Que les requérants en prennent bonne note : celui qui s’engage, dans le cadre d’une transaction, à retirer son recours contre un permis de construire moyennant contrepartie (financière ou en nature), doit faire enregistrer le protocole transactionnel au service des impôts dans le mois qui suit la transaction. A défaut, il ne pourra prétendre obtenir les sommes ou avantages que l’accord prévoyait. Ainsi en a jugé la Cour de cassation dans une décision du 20 décembre 2018 (publiée au Bulletin). Avec cet arrêt, la Haute juridiction judiciaire renforce « l’objectif de moralisation et de transparence poursuivi par le législateur » et lui apporte son soutien dans la lutte contre les recours abusifs.
Rétractation de la transaction
Dans cette affaire, un promoteur avait obtenu un permis de construire pour l’édification de deux bâtiments comprenant plusieurs logements, et avait ensuite conclu une transaction avec une société voisine (et son gestionnaire de patrimoine) qui avait intenté un recours contentieux contre le permis. La transaction, signée en septembre 2014, prévoyait, en contrepartie du désistement du recours en annulation, le nettoyage, par le promoteur, des vitres de la maison située sur le terrain appartenant à la requérante, la plantation d’un mur végétal et le paiement d’une somme de 12 000 euros.
Le protocole transactionnel n’avait été enregistré qu’en mai 2016 et, sur requête de la société voisine, le tribunal de grande instance lui avait donné force exécutoire en août 2016. Estimant que l’accord n’avait pas été enregistré dans les délais, le promoteur a assigné la société en rétractation de ladite transaction. La cour d’appel a accueilli sa demande et a refusé d’homologuer le protocole transactionnel. L’affaire est alors portée devant la 3e troisième chambre civile de la Cour de cassation qui confirme l’arrêt d’appel.
Délai de rigueur
Se fondant sur les articles L. 600-8 du Code de l’urbanisme et 635, 1, 9° du Code général des impôts (CGI), qui fixent les règles et les délais en matière de transaction, les magistrats rappellent que la formalité obligatoire d’enregistrement – gratuite (1) – « doit être accomplie dans le mois de la date de la transaction et que, à défaut d'enregistrement dans ce délai, la contrepartie prévue par la transaction non enregistrée est réputée sans cause ». Pour la Haute juridiction, « considérer que le délai d’un mois est dépourvu de sanction et admettre ainsi qu'une transaction ne pourrait être révélée que tardivement serait en contradiction avec l'objectif de moralisation et de transparence poursuivi par le législateur ». Elle en conclut donc que ce délai d’un mois est un « délai de rigueur » ne pouvant être prorogé et « dont l’inobservation entraîne l’application de la sanction légale », c’est-à-dire la restitution, au bénéficiaire du permis, des sommes qu’il aurait indûment versées au requérant.
Loi Elan
A noter enfin que la Cour de cassation a appliqué ici, avant son entrée en vigueur (1er janvier 2019), la nouvelle rédaction de l’alinéa 2 de l’article L. 600-8 du Code de l’urbanisme issue de la loi Elan. Pour rappel, cet article précise désormais que la transaction doit être enregistrée dans le délai d’un mois. La Cour estime que ce texte a un caractère interprétatif, « dès lors qu’il se borne à reconnaître sans rien innover un état de droit préexistant » et qu’il ne fait que conforter la solution ainsi dégagée.
Cass. 3e civ., 20 décembre 2018, n° 17-27814, publié au Bulletin