«Nous avons des besoins récurrents de recrutement sur des postes de coffreurs ou de maçons. Cela fait trois ans environ que j’utilise avec l’ANPE la méthode de recrutement par simulation; j’ai recruté une douzaine de personnes par ce biais, qui étaient auparavant boulangers, coiffeurs, couturiers... Au départ j’étais réticent, avoue Alain Kieffer, directeur d’exploitation de l’agence Provence (140 personnes) de Léon Grosse. Nous avons peu d’échecs, à condition d’associer les chefs d’équipe et les chefs de chantier à la démarche.» Un tel exemple aurait paru incongru il y a encore quelques années. Mais faute de trouver du personnel BTP, les entreprises doivent élargir leur spectre de recrutement et aller chercher des demandeurs d’emploi extérieurs au secteur. C’est tout l’intérêt de la méthode de recrutement par simulation que l’ANPE développe depuis 10 ans et que le BTP commence à découvrir. «En 2004, nous avons réalisé 10 000 recrutements par ce biais, révèle Françoise Mourier, chef de la mission recrutement par simulation à l’ANPE. Son intérêt réside dans le fait que nous cherchons des candidats ailleurs que dans le secteur concerné. Nous leur faisons passer des exercices qui mesurent des habiletés, c’est-à-dire des caractéristiques propres à la personne qui sont mobilisables dans le contexte du travail» (voir encadré). Les habiletés les plus fréquemment recherchées dans le BTP sont le travail en équipe, l’initiative, l’autonomie, se repérer dans l’espace.
«Nous utilisons cette méthode pour des secteurs sous tension, qui éprouvent des difficultés de recrutement, et pour des recrutements en nombre. Il faut qu’il y ait au minimum 10-15 postes à pourvoir», rappelle Patrick Montet, chargé de mission à la direction régionale aquitaine de l’ANPE qui l’a utilisée sur le chantier du laser mégajoule. Les grandes entreprises du secteur y ont vite vu leur intérêt. «La demande vient des entreprises, confirme Sylvie Laurent, membre de la direction régionale Ile-de France de l’ANPE qui l’a testée notamment avec Eiffage Construction et Sogea Construction, qui cherchaient des coffreurs. Je suis allée sur les chantiers pour voir les métiers et nous avons bâti ensemble les exercices, qui ont été testés par les salariés des deux entreprises».
Sogea est très satisfaite de l’expérience. Elle a ainsi recruté fin 2004 38 aides coffreurs sur le chantier de la station de nitrification des eaux d’Achères, dans les Yvelines et 19 autres sur celui de l’hôpital militaire de Toulon. «Parmi les personnes que nous avons embauchées, certaines sont appelées à passer en 2006 ouvrier hautement qualifié (niveau N2P2)», se réjouit Jacques Giffard, responsable formation.
Mais la méthode s’applique tout aussi bien aux PME, à condition qu’elles fédèrent leurs besoins pour aboutir au seuil minimum de 10 recrutements. De plus en plus de projets se montent sous l’égide des fédérations régionales du bâtiment ou des TP.
Des PME fédèrent leurs besoins.
Dans le Morbihan, une opération exemplaire a été conduite par l’ANPE et la fédération du bâtiment. «Début 2004, nous avons identifié une quarantaine de postes de maçons, autant de coffreurs à pourvoir. Une douzaine d’entreprises du bâtiment, PME et filiales de majors, ont été mobilisées grâce à la fédération morbihannaise du bâtiment pour définir et étalonner les exercices», fait savoir Corinne Perennou, animatrice de l’équipe bâtiment à l’agence ANPE de Lanester. 60 demandeurs d’emploi ont passé les exercices; les personnes intéressées par un poste de maçon ou de bancheur passaient une semaine sur les chantiers dans le cadre d’une évaluation en milieu de travail (EMT) pour vérifier leur motivation. Ils suivaient ensuite avec l’Afpa une formation de 2 mois pour les bancheurs, 5 mois pour les coffreurs. Une quarantaine a été embauchée par les entreprises en CDI», affirme Pierre Moins, secrétaire général de la fédération du Morbihan. Pour Patrick Armand, président de Sceg, entreprise morbihannaise de gros œuvre de 75 personnes, «la méthode est intéressante car pragmatique. J’ai pris 12 personnes en formation et j’ai recruté 6 bancheurs et un maçon en CDI; parmi eux, il y a de futurs chefs d’équipe. Auparavant, ils étaient étrangers au secteur...» Dans le département de la Côte-d’Or, une opération similaire a été conduite sur les métiers du gros œuvre. Cinq entreprises ont joué le jeu et une dizaine de postes de coffreurs et de maçons traditionnels étaient à pourvoir. L’entreprise dijonnaise Pouletty (115 personnes, filiale d’Eiffage Construction), était l’une d’elles. «Nous réitérerons l’expérience», fait savoir son directeur d’exploitation, Marc Lenourry qui a embauché deux demandeurs d’emploi en contrat de professionnalisation.


