«Le critère de succès de la ville renouvelée, c’est la relance de l’investissement privé », répète inlassablement René Vandierendonck, le maire de Roubaix. Depuis plus de dix ans, il joue de toute la panoplie de la politique de la ville pour enrayer le naufrage de cet ancien fleuron de l’industrie textile (98 000 habitants) qui a pris de plein fouet la crise du textile et ses retombées urbaines et sociales : friches, chômage (encore 22,8 % aujourd’hui) et insécurité.
A partir de 1995, des investissements publics massifs liés à la construction du métro et la politique de « ville renouvelée » menée ont donné un coup d’arrêt à ce processus de dégradation. La communauté urbaine et la Ville ont mis le paquet sur l’aménagement urbain pour métamorphoser le centre-ville et faciliter ainsi le retour du privé. Le commerce (avec les magasins d’usine Mc Arthur Glen, l’hypermarché Géant et sa galerie commerciale) s’est réinstallé là où 30 000 m2 de surfaces de vente avaient disparu en vingt ans. Neuf salles de cinémas ont ouvert à deux pas de la Grand’Place et les PME attirées par une zone franche urbaine très centrale ont créé 5 000 emplois en cinq ans tout en recyclant des milliers de mètres carrés de bureaux entre la mairie et la gare. La seconde ville de la région a arboré des façades multicolores, signe de sa nouvelle vitalité et retrouvé des équipements cohérents avec sa taille : commerces, loisirs et même culture avec le superbe musée La Piscine et la maison folie « la Condition publique ».
Le renouveau économique dans l’attente de l’Union. Sur le plan économique, la Ville est dans une phase intermédiaire entre la locomotive de la zone franche lancée en 1997 et les investissements importants attendus sur la future zone de l’Union à partir de 2007. Sur ce secteur de 70 hectares à la limite de Roubaix est notamment programmé un centre européen des textiles innovants (20 000 m2). Pour l’heure les autres projets ne sont pas nombreux. Un centre d’appels est prévu en centre-ville. Des distributeurs spécialisés en produits pour le bâtiment vont s’installer dans une ancienne usine. Vingt petites cellules vont être consenties avec des loyers bonifiés à des créateurs d’articles de mode ou de décoration : c’est le projet du quartier des Modes plus intéressant pour son volet image que pour son poids économique. Enfin, le groupe Edhec vient de décider de créer un campus sur un vaste site de 8 ha, à cheval sur Croix et Roubaix. En 2008, près de 2 000 étudiants y seront scolarisés. Pour Roubaix, l’impact en termes de résidences pour étudiants devrait être conséquent. Mais cette implantation va aussi jouer sur l’image de la ville, son attractivité auprès des entreprises, et son rayonnement à l’international.
Le retour de la promotion privée. Pourtant une nouvelle phase de reconquête urbaine s’amorce grâce à la multiplication des opérations de logements. Roubaix qui est restée longtemps à l’écart du marché immobilier de la métropole lilloise, est enfin entraînée dans le boom du logement et voit revenir les promoteurs. De fait, le prix du mètre carré de surface habitable est passé de 242,39 euros en 1995 à 655,38 euros en 2003 soit une progression de 270 %.
La municipalité mise sur le phénomène. Son objectif est de construire 500 logements par an et d’en rénover autant. Dans les quartiers difficiles un logement sur sept serait ainsi transformé. Les bailleurs sociaux devraient aussi construire 150 à 200 logements locatifs neufs via l’Anru (voir encadré ci-dessus) et une cinquantaine destinés à l’accession sociale.
Enfin, les promoteurs privés devraient mettre sur le marché 150 à 200 logements par an. Le Crédit Immobilier qui avait été le pionnier avec la livraison des « Muséales » devant le musée La Piscine a déposé un permis pour 67 logements rue de l’Amiral-Courbet. Sedaf prévoit 100 logements sur le site Motte Porisse. PBR va créer 80 logements rue Saint-Jean dans l’ancienne maison des Petites Sœurs des Pauvres et Capri va combler des dents creuses sur la Grand’rue et boulevard du Général-de-Gaulle. Autre symbole du renouveau, la transformation d’anciennes usines ou ateliers en lofts. Ainsi 250 sont en livraison ou en cours de montage avec deux projets phare dans de superbes bâtiments industriels : la friche Bartal à 5 minutes de la Grand’Place et la friche CGIT, le long du canal qui va être transformée en 38 lofts avec terrasses… et piscine.
Toutefois le marché, lui, reste bien spécifique. Roubaix est encore loin de séduire l’accédant type de la métropole lilloise qui ne rêve que de lotissements périurbains. Cependant les responsables municipaux comptent sur un petit joker nommé « tendance » illustré par l’installation d’un club privé de jet-setters dans une ancienne teinturerie ou le fait que la danseuse Carolyn Carlson, nouvelle patronne des Ballets du Nord s’est choisi un loft sur place. Roubaix pourrait presque rêver de jouer les Docks de Londres…
