de partenariat mixte (les PPP, Public Private Partnership) et vers un plus grand engagement de l'Etat là où prime l'intérêt du public. Le réseau ferroviaire est entièrement privatisé depuis 1996. La nouvelle compagnie Railtrack, qui gère les infrastructures, s'est engagée à investir 160 milliards d'ici à 2006 pour la modernisation du réseau et des gares.

Rail : privatisation et franchises

Ce programme sera financé sur les revenus immobiliers de Railtrack, mais surtout à partir des péages versés par les vingt-cinq exploitants ou « franchisés », à qui sont dévolues les 75 lignes existantes. Ceux-ci reçoivent à leur tour d'importants subsides de l'Etat (20 milliards de francs par an, mais dégressifs). Les exploitants (pour onze d'entre eux) ont également en charge de réaliser de gros investissements en matériels roulants. Et certains commencent à estimer que leur concession (sept ans en moyenne), est trop courte pour y faire face. D'autant qu'ils doivent aussi réduire leurs coûts, tout en augmentant les recettes passagers. Pour l'heure, l'expérience est encore récente et, une augmentation du trafic passagers en 1997 augure mieux du futur. Mais la structure du secteur ferroviaire au Royaume-Uni pourrait encore évoluer. Les travaillistes, opposés en théorie à la privatisation du rail, ne l'ont acceptée et ne la maintiennent que par réalisme économique.

Les principaux bénéficiaires de la privatisation sont les entreprises de travaux ferroviaires. Les treize unités de maintenance et de renouvellement des voies de British Rail sont passées au privé ou ont été reprises par leurs cadres. Pour les groupes anglais de BTP (Amey, Balfour Beatty, Jarvis et Amec), le rail s'est révélé un marché particulièrement juteux. A noter deux partenariats franco-britanniques : Amec Spie Rail (Spie) et Amey/Seco (Desquenne & Giral). Dans l'exploitation ferroviaire, la présence française est également forte : Connex, filiale de la CGEA (Vivendi), a doublé son chiffre d'affaires transport (13,8 milliards de francs prévus en 1998) en obtenant South Central et South Eastern (voir le Moniteur du 30 août 1996, page 23) ; Via GTI (groupe Navigation mixte) associé à Go Ahead, a été franchisée sur Gatwick-Londres-Bedford ; sans oublier GEC-Alsthom, qui a obtenu une commande de 10 milliards de francs de matériel ferroviaire roulant du groupe Virgin. Ce dernier va exploiter la West Coast Line en l'équipant de trains pendulaires à grande vitesse (7,5 milliards de francs d'investissement au total), tandis que Railtrack allouera 15 milliards de francs à la rénovation des voies. Pragmatique, Railtrack s'engage à mettre 6 milliards de plus, mais en échange de ce partenariat, la société recevra une part des bénéfices.

Le gouvernement travailliste est résolument pro-transports en commun et anti-routes. Le « livre blanc » sur sa politique des transports intégrés, à paraître cet été, le confirmera.

De fait, on ne construit pratiquement plus de routes en Angleterre. Des 114 projets nationaux inscrits, 4 seulement ont reçu un feu vert. Et on peut s'interroger sur l'avenir de la PFI routière, dans laquelle les conservateurs voyaient la panacée au travers de projets DBFO (Design, Build, Finance, and Operate).

Routes : DBFO, péages fictifs et contrats de maintenance

Ces contrats de longue durée à rémunération publique vont de pair avec un péage fictif (« shadow toll »), par lequel l'Etat rétribue le concessionnaire au véhicule/km. Neuf contrats ont été attribués, dans ce cadre. Le tout dernier porte sur une autoroute urbaine à l'Est de Londres, et illustre une nouvelle approche : la part de péage fictif est réduite au profit d'une rémunération de la fluidité de la circulation.

Le secteur routier est en tout cas promis à une réforme en profondeur. La Highways Agency (Agence d'exécution du ministère des Transports pour les routes) pourrait voir toutes ses attributions opérationnelles passer en concessions. Ce qui est déjà le cas pour l'entretien : un découpage en vingt-quatre zones ou agences pour les réparations et l'entretien routier à été créé. Dix-huit contrats ont été déjà attribués, essentiellement à de grands bureaux d'études qui gèrent les travaux.

Transports collectifs urbains : de la PFI au PPP

John Prescott, ministre des Transports, va être confronté à des choix difficiles au niveau des subventions, en particulier en ce qui concerne le métro de Londres. Il y a, jusqu'à présent, quatre systèmes de transports collectifs légers opérationnels (du tramway au Val) et trois en cours de construction. Une quinzaine de lignes ou d'extension sont en projet. Mais elles ne pourront se matérialiser sans une part de subventions publiques.

Les services d'autocars et de bus, déréglementés en 1985, ont vu l'élimination des petits opérateurs, au profit de quelques très grands intervenants comme Stagecoach, National Express ou First Bus. Le français Transdev (Caisse des dépôts développement) est également très présent : il a racheté la compagnie de bus londonienne London United et intégré le consortium Arrow (avec Tarmac, Adtranz et le Nottingham City Council), qui a remporté le projet de tramway de Nottingham.

Dans son dernier budget, le gouvernement estimait que la PFI permettrait le financement de 12 % du programme d'investissements et de gestion de projets, jusqu'ici réalisé par l'Etat (prisons, routes, hôpitaux, liaisons ferroviaires, etc.). Malgré quelques succès dus à l'amélioration de la formule, le problème de l'équilibre, dans un partenariat public-privé, entre risques et bénéfices à long terme n'est pas résolu.

PHOTO : Train Virgin à Euston (Londres).

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