Quelles ont été selon vous les innovations techniques les plus importantes en 2018 en France ?
Parmi les sujets qui m'ont marqué, il y a celui des matériaux intelligents - comme les bétons auto-réparants, ceux capables d'absorber des pollutions ou d'autres pouvant jouer sur la lumière - qui me semblent être des avancées majeures, notamment face aux problèmes d'entretien des infrastructures. De leur côté, les matériaux « biogénétiques » n'ont pas encore de marché, mais pourraient participer à la réduction des coûts de construction. Chez Setec, nous avons travaillé sur le sujet avec des universités anglaises, avec cette idée de matériaux auto-réparants ou pouvant prendre des formes variées. Un autre sujet porte sur la transformation numérique des métiers et tout ce qui est lié à l'impression 3D. Dans le bâtiment, où l'on est dépendant de cycles de réalisation assez longs, le fait de relier nos outils numériques sur toute la chaîne permettrait de faire des gains importants sur la préfabrication. L'impression 3D est un sujet prometteur, davantage pour préfabriquer des éléments - comme le fait XtreeE2 - que pour des constructions complètes.
Des expériences ont été réalisées en ce sens par Vinci. Après, il y a beaucoup d'innovations liées à l'économie numérique, qui amènent des changements en ingénierie, notamment avec le BIM. Dans le domaine de l'exploitation-maintenance, par exemple, ce sont de nouveaux modèles pour passer d'une obligation de moyens à une obligation de résultats.
Pouvez-vous citer des innovations récentes susceptibles de vous inspirer à l'échelle internationale ?
Au niveau mondial, il y a des phénomènes qui nous interrogent. En Chine, par exemple, ce sont des expériences où l'économie numérique a pris le pas sur l'économie de la construction. Des métiers du bâtiment ou de l'engineering se retrouvent sous-traitants, non pas de l'utilisateur, du client, mais de quelqu'un qui est dans l'économie numérique. Est-ce qu'il s'agit d'innovation ? Je ne saurais le dire, mais cela questionne notre métier.
Quelle est notre valeur ajoutée sur ce type de modèle ? À nous d'être pourvoyeurs de l'innovation, car nous sommes les mieux placés pour connaître les besoins de nos clients et apporter le service qui va avec.
Quels sont, dans la pratique actuelle de votre métier, les freins et les leviers à l'innovation ?
Pour innover, il faut être capable de quitter ses réflexes et entrer dans une économie disruptive, quitte à se fragiliser à un moment donné.
C'est compliqué dans les métiers de la construction où les gens sont très ancrés sur leurs traditions, leurs habitudes. Quand on fait de l'innovation, on a également besoin de circuits de décision rapides, donc il faut pouvoir compter sur de l'intelligence collective. L'innovation ne peut être portée par une seule personne. Et il faut pouvoir rencontrer son marché, sinon on ne survit pas.
Donc, il faut aussi des intelligences de survie ! Tout cela se ressent particulièrement au niveau de la transition numérique. Nous le vivons au travers de Setec Smart Efficiency, la start-up que nous avons créée il y a deux ans et qui, sur l'énergie, rentre en conflit avec nos missions plus traditionnelles d'accompagnement de nos clients.

