On ne verra plus sa silhouette massive souvent engoncée dans d’inénarrables costumes à larges rayures, on n’entendra plus ses diatribes grandiloquentes ni sa gouaille, avec cette voix de crooner érodée par les cigares et l’alcool. Roland Castro est mort. «C'était un architecte urbaniste avec un engagement citoyen profondément actif. Le monde perd aujourd'hui une figure engagée et politique qui a longtemps accompagné les politiques de la ville et la banlieue autant dans ses réalisations que dans son discours» réagit, dans un tweet, Christine Leconte, présidente du Conseil national de l’Ordre des architectes. Et Emmanuel Macron - que l’ex-maoïste avait soutenu - de renchérir également dans un tweet : «Légende de l'architecture et de l'urbanisme, militant de gauche visionnaire, Roland Castro nous a quittés. A notre paysage urbain, il lègue une empreinte indélébile. Aux citoyens, une inspiration. Au revoir et merci, Roland.»
Né en 1940 à Limoges, l’architecte et urbaniste est notamment connu pour des réalisations comme la Bourse du travail à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) en 1983, la Cité internationale de la bande dessinée à Angoulême (1990), le complexe mixte, rue de Bagnolet, de logements/médiathèque/hôtel Mama Shelter à Paris XIXe (2009), ou ses innombrables remodelages de quartiers et de tours.
Il sera encore davantage connu pour ses prises de position, son «abattage» légendaire et sa capacité à mobiliser le collectif pour le rallier à sa cause. Activiste militant, agitateur d’idées, il enseigne à UP6 dès sa création (aujourd’hui école d’architecture de Paris-La Villette) et y défend le logement pour le plus grand nombre, dans un urbanisme coloré par le désir de rendre digne l’habitat des plus humbles. Son heure de gloire arrivera dans la foulée de l’élection à la présidence de la République de François Mitterrand, en 1981. Il fonde alors, avec son confrère Michel Cantal-Dupart, l’association «Banlieue 1989» pour «changer la vie» et changer la ville. Un combat qu’il ne lâchera jamais vraiment tout à fait.
«Artiste égaré en politique urbaine», selon ses propres termes, il s'associe en 1988 à Sophie Denissof pour fonder leur agence. Il crée le Mouvement de l’utopie concrète (MUC) en 2003, en réaction au 21 avril 2002 et à la qualification de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle. Il livre alors 89 propositions pour restaurer le lien social. En 2008 et 2009, il participe à la consultation concernant le Grand Paris lancée par Nicolas Sarkozy. Il soutiendra Emmanuel Macron lors des deux élections présidentielles de 2017 et 2022. Celui-ci lui confiera, lors de son premier quinquennat, un rapport sur le même Grand Paris. «Du Grand Paris à Paris en Grand», «pas chiant, lisible, pas bourré de mots techniques, écrit de A à Z de ma main». Du Castro pur jus !