Ce lundi matin s’annonce orageux. A la chaleur caniculaire des derniers jours, succède un ciel sombre et bas chargé d’éclairs. Les nerfs à fleur de peau comme tous les collaborateurs des négociants, Fréderic Chareton pénètre brusquement dans le bureau du secrétariat de direction.
- Sylvie, avez-vous des nouvelles de mon billet pour Paris ? Les Journées nationales des Négociants commencent dans deux jours et…
Sylvie, l’assistante de direction, délaisse son écran et réplique sèchement un « Bonjour Monsieur Chareton, vous désirez ? ».
Au même instant, Serge Boutemy, le directeur commercial, entre dans le bureau, un grand sourire aux lèvres.
- Salut Sylvie, avez-vous passé un bon week-end ? Parfait, pourriez-vous me sortir le dossier des recouvrements ?
- Bien sûr, je m’en occupe tout de suite.
Et elle entame ses recherches devant un Frédéric interloqué.
- Sylvie ! J’aimerais avoir ma réponse.
- La réponse est oui, lâche brutalement Sylvie.
Fréderic Chareton s’éloigne en bougonnant.
- Ah ! celle-là, il vaut mieux ne rien lui demander quand elle est de mauvaise humeur !
Surpris, Serge Boutemy réplique :
- Peut-être que si tu y mettais un peu plus les formes, elle aurait un comportement différent.
- Attends, c’est parce que, pressé, je n’ai pas pris le temps de la saluer selon les conventions établies, qu’elle s’est vexée ? Et puis, c’est plutôt à elle de se manifester… Après tout, elle n’est que la secrétaire partagée de la direction générale.
- Toi, tu n’as vraiment rien compris. Il ne s’agit pas d’une question de hiérarchie. Tu retardes d’une décennie.
Un peu embarrassé, Frédéric tente de se justifier.
- Je ne vais pas passer ma matinée à saluer tout le personnel, pour flatter l’ego de chacun.
- Il ne faut rien exagérer. Commence par saluer tes équipes directes et tous ceux que tu croises, ce ne sera déjà pas mal.
A mesure qu’il parle, Boutemy sent qu’il ne parviendra à convaincre son directeur d’agence. La réplique de Frédéric lui donne raison :
- Mais je le fais. Enfin, presque toujours… C’est vrai que lorsque je vois Jérôme ou Philippe, j’attends qu’ils se rendent compte de ma présence.
Amusé, Serge souligne :
- Bref, tu joues les petits chefs. Et bien, ne t’étonnes pas des relations médiocres que tu as avec tes collaborateurs…
Arrivant de la cour des matériaux, José Torrès, un client plaquiste venu pour passer commande, leur adresse un bonjour aussi amical que tonitruant.
Serge Boutemy lui répond sur le même ton.
Et, Frédéric Chareton soupire :
- Ah ! si les clients se mêlent maintenant de donner des cours de politesse, j’ai effectivement des progrès à faire !
