Tenue du G7 en 1995, six matches de coupe du monde de football en juin 1998, sommet de la Commission des Nations-Unies pour le commerce et le développement (Cnuced) en novembre, congrès mondial de médecine vétérinaire en 1999. Avec l'arrivée de Raymond Barre aux commandes de la ville et de l'agglomération urbaine, Lyon met fin à une discrétion et un goût du secret quasi maladifs. La course à la reconnaissance internationale s'accélère. Le potentiel de la ville est indéniable en termes économiques, d'infrastructures, d'équipements sportifs, culturels et touristiques, d'universités, de grandes écoles, de centres de recherches, etc. ; il s'appuie sur deux atouts historique et géographique fondamentaux.
Le premier objectif du maire de Lyon est certes d'assurer le développement économique ; mais il s'agit également sur cette base de développer les relations extérieures de Lyon, « par tous les moyens possibles », afin d'inscrire la ville dans un positionnement international incontournable, véritable tête de pont de l'Europe latine.
Mise en réseau des compétences et des potentiels
Parce qu'il estime indéniables les qualités de l'agglomération, Raymond Barre invite plutôt à un changement de pied et privilégie une méthode, la mise en réseau des compétences et des potentiels au travers de la conférence des villes centres des départements de Rhône-Alpes avec l'appui de la région, de la région urbaine de Lyon (RUL), d'une charte de partenariat avec la deuxième ville de France, Marseille - Lyon reste la deuxième agglomération - avec Genève et Turin (qui postule pour être capitale européenne de la culture en 2002), et une succession non exhaustive d'accords noués avec Canton, la polonaise Lodz, la libanaise Beyrouth bientôt la hongroise Pécs et les villes du Maghreb. Si elle a tout d'une grande capitale européenne, Lyon n'en a pas encore totalement la reconnaissance, le statut, la notoriété. Le lancement imminent du plan de métropole technopolitaine, fer de lance de « la ville de l'intelligence », vise à mobiliser la recherche et les financiers pour (re)démarrer des projets économiques dans le « high tech » et la santé : la région lyonnaise est le neuvième producteur mondial de médicaments ! Un pari qui, s'il réussit, contribuera à apporter ce supplément de notoriété.
Début avril, beaucoup de Lyonnais ont appris que leur ville disposait du deuxième musée de France après le Louvre. L'anecdote, certes rappelée par quelques Parisiens lors de l'inauguration du musée des Beaux-Arts, prouve que Lyon n'a pas totalement perdu ses vieux réflexes de discrétion, même si les mentalités évoluent. La vocation internationale affirmée de plus en plus par les élus laisse encore sceptique le Lyonnais de la rue.
Une carte à jouer dans le tourisme d'affaires
Bruce Redor, ancien d'Eurodisney et nouveau directeur de l'Office de tourisme de Lyon-Communauté, n'a pas de ces états d'âme. Avec une conviction toute professionnelle et sa double culture franco-anglaise, il ne cesse de marteler que « Lyon a une carte à jouer dans le tourisme d'affaire ». Il lui revient de vendre la ville à l'étranger pour transformer ses atouts - un patrimoine archéologique, des quartiers touristiques, un environnement naturel, des activités et des équipements culturels et de loisirs de niveau national - en bénéfices : « Lyon est belle, on la redécouvre ».
Sur le marché des congrès et du tourisme d'affaires, les critères de choix d'un site sont simples. A qualité égale d'équipements de congrès, les organisateurs se déterminent sur l'attractivité d'une ville qui dépend le plus souvent de son image. Paris, San Francisco, Barcelone tiennent le haut de l'affiche. Lyon ne joue évidemment pas dans la même catégorie.
Raymond Barre estime que la ville soutient honorablement la comparaison avec Turin, Milan, Stuttgart ou Amsterdam. Le déficit d'image et de notoriété est la première faiblesse de Lyon. « Lyon souffre d'être une ville industrieuse peu connue sur les marchés étrangers » note Bruce Redor. Ce qui est vrai pour le tourisme d'affaires l'est pour le tourisme d'agrément. Autre faiblesse : le manque d'équipements de taille suffisante pour inclure la ville dans le circuit international des grands congrès. Eurexpo à Chassieu et le Palais des congrès répondent à des besoins spécifiques (salons/foires et congrès moyens). La solution, préconisée par Bruce Redor et d'autres, réside dans l'extension du Palais des congrès pour accueillir des manifestations jusqu'à 3 000 participants. La ville y réfléchit.
Un budget encore modeste pour la communication
Quant au déficit d'image, les responsables locaux doivent se persuader de la nécessité de faire savoir que Lyon possède tous les atouts pour exister sur la scène internationale. Ce que Raymond Barre traduit ainsi : « On ne peut faire d'action internationale que si la ville donne l'impression que vous avez atteint ce niveau comme Barcelone ou Francfort ».
Ce qui suppose un certain nombre de moyens. Sur un budget de 21 millions de francs, l'Office du tourisme en consacre 5 au marketing et à la promotion ; une misère rapportée aux 4 milliards de chiffre d'affaires du tourisme à Lyon en 1997. « Imagine-t-on une entreprise réalisant un tel chiffre d'affaires qui ne consacrerait que 5 millions de francs à sa communication ? », interroge avec malice Bruce Redor.
Les retombées des grands événements extérieurs
Dans l'attente, Lyon compte sur les retombées de grands événements extérieurs. La tenue du G7 en 1995 s'est traduite par une hausse de 13 % des visiteurs étrangers en 1997 à plus de 500 000 nuitées en hôtel. Des effets bénéfiques similaires sont à attendre de la coupe du monde de football et du sommet de la Commission des Nations-Unies pour le commerce et le développement (Cnuced) sur le thème du commerce électronique. « Il y a incontestablement un avant et un après G7 », confirme Christian Lameloise, président de l'Office de tourisme de Lyon, patron d'une société de 27 hôtels franchisés.
Observateur/acteur privilégié de la vie lyonnaise, il déplore « le décalage entre les événements exceptionnels auxquels veut prétendre Lyon et le nombre insuffisant d'hôtels 4 étoiles ». L'hôtel Hilton avec ses 204 chambres et suites en construction à la Cité internationale sera-t-il suffisant ? Bruce Redor plaide pour 500/600 places en centre-ville qui porteraient Lyon au niveau des standards des villes de congrès internationales.
Et d'ajouter : « Lyon est un bon produit, l'un des seuls à proposer un tel ensemble d'atouts. A condition de renforcer la promotion et la commercialisation, on peut envisager de prendre 5 % des parts de marchés à Paris, qui accueille 600 congrès par an ». Actuellement, Lyon occupe une place importante sur le marché « associatif » spécialisé grâce au relais local de la communauté scientifique. Elle a ainsi été choisie devant Vancouver pour accueillir en 1999 le congrès mondial de médecine vétérinaire : il réunira en séance plénière 5 000 participants à la halle Tony-Garnier.
Les atouts géographiques du carrefour lyonnais
On transite beaucoup par Lyon. La gare de la Part-Dieu est la première gare de correspondance en Europe avec 75 000 voyageurs/jour. De façon contemporaine, le transport ferroviaire illustre la position stratégique historique du carrefour lyonnais. Les décideurs lyonnais et les organismes d'aménagement redécouvrent les vertus de la géographie pour en faire l'un des axes de développement du Grand Lyon.
Sa traduction économique, la logistique (transports, stockage et services aux entreprises) est devenue une priorité. Objectif : exploiter la géographie associée au couple produits-services pour positionner l'agglomération comme pôle d'ouverture sur le sud européen. « A la différence de Marseille, Gênes ou Barcelone, la région lyonnaise rayonne au coeur d'un hub multimodal et dessert une zone de chalandise beaucoup plus vaste et plus dense », constate Robert Maury, directeur de l'Association pour le développement de la région lyonnaise (Aderly).
Avec la promotion de son pôle logistique, la région lyonnaise est en passe de constituer pour le sud l'équivalent des plates-formes qui existent au nord avec Rotterdam et les Pays-Bas. Une tendance confirmée par l'annonce en avril des installations du centre de produits frais de Bonduelle et du géant mondial du jouet Mattel. Ce dernier avait à choisir parmi trois sites : la variété des modes de transport et le grand nombre des transporteurs, identique à l'Ile-de-France, ont emporté la décision.
Des points forts pour lutter contre le centralisme parisien
« Notre analyse est validée par les leaders mondiaux », se réjouit Robert Maury. Reste à transposer ce succès sur les autres filières que cherche à promouvoir l'agglomération lyonnaise : la santé (pharmacie, biotechnologies, sciences du vivant), la chimie/environnement/génie des procédés, notamment sur le site de la Porte des Alpes (400 ha de part et d'autre de l'A43 à dix minutes du centre de Lyon et de l'aéroport de Satolas) et les fonctions de services de haut niveau (sièges sociaux et directions générales).
Les trois premières filières présentent l'avantage de pouvoir s'épanouir à terme sur un véritable terreau de compétences locales : dans le seul domaine de la santé, les leaders mondiaux foisonnent avec Pasteur-Mérieux (vaccin, sérum), Rhône-Mérieux (vaccin vétérinaire), Biomérieux (réactif pour diagnostic en bactériologie) et Boiron (homéopathie).
En revanche, la partie risque de se révéler plus délicate pour les sièges sociaux, difficiles à attirer lorsqu'ils ne s'évadent pas tout simplement vers Paris pour cause de centralisme. « La région lyonnaise n'est pas Munich, mais elle possède beaucoup de divisions opérationnelles comme Rhône-Poulenc ou Hewlett-Packard à l'Isle d'Abeau », se console Robert Maury.
Pourtant, selon Marc Lhermitte d'Ernst & Young, « la région lyonnaise est un excellent compromis entre la concentration urbaine et plusieurs facteurs d'attractivité qualitatifs avec une main-d'oeuvre éduquée, un ensemble complet de prestataires de services et un très bon niveau d'équipement, notamment en immobilier ». Ernst & Young, l'un des « big six » mondiaux, l'a bien compris et a installé à Lyon une importante équipe de 260 personnes et plusieurs directions nationales (conseil stratégique en PME, immobilier, agroalimentaire, localisation européenne, grande consommation Europe). Un pari décentralisateur qui pourrait ouvrir la voie à d'autres.
Un déficit de notoriété face à ses rivales européennes
Mais force est de constater le handicap récurrent de Lyon qui, selon les responsables d'Ernst & Young, « n'a pas la notoriété correspondant à sa place de deuxième agglomération française ». Devancée par Strasbourg qui bénéficie de la présence du parlement européen, Lyon fait encore partie du troisième niveau des villes européennes. Derrière la plupart des capitales et le deuxième cercle des villes au dynamisme économique affirmé comme Zurich, Barcelone, ou Birmingham.
« Le défi pour la région lyonnaise est d'atteindre une masse critique comme avec la logistique », note Marc Lhermitte. Elle dispose, pour y parvenir, de sa richesse industrielle avec un tissu dense de PME, une zone à coûts faibles et une bonne circulation des produits. « Le Grand Lyon a tout le potentiel d'attractivité des grandes métropoles européennes et ses sites d'accueil d'activités sont même supérieures à la moyenne européenne ». Lyon a une carte à jouer dans les fonctions de services dont la tendance actuelle est à une forte concentration.
Si la partie se révèle difficile dans le secteur de la banque-assurance pour les opérations de « back-office », enjeu d'une vive concurrence entre les grandes villes, l'un des marchés les plus porteurs concerne l'installation ou l'extension des centres d'appels. Lyon compte déjà quelques plateaux d'envergure, comme le Royal Automobile Club et British Airways, la Camif, Atos pour les filiales de gestion de la Générale des Eaux, etc.
Stratégie de développement avec le plan d'action technopolitain
Un potentiel que Lyon doit développer pour Marc Lhermitte : « La ville a tout à fait les capacités à mobiliser 200 personnes parlant l'anglais ainsi que les prestataires opérateurs en télécommunications ». Le moins que l'on puisse attendre d'une ville qui compte 115 000 étudiants, dont 8 % d'étrangers, un opérateur - Cégétel vient d'installer son centre national à Bron - et qui prétend mettre en oeuvre un vaste programme de « la ville de l'intelligence » que le Grand Lyon lancera officiellement en mai prochain.
Avec son « plan d'action technopolitain 1998-2001 », le Grand Lyon veut passer à la vitesse supérieure.
Jusqu'à présent, les collectivités ont travaillé sur l'aménagement de zones d'activités et de technopoles bien identifiées. « Pour le futur, nous passons à une dimension plus immatérielle sur l'ingénierie de projets », explique Jacques Moulinier, vice-président du Grand Lyon en charge de la stratégie de développement. Aux quatre pôles technologiques identifiés - La Doua, Gerland, Ecully, Porte des Alpes - succède le concept de «métropole technopolitaine » valable pour toute l'agglomération.
Les pôles existants seront étendus ou rénovés (la Doua, Gerland), renforcés (Techlid avec le textile) ou promus dans leur zone de compétences, comme Porte des Alpes, avec l'environnement et le génie des procédés, un secteur de prospection privilégié de l'Aderly, notamment en Allemagne.
Deux sites seront créés : le pôle Rockfeller (IIIe/VIIIe arrondissements et Bron) qui associe les Hospices Civils de Lyon, des laboratoires et des entreprises de santé/pharmacie et le centre de génie urbain à Vaulx-en-Velin autour de l'ENTPE et de l'école d'architecture.
Renforcer les relations entre l'université et le monde économique
Le volet le plus innovant du plan d'action du Grand Lyon prévoit de renforcer les relations entre les universités et le monde économique pour industrialiser la recherche effectuée sur les campus et dans les laboratoires à travers l'ingénierie de projets. Les différents partenaires (universitaires, banquiers, sociétés de capital-développement) ont déjà pris contact. « La méthode est importante pour réussir précise Jacques Moulinier. Notre intervention institutionnelle sera limitée dans le cadre de contrats pour donner toute sa place au montage et au pilotage des projets par les différents partenaires ».
Pour exploiter les savoir-faire locaux, le Grand Lyon collabore aussi avec Infogrames, leader européen des jeux inter-actifs, sur un projet de constitution d'un pôle des technologies des nouvelles images et du multimédia dans le quartier de Vaise. La mise en oeuvre de la politique communautaire - comme celle du réseau de villes de la région Rhône-Alpes - qui souhaite faciliter l'éclosion économique de multiples projets s'avère urgente. Là comme ailleurs, le secteur de la recherche dans la région lyonnaise semble marquer le pas, sinon régresser dans plusieurs disciplines selon un rapport de 1997 de l'Observatoire des sciences et techniques.
Favoriser l'émergence d'une filière biotechnologique
Derrière des laboratoires (450 recensés sur l'agglomération lyonnaise) et leurs prolongements industriels qui représentent des fleurons de l'activité économique au plan national (génie biomédical, chimie fine, pharmacie, matériaux, textiles techniques), la relève n'est plus assurée.
Un phénomène particulièrement vrai dans les biotechnologies où, après quelques « success story », les « start up » lyonnaises sont passées de mode. La région n'a pas su non plus séduire les sociétés étrangères du secteur, principalement américaines, qui ont massivement transféré leurs unités en Europe, vers l'Ecosse principalement.
La situation apparaît suffisamment préoccupante pour que le Grand Lyon et le réseau des villes rhônalpines cherchent à favoriser l'émergence d'une filière des biotechnologies à Lyon et à développer parallèlement le numérique à Grenoble. De grands chantiers créateurs d'emploi dans des domaines d'activités high tech à même de contribuer à la notoriété de la région.
Bien décidé à s'ouvrir à l'extérieur, le Grand Lyon ne pouvait être plus longtemps absent d'Internet. Depuis un mois, il dispose donc d'un site Web(http : //www.grandlyon.com ou http//www.greaterlyon.com) exclusivement dédié au développement économique en direction des entreprises.
CHIFFRES-CLES
SUPERFICIE Région lyonnaise : 6 808 km2 (571 communes) Grand Lyon : 487 km2 (55 communes)
POPULATION Région lyonnaise : 2,108 millions Grand Lyon : 1,201 million
ACTIFS Région lyonnaise : 821 160 dont agriculture : 22 896 industrie : 219 960 BTP : 61 564 tertiaire : 516 740 La région lyonnaise est le 9e producteur mondial de médicaments. Lyon représente 20 % du marché national pour l'industrie pharmaceutique humaine, 25 % pour l'industrie pharmaceutique animale et 20 % de l'industrie des biomatériaux. (Source Aderly)