Evénement

Renouvellement urbain Les organismes d' HLM condamnés à réussir

Intéressés au premier chef par la reconstruction des quartiers, les organismes d'HLM veulent devenir des opérateurs urbains à part entière. Dans un entretien au « Moniteur », le directeur de la Caisse des dépôts, Daniel Lebègue, explique le rôle que peut jouer son établissement dans le renouvellement urbain. Avec quelles règles et à quelles conditions. Sur le terrain, des organismes mènent déjà des opérations de renouvellement urbain, chacune étant un cas particulier.

« Construisons ensemble l'avenir du logement social » : Le thème choisi pour le 60e congrès HLM de Nantes du 16 au 19 juin est très fédérateur. Mais, comme souvent, le vrai sujet dont débattront les congressistes sera différent : cette année, c'est la question urbaine qui dominera.

Cela fait plusieurs mois que des dirigeants du mouvement font état, en privé, de leur inquiétude devant la dégradation de la situation dans certains quartiers. « Malgré les années d'effort, on constate toujours une tendance lourde à la spécialisation des quartiers. Il est de plus en plus difficile d'assurer la mixité ; nous nous heurtons à de la vacance et de l'insécurité. Les méthodes de gestion classiques ont de moins en moins de prise », constatait Maurice Mahaut, auteur du rapport d'orientation de l'assemblée générale de la fédération des SA d'HLM, dont le thème était : « Une ville renouvelée et solidaire pour un avenir des quartiers ».

L'accélération et l'extension des difficultés suscitent au sein de nombreux organismes un désarroi profond, partagé souvent par les maires. « Pendant quelques années, seuls quelques bailleurs étaient concernés par les quartiers. Aujourd'hui, les trois quarts d'entre eux le sont », explique Maurice Mahaut. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : un quart du patrimoine des sociétés anonymes d'HLM est situé dans un quartier en difficulté, chiffre qui monte à 35 % pour les offices.

Le sentiment d'insécurité et la concentration des difficultés dans certains sites font partir les locataires. La montée de la vacance est ressentie comme un traumatisme par les organismes. Selon les dernières statistiques du ministère de l'Equipement, elle était montée à 3 % au 1er janvier 1998. Les régions économiquement dynamiques sont autant touchées que les autres : l'Ile-de-France (3 %), Rhône-Alpes (3,7 %)... Dans les quartiers en difficulté, ce chiffre monte à 5 % au moins.

Autre signe de la désaffection des locataires, le taux de mobilité a augmenté pour atteindre 12,1 % au 1er janvier 1998 (11,4 % un an plus tôt). Le temps de relocation des biens s'allonge et les bailleurs se plaignent souvent du nombre de refus qu'ils essuient avant d'arriver à trouver un locataire. Le bâti, aussi, est en cause : « Certains types de constructions n'intéressent plus la clientèle », constate Maurice Mahaut. La vacance pèse sur les comptes : « J'ai un taux de remplissage de 98 %. Si je tombe à 95 %, cela représente un manque à gagner de 90 millions de francs », expliquait récemment Patrick Lachmann, directeur général d'Efidis. Aussi n'a-t-il pas hésité à baisser les loyers de 20 % pour les nouveaux entrants dans deux ensembles immobiliers situés à Ivry. « Nous sommes obligés d'être réactifs et de nous adapter à la réalité du terrain. A Ivry, ça a marché », soutient-il.

La fin des bâtisseurs

Ces facteurs, combinés à la mauvaise équation financière des PLA, ont tétanisé les organismes qui ont donné un brusque coup de frein à la construction de logements neufs. Au grand dam du ministre du Logement dont les crédits budgétaires n'ont pas été consommés. Et quand les organismes construisent, ils le font différemment : la taille des programmes diminue, les sites sont « choisis », et plus du quart des logements mis en service dans le parc sont des logements individuels (alors que le stock n'en compte que 12 %).

Plus fondamentalement encore, de nombreux organismes se sont engagés dans une réflexion sur leur patrimoine. La fédération des SA d'HLM, notamment, encourage cette démarche qui existe déjà chez certaines sociétés comme Efidis où une sorte d'échelle des risques a été établie (voir p.56). Cela lui permet de réinvestir à bon escient dans la réhabilitation, ou de procéder si nécessaire à un amortissement accéléré des ensembles immobiliers les plus exposés au risque.

Un mouvement de rationalisation est engagé chez les plus dynamiques : Habitat et Finance constatait récemment que les ventes de patrimoines se développent non seulement par souci de reconstituer des fonds propres mais aussi pour rationaliser des implantations géographiques : l'Opac 27 a ainsi racheté plus de 1 000 logements à la SA d'HLM de Seine-Maritime qui souhaitait se désengager de l'Eure. Pour homogénéiser son patrimoine, le groupe 3 F commence aussi à faire des échanges de patrimoines avec d'autres sociétés comme Logirep ou la Scic... Cette démarche permet ainsi de réduire le nombre des acteurs sur certains sites... De là à aller jusqu'à une réduction du nombre d'organismes, il y a un pas que seuls les plus téméraires osent franchir ! Décidément dynamique, l'Opac 27 a même demandé à Habitat et Finance une étude sur le marché locatif local avant de lancer une opération de construction (voir p.62).

La fin du tout-réhabilitation

Si le temps des bâtisseurs est révolu, le tout-réhabilitation a vécu lui aussi. Des organismes, engagés dans un troisième programme de Palulos sur leur patrimoine, ont fini par se poser des questions sur cette logique, ouvertement comparée à de l'acharnement thérapeutique. Depuis trois ans, le tabou qui couvrait la démolition du parc social a été levé. Même si, officiellement, le terme démolition est accolé indissociablement à celui de reconstruction, les esprits ont beaucoup évolué sur cette question grâce à l'action conjointe du ministre de l'Equipement, de son administration, de la Caisse des dépôts et de l'Union des HLM. Un mode d'emploi a été établi par une récente circulaire, des financements mis sur pied et des enveloppes ouvertes.

Aujourd'hui, le débat s'est élargi : la question est maintenant de savoir comment sont menées des opérations complexes combinant des actions sophistiquées sur le bâti (réhabilitation, démolition, reconstruction) et hors bâti, sur le quartier lui-même. « Les organismes sont des gestionnaires de patrimoine. Mais, dans les quartiers, ils sont de fait des gestionnaires de territoires », explique Daniel Grande, directeur du GIE Villes et Quartiers.

De la rénovation à la restructuration urbaine

Conscient du poids que pèsent les organismes dans les quartiers - et donc de l'enjeu que leur revitalisation représente pour eux -, l'Union des HLM se mobilise. « Les HLM doivent être des partenaires majeurs de politique de la ville » : à peine nommé, son nouveau délégué général, Paul-Louis Marty, mettait les points sur les « i » dans nos colonnes (« Le Moniteur » du 26 mars, pp. 18 et 19) en déplorant que les organismes aient été tenus à l'écart jusqu'ici de l'élaboration de la politique de la ville. Et, s'il est vrai que la reconstruction de la ville sera le thème majeur de la décennie à venir, l'arrivée de Michel Delebarre à la présidence de l'Union des HLM sera un atout majeur. L'ancien ministre de la Ville, qui place ce thème en tête de ses préoccupations, a toute la carrure nécessaire pour porter un projet ambitieux dans ce domaine.

Les HLM veulent être associés en amont à la préparation des contrats de ville. « Cela va conditionner le devenir de notre patrimoine dans ces quartiers », explique Dominique Dujols, directeur des affaires sociales à l'Union. Mais cela suppose un certain nombre de conditions car les problèmes posés dépassent le simple cadre du bâti et seuls les organismes les plus dynamiques - souvent les plus grands - sont au fait des questions urbaines : un certain nombre d'entre eux ont déjà mené des opérations complexes, ainsi que le démontre une étude sur plusieurs opérations de démolition, établie par le Crepah (Centre de réalisation et d'études pour la planification, l'aménagement et l'habitat) sur la base de travaux de plusieurs bureaux d'études pour le GIE Villes et Quartiers. Des initiatives sont prises, comme celle du groupe 3 F qui se dote d'un Monsieur ville. Mais, comme l'analyse Paul-Louis Marty en distinguant restructuration et rénovation urbaines, « la reconstruction de la ville sur elle-même n'a pas été faite, sauf quelques cas que l'on cite tout le temps en exemple ».

A l'heure de la renégociation des contrats de ville, chacun prend donc ses marques. L'Union semble avoir convaincu le ministre de la Ville qu'il fallait associer les HLM à la préparation et à la mise en oeuvre des contrats de ville. Mais on ne sait pas encore quelles formes prendra cette association. En interne, chacun est conscient aussi que se pose un problème de représentation des organismes là où le patrimoine est éclaté entre plusieurs bailleurs (ils sont trente-deux à Créteil, par exemple !). Au-delà des rationalisations éventuelles de patrimoine - qui sont encore faites à doses homéopathiques -, les organismes doivent inventer des formules de représentation face aux autres acteurs de la ville s'ils veulent que leur point de vue soit pris en compte. C'est-à-dire opter résolument pour une coopération interorganismes. Autre question : quelle est la marge de manoeuvre des organismes, notamment celle des offices municipaux ? « Les élus reconnaissent-ils l'organisme comme une entreprise avec laquelle ils ont des rapports contractuels ou comme un ..paraservice'' ? » s'interroge Daniel Grande.

Un haut degré de professionnalisme

« Il est nécessaire que l'organisme ait lui-même la capacité d'élaborer un projet. C'est très difficile », expliquait récemment le président du groupe 3 F, Michel Ceyrac. La question des compétences dépasse le strict cadre de l'organisme, comme le souligne la Caisse des dépôts : « Restructurer une ville comme Marseille est aussi compliqué que de construire le tunnel sous la Manche », fait remarquer son directeur général Daniel Lebègue. Directeur de la mission « renouvellement urbain », Dominique Figeat souligne qu'il s'agit d'« opérations très complexes qui exigent un pilotage de projet de très haut niveau professionnel ». Depuis un an, la Caisse des dépôts est sur les starting-blocks et propose ses services, tant logistiques que financiers, à tous les acteurs : elle a déjà 120 projets prêts à démarrer en 1999, et une centaine d'autres, en première liste, en 2000. Une fois le mouvement lancé, le directeur général de la Caisse espère que les élus s'approprieront la démarche de renouvellement urbain qui deviendrait ainsi un atout dans leur politique.

Restent les habitants, les premiers intéressés dans cette démarche. Maurice Mahaut plaide pour le principe de la pyramide inversée : « A la base, l'objectif, c'est le client. » Et il raconte en souriant les difficultés qu'a rencontrées le Logement français pour créer un réflexe client en son sein, pour « décliner le métier en pensant locataire ».

Michel Hurpeau, directeur de l'office municipal d'HLM de Malakoff, expliquait récemment, lors d'un petit-déjeuner du « Moniteur », à quel point les locataires avaient été associés au projet de restructuration de la cité du Million : quatre rencontres publiques se sont déroulées lors de la phase de diagnostic, une enquête sociale approfondie a été menée auprès de chaque habitant... L'équation sociale était particulièrement difficile puisqu'il s'agit de l'une des cités les plus pauvres du parc de l'Office, où le faible taux d'APL s'explique par l'extrême modicité des loyers (voir aussi p.59). « Ce n'est pas la même chose de faire de l'aménagement quand il faut exproprier quelques habitants entourés de champs de betteraves et de réaménager en démolissant 1 000 logements occupés », explique Paul-Louis Marty avant de souligner, à juste titre : « Cela, il n'y a que nous qui pouvons le faire. » Les organismes d'HLM vont-ils être reconnus comme de véritables opérateurs urbains ?

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