Décryptage

Rénovation : les entreprises se plient en quatre pour plaire aux copros

Les travaux lourds restent difficiles à mettre en œuvre dans les résidences privées. Pour conquérir ce marché, les acteurs du secteur tentent de mettre en place des offres adaptées.

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Rénovation d'un immeuble résidentiel à Bayonne, en octobre 2023.
Rénovation d'un immeuble résidentiel à Bayonne, en octobre 2023.

Depuis 2013, le constat est simple : la rénovation énergétique des copropriétés privées a du mal à s'enclencher, malgré les aides publiques », constate Arnaud Thamin, directeur performance énergétique et enveloppe de Myrium, groupe francilien spécialisé dans la rénovation. Si l'Agence parisienne du climat (APC), qui gère le dispositif CoachCopro, observe une augmentation exponentielle des demandes d'audit - plus de 100 par mois en Ile-de-France depuis le début de l'année -, le nombre de chantiers ne suit pas la même dynamique. Le potentiel est pourtant là, puisque sur 577 431 copropriétés répertoriées à fin 2023 représentant 9,7 millions de logements, près de 1,5 million d'entre eux sont classés F ou G, soit 15 %. Pour les entreprises de travaux, impossible d'ignorer ce volume très prometteur de chantiers.

Pour s'attaquer à ce marché, elles doivent d'abord comprendre les freins en place. « Les copropriétés ont un circuit de décision lent, avec une assemblée générale par an, et rencontrent des problématiques de financement », analyse Matthieu Jourdan, directeur de la stratégie et du développement de l'entreprise francilienne spécialisée Acorus. Eric Nessler, président du cabinet Nicolas, gestionnaire de copropriétés, en convient : « Les copropriétaires, notamment dans des immeubles avec peu de logements, doivent débourser en moyenne entre 30 000 et 40 000 euros sans les aides. » Même quand les blocages budgétaires sont levés, le parcours du combattant se poursuit. « Comme les entreprises sont débordées, il faut au total entre quatre et cinq ans pour réaliser les travaux. C'est trop long », explique-t-il.

Proposer un interlocuteur unique. Raccourcir les délais, c'est l'ambition d'Acorus. « Nous voulons passer de quatre assemblées générales en moyenne à deux : une pour l'audit et une autre pour décider des travaux », annonce Matthieu Jourdan. Pour cela, l'entreprise a décidé de rassembler l'ensemble des prestations. « Nous allons lancer au troisième trimestre 2024 une offre dédiée à la rénovation globale des copropriétés appelée Yatou, annonce-t-il. Nous nous sommes associés à un auditeur, Casbâ, un spécialiste du financement, Synergiec, un assistant à maîtrise d'ouvrage, la plateforme Amoa, et une entreprise spécialisée dans le calcul des performances énergétiques, Energies Demain. » Le partenariat avec Synergiec, par exemple, doit permettre de compiler l'ensemble des subventions MaPrimeRénov' Copropriété, des aides locales et des certificats d'économie d'énergie (CEE), afin de minimiser le reste à charge.

Devenir un interlocuteur unique est aussi l'ambition de Myrium, qui a créé en septembre 2023 Myrieca, une filiale dédiée à la rénovation des copropriétés privées. « Elle vise à coordonner les mini-entreprises spécialisées du groupe, de l'ITE à la menuiserie, en passant par le chauffage et l'étanchéité », détaille Arnaud Thamin. Pour convaincre rapidement, Myrium propose des garanties de performance énergétique. « Il s'agit d'un engagement que seule l'entreprise de travaux peut supporter », estime-t-il. Une offre qui va à rebours d'usages bien ancrés. « Les copropriétés sont habituées à chercher une entreprise par lot, et à choisir à chaque fois la moins chère », regrette-t-il. Pourtant, il en est convaincu, « l'entreprise générale se révèle très pertinente pour accélérer leur rénovation. Elle coûte certes plus cher, mais elle s'engage sur les délais et le prix. Et il faudrait que davantage d'entreprises ensemblières proposent des garanties de résultat. »

Solutions tout-en-un. Une analyse partagée par Matthieu Jourdan, alors qu'Acorus s'engage, elle aussi, sur des performances énergétiques. Pour lui, le problème ne vient ni de la demande, ni des subventions, mais de l'offre. « Nous sommes désireux que d'autres acteurs proposent des offres globales avec des garanties de résultat, car les syndics de copropriété doivent mettre les entreprises en concurrence. » Consciente de cette nécessité, l'Ademe a lancé en juin 2023 l'appel à projets Oreno - pour « Opérateurs ensembliers de la rénovation » -dans le cadre du plan France 2030. L'idée est de faire émerger des solutions qui offrent un interlocuteur unique, des garanties de performance et une solution de financement.

Le groupe ERI aborde ce marché différemment. « C'est à nous, entreprises et bureaux d'études, de nous adapter aux copropriétaires, et non le contraire, estime François Lhoutellier, son président. Nous devons nous plier à leurs exigences. » Contrairement à Acorus et Myrium, ERI se place dans une optique « de multi-mo-nogestes, afin de s'adapter au mieux aux contraintes de chaque copropriétaire. » Cela implique donc d'être attentif au rythme d'une copropriété, et de réagir lorsque survient un déménagement. François Lhoutellier en a conscience : « Par exemple, s'il y a un changement de résident au dernier étage, nous pouvons intervenir rapidement pour réaliser les travaux d'étanchéité. Adaptation et réactivité sont la clé. »

Gestion de chantier en site occupé. La question des nuisances demeure en effet un point bloquant lorsqu'il s'agit de voter une rénovation. C'est pourquoi Réhabitat, agence de réhabilitation de GCC en Ile-de-France, entend jouer la carte de la gestion de chantier en site occupé, et rassurer sur le bon déroulement des travaux. Ses réflexions pour adresser ce marché ont commencé il y a un an et demi. « Les compétences de nos assistants de relation locataires vont nous permettre d'imaginer un métier spécifique d'assistant relation copropriétaire », explique Marc Raso, directeur de l'agence. Réhabitat n'a pas encore d'offre dédiée, mais, en octobre 2023, elle a embauché un directeur commercial spécialement pour étudier ce segment de marché. « Nous voulons créer une organisation spécifique, avec ses propres modes de commercialisation et surtout sans sous-traitance, afin de maîtriser au maximum les chantiers », ajoute-t-il. Un positionnement de nature à rassurer selon Gilles Frémont, président de l'Association nationale des gestionnaires de copropriétés (ANGC) : « Les copropriétaires s'inquiètent généralement face à des entreprises tous corps d'état qui sont, à leurs yeux, synonymes de sous-traitance. » Pour accéder aux syndics de copropriété, Myrium compte sur ses entreprises du pôle chauffage, qui exploitent 4 000 chaufferies en Ile-de-France. Acorus mise, de son côté, sur ses partenaires en maîtrise d'œuvre, et vise une croissance de plus de 20 % par an sur ce segment. Gilles Frémont rappelle néanmoins l'essentiel : « Le prix reste le nerf de la guerre lors des assemblées générales. » Un obstacle central pour ces nouveaux ensembliers de la rénovation.

Le bilan 2023 de MaPrimeRénov' Copropriété

  • 51 559 logements rénovés, chiffre en hausse de 29 % sur un an, dont 30 167 rénovations d'ampleur.
  • 345,7 M€ d'aides, en progression de 2 % sur un an.
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