Le 1er janvier 2022, une nouvelle filière de responsabilité élargie du producteur (REP) pour les déchets du bâtiment doit voir le jour. Pour cela, l'Ademe a mené une mission de "préfiguration" dont elle a présenté fin 2020 les conclusions aux industriels.
Et le moins que l'on puisse dire c'est que cela n'a pas plu du tout aux professionnels de la filière minérale...
"En juillet nous a été présenté un état des lieux (volumes, origine, destination et filières de collecte et de traitement des déchets). Nous étions satisfaits du « panorama » qui montrait que les déchets inertes se situaient sur la deuxième marche du podium (derrière les métaux) en termes de gestion : 33 Mt de déchets valorisés à plus de 70%. La filière existe et est très performante (c’est le second œuvre qui reste problématique)", raconte Mathieu Hiblot, secrétaire général de l'UNPG, l'union des producteurs de granulats. "Et puis au 2e semestre, l’Ademe nous a présenté son travail sur des scenarii de filières. Sa conclusion principale : il n’y a pas de flux à exclure de la filière REP (inertes ou métaux) avec reprise gratuite".
Concrètement : les déchets inertes du bâtiment issus des matériaux minéraux devront être repris gratuitement, une reprise dont le financement serait assuré par le paiement d’une écocontribution par les metteurs sur le marché. Au total, selon l'Ademe, le transfert de charge vers les producteurs serait de 2,7 Mds € dont 700 M€ pour les matériaux du gros oeuvre.
Le risque de déstabiliser une filière
Et cela pour l'UNPG et plus largement pour l'Unicem, qui regroupe les industries de carrières et de minéraux, c'est inenvisageable. "Si nous sommes favorables à ce que la REP permette de faire émerger des nouvelles filières de tri et de collecte, nous ne voulons pas qu’elle nous force à changer notre modèle et à passer à une collecte dite « séparée », c’est-à-dire des déchets triés pour lesquels il faudrait une reprise gratuite" poursuit Mathieu Hiblot. "Car même si une indemnisation financière vient compenser la perte de recettes, nous savons, par expérience dans les autres filières REP, que celle-ci n'est jamais compensée en totalité, ce qui menacera la pérennité de nos points de collecte."
Les déchets inertes du bâtiment issus des matériaux minéraux bénéficient en effet déjà depuis plus de 25 ans, d’une filière de reprise et de traitement : 1500 sites qui maillent l’ensemble du territoire auxquels s’ajoutent 471 usines d’enrobés qui recyclent 76 % du stock des agrégats récupérés sur les chantiers routiers, et à une expertise reconnue.
Selon l'Unicem, la menace est donc réelle de déstabiliser une filière déjà organisée, de conduire à une ponction économique très importante de ses acteurs et au final, "de renchérir fortement le prix sur chaque matériau", alerte Mathieu Hiblot.
Car la nouvelle organisation s'accompagnerait également d'une complexité technique et administrative importante : "Il faudrait en effet assurer une traçabilité complémentaire des déchets en amont de la plateforme de valorisation pour savoir s’ils proviennent d’un ouvrage de génie civil (et dans ce cas pas concerné par la REP) et donc payant ou du bâtiment (concerné par la REP et donc gratuit)", avertit Mathieu Hiblot.
Concertation avec le gouvernement
La Direction générale de la prévention des risques, en charge du futur décret, aurait demandé des compléments d’analyse à l’Ademe mais aurait déjà débuté la rédaction de son décret de périmètre de la REP (quels produits sont concernés) et, à l’aval, le principe de gratuité (pour quels déchets).
Ce sera ensuite à l’éco-organisme, avec ses objectifs de recyclage, de maillage, de dire à combien fixer l’éco-participation. Un processus qui inquiète là aussi l'UNPG: "Le montant de cette compensation serait fixé selon une grille tarifaire au plan national ce qui, selon une évaluation que nous avons conduite avec un expert indépendant, pénaliserait la moitié de nos 1500 installations", craint Mathieu Hiblot.
L’Unicem et l'UNPG ont d'ores et déjà sollicité le gouvernement pour la mise en place d’une "concertation réelle et sérieuse" avec tous les acteurs dont Routes de France et le SEDDRe et demandent, en premier lieu, le retrait des déchets inertes du périmètre de la REP.