Plus que quelques semaines pour connaître les contours de la Réglementation Environnementale 2020 (RE 2020), qui s’appliquera à tous les permis de construire déposés à partir du 1er janvier 2022 dans le secteur du logement.
Pour sensibiliser les membres de la filière, SMABTP et l’Union nationale des économistes de la construction (Untec) organisent 16 réunions partout en France en 2021 et 2022 à destination des économistes de la construction (adhérents ou non de l’Untec), mais aussi des bureaux d’études, des architectes, et des maîtres d'ouvrage publics comme privés.
Ces petits déjeuners portent sur la RE 2020, le coût global (défini par la norme ISO 15686-5) et l’assurance. « Nos préconisations portent sur les sinistres observés par le passé et liés à la RT 2012, qui pourraient potentiellement être plus récurrents à cause des nouvelles exigences de la RE 2020 », explique Caroline Diulein, chargée de mission du groupe SMA en charge de co-animer le petit-déjeuner de ce jeudi 2 décembre.
D’une manière générale, la RE 2020 risque d’engendrer « de nouvelles attentes des acquéreurs qui pourraient générer des réclamations plus nombreuses », commence Caroline Diulein.
D’abord, parce que la société change, ce qui n’a pas forcément de lien direct avec la RE 2020. La chargée de mission pense, par exemple, aux besoins de maintien à domicile, à l’émergence du télétravail qui nécessite de concevoir les logements différemment…
« Les acquéreurs ont également des attentes fortes en termes de réduction des consommations énergétiques », poursuit-elle. L’un des objectifs de la RE 2020. « On peut imaginer qu’à l’avenir, le coût global devienne un argument de vente des promoteurs : le logement est vendu un peu plus cher, mais à l’usage il coûte moins cher. De meilleures performances seront donc attendues par les acheteurs. »
Cette dernière conseille donc aux maîtres d’ouvrage de renforcer l’attention portée à la réception des bâtiments et à leur livraison aux clients.
Seuil réglementaire et techniques non courantes
Les regards se tournent ensuite vers les concepteurs. Sont-ils couverts si les performances énergétiques ne sont pas atteintes ?
« Leur responsabilité civile est engagée et en général, leur contrat d’assurance couvre ce risque », indique Caroline Diulein.
Toutefois, s’ils s’engagent à aller au-delà de la réglementation, « les éventuels dommages ne seront pas couverts par leur contrat d’assurance, prévient-elle. Il s’agit là d’une exclusion car l’assureur s’engage à couvrir son client jusqu’au seuil réglementaire, si le client s’engage à aller au-delà sans y parvenir, il n’y a pas d’aléas, donc il n’est pas couvert par son assurance. » Le concepteur est donc tenu de se tourner vers son assureur avant de s’engager dans un projet si innovant.
Qu’en est-il lorsque le concepteur use de techniques non courantes (qui ne relèvent d’aucune norme) ? « Aujourd’hui, l’usage de matériaux issus du réemploi est considéré comme une technique non courante, rappelle Caroline Diulein. En général, l’assureur se base sur sa sinistralité passée, il faut donc l’informer avant de s’engager dans un projet pour qu’il étende le contrat d’assurance à cette typologie de procédé. » Cette dernière ajoute tout de même que « SMA couvre la TNC sans déclaration préalable pour les concepteurs ».
RE 2020, garantie décennale et devoir de conseil
Autre question qui se pose : la RE 2020 a-t-elle un impact sur la notion d’impropriété, qui engage la responsabilité civile d’un concepteur et déclenche la garantie décennale ? « L’impropriété à destination en cas de dommage entraînant une surconsommation énergétique ne permettant l’utilisation de l’ouvrage qu’à un coût exorbitant engage la responsabilité décennale au titre de l’article L. 123-2 du CCH. Le dommage est donc couvert par le contrat d’assurance », fait savoir Caroline Diulein.
Les concepteurs sont également soumis au devoir de conseil. Ce dernier porte notamment sur les prestations réalisées par le maître d’ouvrage lui-même, sur les matériaux, sur les conséquences des travaux envisagés ou encore de la modification du programme initial… Et ce devoir de conseil est renforcé en l’absence de maîtrise d’œuvre. « La jurisprudence impose depuis longtemps de prouver que l’on a bien fait son devoir de conseil, rappelle Caroline Diulein. En général, il faut fournir au juge des preuves écrites, des mails, des courriers. » Pas simple d’envoyer un mail à son client pour se couvrir systématiquement, lui fait-on remarquer dans la salle. « C’est vrai, répond-elle. Mais aujourd’hui, il y a heureusement beaucoup plus d’échanges écrits qu’il y a vingt ans. »
La RE 2020 étend le devoir de conseil. Puisque les calculs pour permettre l’atteinte des objectifs sont réalisés à la conception, « toute modification ultérieure peut entraîner des écarts pouvant aller jusqu’à la non-atteinte des performances. Il revient au concepteur d’alerter sur les éventuelles conséquences des modifications demandées et leur chiffrage », indique Caroline Diulein, qui précise que « ce devoir de conseil s’étend au maître d’ouvrage mais aussi aux partenaires constructeurs ». Les lecteurs intéressés par le risque assurantiel peuvent encore s’inscrire aux petits-déjeuners à venir…