Décryptage

Ressources humaines : le CFA d'entreprise, un vivier de compétences sur mesure

Adéquation des enseignements aux besoins de l'activité, recrutements facilités, intégration réussie… Quelques années après la création de leur propre centre de formation des apprentis, les employeurs récoltent les fruits de leur investissement.

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NGE
Plate-Forme, l'école de formation de NGE, a été habilitée en 2019 par le ministère du Travail en tant que CFA d'entreprise. Elle affiche, à l'issue des cursus, un taux moyen d'insertion de 80 %.

Face à d'importants besoins sur des métiers en tension, nous pouvions soit jouer les surenchères de salaire et alimenter le turn-over chez nos concurrents, soit concevoir un outil nous permettant de fabriquer les ressources qui sont indisponibles sur le marché, évoque Sébastien Botin, DRH de Socotec. Quand la loi « Avenir professionnel », qui assouplit les modalités de création d'un CFA d'entreprise, a paru à l'automne 2018, le groupe spécialisé dans le testing, inspection, certification (TIC) a sauté sur l'occasion.

« Nous avons inauguré notre centre maison en septembre 2019, en accueillant la première promotion - une quinzaine de personnes - de notre cursus de technicien en vérification des installations électriques, poste qui concentre nos plus gros volumes d'embauches », raconte le DRH. Près de six ans plus tard, le nombre d'élèves inscrits avoisine les 150. Pour Sébastien Botin, la promesse de « libérer la pression sur le recrutement » est tenue. « Sur 1 500 embauches prévues au total cette année, 10 % proviennent ainsi du centre. L'objectif est de former, à l'horizon 2026, 200 apprentis chaque année », cadre-t-il.

Le CFA de Socotec, basé à Dunkerque (Nord) et non loin de Montpellier (Hérault), doit ouvrir prochainement une antenne près de Lyon (Rhône), et travaille sur d'autres projets d'extension (Ile-de-France, Toulouse [Haute-Garonne]…). L'accroissement des effectifs se heurte toutefois à la difficulté du sourcing. « Un jeune se dirigera plus naturellement vers une formation de l'Education nationale que vers le monde de l'entreprise », fait observer Sébastien Botin. D'où la nécessité de communiquer pour faire découvrir son centre : publications sur les réseaux sociaux comme TikTok, recours à la cooptation, partenariats noués avec des lycées professionnels…

De son côté, Engie profite des Tech'days, évènement organisé au printemps dans plusieurs grandes villes de France à destination d'étudiants et de personnes sans emploi ou en reconversion, pour faire rayonner l'activité de son centre et valoriser des formations encore peu connues.

« Rien de tel pour véhiculer les savoir-faire »

Avec quelques années de recul, les avantages du CFA d'entreprise ne manquent pas aux yeux des employeurs qui se sont lancés dans l'aventure. « Rien de tel qu'un dispositif interne pour véhiculer les savoir-faire, les spécificités métier et la culture de l'entreprise », appuie Laurence Lelouvier, DRH de NGE et directrice de Plate-Forme l'école de formation du groupe située à Saint-Etienne-du-Grès, (Bouches-du-Rhône), créée il y a une vingtaine d'années et habilitée en 2019 par le ministère du Travail en tant que CFA d'entreprise. A la panoplie des titres professionnels délivrés dans ce cadre - coffreur bancheur, canalisateur, maçon VRD et chef de chantier TP - s'ajoutera bientôt celui de conducteur de travaux, en cours de certification.

Héberger son propre centre permet « de concevoir et délivrer des formations sur mesure, car tout n'existe pas sur catalogue », complète Christian Haraux, directeur du centre Gustave-Eiffel à Chilly-Mazarin (Essonne). Pionnier dans le BTP, il a ouvert ses portes en 1997 sous l'impulsion du groupe Bouygues, et compte aujourd'hui 22 sections d'alternance, du CAP/titre professionnel au bac + 5. « Dans cette optique, nous travaillons par exemple actuellement avec Equans au montage d'un nouveau programme de monteur sprinkler sécurité incendie », illustre-t-il.

Et d'ajouter : « Nous faisons constamment évoluer notre cartographie de formations en fonction des besoins du marché, du secteur, mais aussi des entreprises. » Car aux côtés des 500 apprentis et de la centaine de personnes en contrat de professionnalisation qui occupent les bancs du centre Gustave-Eiffel figurent des collaborateurs d'entreprises partenaires. Des modules en construction bois ont par exemple été développés pour Bouygues Construction, mais également à destination de la profession.

« L'idée, pour enrichir son catalogue, est de dupliquer ce qui a bien marché sur d'autres filières métier », pose de son côté Sébastien Botin. Le CFA de Socotec a, depuis son ouverture, élargi son offre à des formations de technicien en diagnostics immobiliers, de chargé d'affaires en rénovation énergétique du bâtiment et d'instructeur en droit des sols, et songe à la conception d'un parcours de technicien en mesures environnementales. Une difficulté rencontrée par l'entreprise dans ce cadre concerne la reconnaissance des titres professionnels par France Compétences, « clé de l'obtention de financements, et sur laquelle nous misons pour crédibiliser nos formations. Entre le montage du dossier - une démarche ardue -, son instruction et l'attente de la décision, il s'écoule bien deux ans en moyenne. Un travail de longue haleine », pointe le DRH.

Investissement en temps et en énergie non négligeable

Les employeurs sont unanimes : faire fonctionner un CFA d'entreprise requiert un investissement en temps et en énergie non négligeable. « Mais nous récupérons des diplômés [prioritairement embauchés chez NGE, NDLR] parfaitement formés à nos techniques et déjà bien intégrés dans les équipes, d'autant que nous les initions aussi au savoir-être », valorise Laurence Lelouvier. Preuve selon elle de « l'efficacité et de la qualité des modules », Plate-Forme affiche, à l'issue des cursus, un taux moyen d'insertion de 80 %. Les anciens élèves du centre développent aussi un « attachement particulier » au groupe. « Un CFA d'entreprise assure la pérennité et l'évolution des ressources humaines », opine Christian Haraux. Nombre de collaborateurs de Bouygues Construction sont des anciens élèves du centre Gustave-Eiffel qui ont ensuite progressé dans le groupe.

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