Résidentialisation, mode d'emploi

Réservé aux abonnés

Dans la longue suite des concepts, procédures ou financements spéciaux qui, depuis vingt ans, cherchent à guérir du mal-vivre les quartiers d'habitat social construits dans les années 60-70, il en est un qui actuellement fait fureur : la « résidentialisation ». La démarche consiste à réorganiser la trame urbaine lâche de ces quartiers au bâti souvent répétitif, en individualisant davantage le parcellaire d'habitation (une entrée, un immeuble, une adresse...) et en faisant clairement apparaître le statut, public ou privé, des espaces extérieurs. En quelque sorte, il s'agit de faire entrer dans les codes urbains traditionnels des ensembles conçus à une époque qui cherchait précisément à s'en affranchir. A partir du milieu des années 80, ce sont souvent les paysagistes, appelés à requalifier les vastes espaces extérieurs de ces quartiers (notamment dans l'agglomération lyonnaise), qui ont posé les premiers la question du statut des sols, préconisant en particulier de nouveaux découpages fonciers : un espace public rétrocédé à la commune sous forme de voiries ou de parcs, des espaces privés rapprochés des logements et souvent clôturés. Couplés avec des interventions ciblées sur les halls et les pieds d'immeuble, sans oublier les dispositifs de gestion urbaine (desserte, services, gardiens, entretien...) ou sociale, ces transferts de propriété ont vite pris le nom de résidentialisation, qui accole enfin à la restructuration des cités HLM ou des grandes copropriétés dégradées un terme infiniment plus gratifiant que le morne « réhabilitation » ou le technocratique « Palulos ». Aujourd'hui, la plupart des grands bailleurs sociaux ont en projet ou en chantier des opérations de ce type. Mais l'exemple du quartier Bellevue à Marseille ou celui de la cité des Courtillères à Pantin, pour ne citer que des opérations récemment évoquées par « Le Moniteur », montrent qu'elles sont extrêmement lourdes à monter et à mener. Elles impliquent, en effet, un engagement fort de la commune concernée aux côtés du ou des bailleurs sociaux, des montages fonciers et financiers imaginatifs, et la mobilisation de nombreux partenaires, consultants, maîtres d'oeuvre..., sans oublier, bien entendu, le dialogue avec les habitants. D'où l'utilité du document d'une centaine de pages (1) que viennent de publier conjointement la Caisse des dépôts (direction du renouvellement urbain) et la Fédération nationale des SA d'HLM : il constitue un véritable mode d'emploi de la résidentialisation. Les artisans en sont Rose-Marie Royer-Vallat et Olivier Launay, tous deux consultants au Crepah, l'organisme d'études et de recherche de l'Union des HLM.

ILS ONT PASSE AU CRIBLE UNE DIZAINE D'OPERATIONS RECENTES, DEPUIS L'ETAT INITIAL DES LIEUX JUSQU'AUX ENSEIGNEMENTS QU'EN TIRENT AUJOURD'HUI LES ACTEURS DE LA TRANSFORMATION. Outre qu'elles offrent une foule d'informations précises sur les montages financiers et les coûts, ces études de cas donnent un aperçu de la diversité des questions dont l'emboîtement et la superposition font toute la difficulté du pilotage de ces opérations : ce sont des relations itératives à établir avec les responsables de la ville et ceux des voiries-réseaux-divers ; des méthodes de concertation à trouver pour associer les habitants ; des choix stratégiques à faire pour un type de clôture, l'emplacement d'un local poubelles ou d'un parking, etc.

MAIS AU-DELA DE CETTE VUE

EN COUPE SUR LE QUOTIDIEN DES ACTEURS DU RENOUVELLEMENT URBAIN, LES DEUX CHERCHEURS

donnent quelques clés pour réussir ces opérations. Avant tout, disent-ils, elles doivent être partie prenante d'un projet urbain global, et menées en partenariat avec la ville. Ensuite, si l'on veut obtenir des résultats durables, l'attention préalable aux usages et aux pratiques de l'espace sont fondamentales, ainsi que la mobilisation des habitants tout au long de l'opération.

Enfin, il existe quelques règles de conduite d'opération à respecter. En particulier, le cahier des charges remis aux maîtres d'oeuvre doit anticiper les évolutions de la commune (transports, équipements programmés, etc.) et prévoir les modalités de concertation avec les habitants. Du côté de la maîtrise d'ouvrage, il est recommandé de monter dès l'amont un groupe de projet qui fédérera les divers acteurs, en particulier la ville, dont l'intervention sur l'espace public est décisive pour la réussite de l'opération. A l'échelle de quelques centaines de logements, la démarche recoupe, finalement, les objectifs de cohérence et de partenariat que la loi solidarité et renouvellements urbains assigne aux nouveaux documents d'urbanisme. La réaction des locataires « séduits et surpris » du quartier Saint-Jean à Muret, l'une des opérations analysées par Rose-Marie Royer-Vallat et Olivier Launay, donne tout leur sens à ces objectifs.

(1) «Résidentialisation, requalifier les espaces de proximité», publié par la Caisse des dépôts et consignations, direction du renouvellement urbain (01 40 49 93 26) et la Fédération nationale des SA et fondations d'HLM (01 40 75 78 00).

PHOTO :

Rose-Marie Royer-Vallat, 54 ans, est sociologue, spécialiste reconnue de la concertation avec les habitants. Olivier Launay, 31 ans, s'est formé sur le terrain de la gestion urbaine.

Tous deux sont consultants au Crepah.

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires