A l'occasion de la sortie du 2ème volet du Rapport Lepage sur la question des expertises, Corinne Lepage, ancienne ministre de l'Ecologie, accorde une interview au Moniteur Expert.
Ce rapport a été présenté au Conseil des Ministres de l'Union Européenne vendredi 4 juillet.
En quoi consiste la mission Lepage ?
Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat, ministre de l'Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire nous a confié une mission en deux étapes.
A l'occasion de la transposition prochaine de la directive européenne sur la responsabilité environnementale, le ministre souhaitait l'institution d'un groupe de travail afin d'améliorer, en matière environnementale, les accès à l'information, à l'expertise, à la justice et réfléchir sur l'institution d'un dispositif de médiation. Un premier rapport a donc été rendu le 6 février 2008.
Les échanges du "Grenelle" ont montré la nécessité de faire évoluer les protocoles d'évaluation et les processus d'expertise appliqués aux nouvelles technologies pour tenir compte des progrès réalisés et des savoirs portés par les acteurs socio-économiques. Ce deuxième rapport a pour objet de formuler des propositions destinées, dans le cadre des demandes émanant tant des instances européennes que des Etats Membres, à améliorer le processus décisionnel européen en matière de nouvelles technologies, au travers de la biotechnologie et de la nanotechnologie. Ce rapport tient compte des pratiques issues des autres Etats Membres. Il s'agit d'émettre notamment des propositions de modification de la procédure d'expertise dans le domaine des bio et nanotechnologies que se soit au niveau national ou européen. Cette vision européenne prend tout son sens, puisque depuis le 1er juillet dernier, la France assure la présidence de l'UE.
Le groupe d'expert est le même que pour le premier rapport, enrichi d'experts en OGM et en nanotechnologie.
En quoi consiste le rapport ?
Ce rapport analyse les diverses critiques formulées à l'occasion des différentes étapes de la procédure d'expertise. Ces critiques ont débouché sur des propositions générales notamment s'agissant de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et sur des propositions précises notamment s'agissant des bio et nanotechnologies.
Quelles sont vos propositions ?
Nous souhaitons notamment :
- que les expertises soient contradictoires, pluralistes et pluridisciplinaires et non plus uniquement consensuelles,
- que les comités d'expertise soient assistés d'experts socio-économiques,
- que le bilan intègre en plus des inconvénients, les avantages d'un protocole,
- que les experts aient autant de responsabilités que leurs homologues européens (les experts rapports européens) ainsi qu'une réelle rémunération,
- une transparence décisionnelle c'est-à-dire une transparence des votes et la publication des avis minoritaires,
- que des évaluations périodiques soient effectuées sur les protocoles, ceux-ci constituant les règles techniques permettant la réalisation de cahiers des charges relatifs à la conduite d'une expertise,
- La création d'une Agence européenne de l'expertise chargée notamment de l'organisation des expertises, du contrôle des experts et de la déontologie.
quelles sont vos propositions s'agissant des bio et nanotechnologies ?
Les nanotechnologies sont peu et mal connues. Il n'existe pas de réelles évaluations de celles-ci. Elles sont autorisées sans réel contrôle. Il faut donc effectuer un inventaire des nanotechnologies. D'autant plus qu'ils existent environ 150 "espèces" dans les produits alimentaires et ailleurs. Il s'agit là d'un travail de fond. A cela s'ajoute la question de la pluridisciplinarité dans le processus d'expertise ; nous proposons donc la création d'une expertise à double détente.
Concernant les biotechnologies, la question des protocoles est essentielle. Il est important que les études sur les protocoles intègrent la question de leurs conséquences sur la santé et que le débat soit contradictoire et non plus consensuel.
Propos recueillis par Christian Figali